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Hépatite C - Règlement des recours collectifs
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Renvois : Décisions homologuées par le juge arbitre : #155 - Le 9 août 2004

Décision du tribunal compétent en matière de recours collectifs - le 4 novembre 2004

D É C I S I O N

Réclamation no 11910

A. Introduction

[1] La réclamante qui a maintenant 48 ans et qui réside en Saskatchewan a présenté une demande d’indemnisation à titre de personne directement infectée, dans le cadre du Régime à l’intention des transfusés infectés par le VHC (« le Régime »), qui constitue l’Annexe A de la Convention de règlement relative à l’hépatite C (1986-1990) (« la Convention de règlement »).

[2] En vertu des dispositions de la Convention de règlement et du Régime, la « période visée par les recours collectifs » (du 1er janvier 1986 au 1er juillet 1990 inclusivement) est la seule période pour laquelle une indemnisation peut être disponible. En outre, bien qu’il existe de nombreuses sources possibles d’infection par le virus de l’hépatite C (« VHC »), le Régime prévoit une indemnisation uniquement aux personnes ayant reçu des transfusions au cours de la période visée par les recours collectifs de produits de sang définis, généralement, mais avec une exception, lorsque les donneurs ont subi des tests et ont été déclarés VHC positifs.

[3] Cependant, par lettre datée du 18 novembre 2002, (1) l’Administrateur a refusé la réclamation après avoir soigneusement examiné la documentation fournie à l’appui de la réclamation et ce, pour les raisons suivantes :

… Vous n’avez pas fourni une preuve suffisante à l’appui de votre réclamation à savoir que vous avez reçu du sang au cours de la période visée par les recours collectifs.

Dans votre demande originale, vous avez déclaré que vous aviez reçu une transfusion au UBC Hospital ou au Vancouver General Hospital en 1988 ou 1989. Dans votre réclamation, vous n’avez présenté aucun document ayant trait à une transfusion. Dans les cas où le réclamant a de la difficulté à obtenir des documents comme preuve (sic) qu’il a reçu une transfusion, le service de retraçage entre en communication avec la Société canadienne du sang lui demandant de l’aide pour obtenir directement de l’hôpital de l’information relative à la transfusion. La réponse finale à cette demande a été reçue de la SCS le 22 septembre 2003. Les deux hôpitaux ont confirmé avoir fait des recherches dans leur banque de dossiers sur les transfusions de sang et vous n’avez pas reçu de transfusion. Par conséquent, vous n’étiez pas admissible à une indemnisation, selon l’article 3.01 (1a) de la Convention de règlement relative à l’hépatite C (1986-1990), parce que vous n’avez pas reçu de transfusion de sang entre le 1er janvier 1986 et le 1er juillet 1990.

[4] La réclamante a demandé le 9 novembre 2003 (2) qu’un arbitre/juge arbitre soit saisi du refus (l’« avis d’appel ») de sa réclamation par l’Administrateur.

[5] La réclamante soutient maintenant spécifiquement qu’elle a reçu une transfusion de sang pendant qu’elle attendait une chirurgie au UBC Hospital à Vancouver le 13 juin 1988, alors qu’elle résidait en Colombie-Britannique. Dans le TRAN 1, la réclamante a répondu « une fois » à la question demandant si la personne infectée par le VHC avait reçu une transfusion de sang au cours de la période visée par les recours collectifs (3) et « non » à la question demandant si elle avait reçu des transfusions de sang au Canada avant 1986. Dans le TRAN2, son médecin généraliste actuel en Saskatchewan a déclaré
« tatouage » et « hystérectomie en 1981 » comme autres facteurs de risque. Il a déclaré que la réclamante avait en effet reçu du sang mais a écrit à la main « Information fournie par la patiente » au-dessus de cette note.(4) L’Administrateur a demandé que la Société canadienne du sang (la SCS) effectue un retraçage. Les résultats du retraçage sont résumés dans le document joint à une lettre datée du 28 août 2003 de la SCS, qui indique qu’aucune transfusion n’avait été donnée à la réclamante, ni au University Hospital, le site UBC, ni au Vancouver General Hospital où la réclamante est allée pour une autre chirurgie en avril 1989.(5) Une autre lettre de la SCS datée du 17 septembre 2003 résume leur dossier de la réclamante et confirme essentiellement les conclusions antérieures de la SCS, mais fournit d’autres détails.(6)

[6] Nonobstant les résultats du retraçage, dans sa documentation de renvoi, la réclamante déclare qu’en fait, le sang avait été donné le 12 ou le 13 juin 1988 au UBC Hospital. Elle déclare (7) ce qui suit :

« DATE à laquelle le sang a été donné

Le 12 juin 1988 au UBC Hospital – les dossiers confirment et je le confirme moi-même que j’ai perdu beaucoup de sang pour une mastectomie bilatérale à cette occasion. Acheson & Company de Victoria m’a récemment informée que la date susmentionnée est exacte selon le dossier. Acheson & Co. sont des avocats qui me représentent présentement dans le « Litige portant sur les implants mammaires » contre Dow Corning.

Je vous présenterai plus d’information dans ma déclaration et en mes propres mots.

Également : J’ai réutilisé un formulaire « Tran 5 » déjà utilisé tel que demandé. J’espère avoir suivi vos instructions comme vous m’avez demandé de le faire, pour être en mesure de présenter une réclamation avant la date limite…

[7] Dans son formulaire de demande de renvoi, (8) la réclamante donne les raisons suivantes pour son renvoi :

« Je … veux que la décision de l’Administrateur soit revue parce que je crois réellement qu’étant donné le temps dont j’ai sûrement besoin, je ferai de mon mieux de mon vivant pour produire les documents (sic) permettant d’appuyer ma réclamation au meilleur de mes capacités. Je sais dans mon coeur et dans mon âme qu’on m’a donné du sang le 13 juin 1988. Depuis le 13 juin 1988, ma vie a été presque un enfer. Ma santé physique (sic) et mentale a subi (sic) tellement de stress depuis cette première mastectomie (sic) bilatérale, que ce sera vraiment difficile d’oublier ces 2 années de ma vie, en plus du fait d’avoir à vivre avec du silicone qui circule dans mon système, j’ajoute maintenant l’hépatite « C » à la liste. Non! Je ne pense pas jamais oublier ces 2 années. Je sais dans mon cœur et dans mon âme que le Dr W. m’a dit qu’on m’avait donné du sang ce 13 juin. Je me souviens très bien de cette journée, du moins de certaines parties parce que je n’oublierai jamais les problèmes qui sont survenus par après et ce même jour. Pour l’amour de Dieu, je venais de me faire enlever les deux seins, ce seul événement serait traumatisant (sic) pour n’importe quelle femme (sic). Il fallait que je sois solide, j’avais un garçon de 6 ans que je devais élever seule. Quand on pense à tout ce que cet enfant a dû voir endurer par sa mère (sic), c’est à rendre malade. Et je me permets d’ajouter, « et cela n’est pas pertinent à la présente réclamation », J, mon fils, est devenu un jeune homme honnête, fort travailleur qui n’oubliera jamais certaines parties de ces 15 dernières années, ni moi d’ailleurs.

Le jour où le Dr W. m’a dit qu’on m’avait donné du sang, c’était lorsque j’étais dans ma chambre. Je savais que J aurait peur lorsqu’il viendrait me rendre visite et qu’il verrait le sac de sang, pas plein mais assez plein. Je me demandais moi-même. Alors, lorsque le Dr W est venu me voir, j’ai demandé à quoi ça servait? Il a dit que j’avais perdu (sic) tellement de sang et qu’il fallait m’en donner. Je saignais toujours alors, c’était la raison du drain. J’avais très mal, plus que ce à quoi je m’attendais, j’ai eu l’impression d’avoir été heurtée par un camion Mack, j’avais peur à cause de la chirurgie et du sac de drainage. J’ai commencé à me demander s’il y avait un problème dans la salle d’opération. Je sais que j’ai dit à la personne de l’admission que je préférais ne pas avoir de sang à moins que ce ne soit réellement nécessaire, elle a déclaré lorsque j’ai signé l’avis de libération qui donne au médecin la permission d’effectuer ce qu’il faut lorsque je serais endormie. Donc, l’idée d’avoir du sang me préoccupait. Le Dr W. a dit que j’étais bien, que le drain avait ralenti, que du liquide corporel et du sang entraient dans le sac. J’ai eu le sac pendant un certain temps, combien de temps, je ne le sais pas. Je me souviens des tubes lorsqu’ils ont été enlevés. C’était comme si des couleuvres me traversaient (sic) la poitrine, vraiment pas beau à voir.

Lorsque j’ai présenté ma première demande (sic) dans le cadre de cette réclamation concernant l’hépatite
« C », je n’ai jamais pensé un seul instant que les services de sang NE me trouveraient pas dans leurs (sic) dossiers. Lorsque j’ai lu cette lettre, j’ai été renversée. C’est ma première expérience en ce qui concerne les réclamations, j’ai pensé ou présumé que j’avais fait ce qu’il fallait faire.

J’ai informé le Centre relatif à l’hépatite « C » que j’attendais mes dossiers médicaux. D’abord, le UBC Hospital m’a fait parvenir un formulaire, et moi, bien sûr, je l’ai rempli tout de travers, lorsque je leur ai envoyé. La même chose est arrivé dans le cas du Vancouver General Hosp. « J’ai joint certains documents pour votre examen ». Un jeu de navettes, jusqu’au moment où enfin (sic), je reçois 2 dossiers de UBC et rien du Vancouver General. Finalement, après avoir envoyé un formulaire de demande au Van. Gen. Hosp. à deux reprises, on m’a écrit pour me dire qu’« il n’y a aucun dossier à mon sujet ». Pourquoi ne pas l’avoir dit au point de départ? Maintenant, enfin, j’ai 2 dossiers de UBC et les deux sont très semblables. Entre-temps, les gens du (Centre des réclamations) « relatif à l’hépatite C » ont des résultats des gens qui s’occupent du sang (Société canadienne du sang). Ces gens disent que UBC et Vancouver General disent que je n’ai pas reçu de transfusion à aucun des deux hôpitaux. Maintenant! Je subis la pression d’avoir à prouver la vérité. Pourquoi le Vancouver General me dirait-il que je n’étais pas là?, dites-le à la banque de sang, je n’ai pas reçu de transfusion selon les dossiers de la banque de sang, puis, facturez mes avocats pour le litige relatif aux implants mammaires (sic) en C.-B., pour mes dossiers, en fait, cette facture, le UBC Hospital n’était même pas mentionné. Je sens que les hôpitaux mentionnés me font marcher et je crois réellement que j’ai reçu du sang comme je l’ai dit, il y a simplement eu une erreur. Mes avocats pour ma réclamation concernant le litige relatif aux implants mammaires (sic) ont demandé mes dossiers en 1993-1994; lorsqu’un dossier est demandé pour une réclamation qui se poursuit, ces dossiers ne doivent-ils pas être conservés? Pourquoi mes dossiers ont-ils été éliminés? Les choses ne sont tout simplement pas claires dans le cas de ces deux hôpitaux (sic). Également, mes avocats de Victoria ont 126 pages de l’hôpital. J’ai moi-même, en retour, reçu beaucoup moins. J’ai demandé une copie des dossiers médicaux qu’il leur restait pour mieux prouver mon cas. J’ai également communiqué ou devrais-je dire, j’ai fait parvenir un formulaire de quittance au médecin avant la chirurgie et au médecin après la chirurgie pour prouver que j’avais « l’hépatite B » avant et après la chirurgie, oui, mais pas « l’hépatite C » avant la chirurgie de 1988 et j’espère également vous en faire la preuve. Si on me le permet, j’aimerais également dire que mon fils J a subi le test de détection de « l’hépatite C » autour de l’an 2000. J’obtiendrai également la confirmation de la date exacte auprès de mon fils qu’il est porteur de « l’hépatite B » mais non du virus de « l’hépatite C ».

Si l’Administrateur (sic) en convient (sic), je ferai de mon mieux pour prouver mon cas si on m’en donne la chance. Ma santé est mauvaise et c’est peu dire. Prouver ce cas, même s’il était simple, m’en fera et m’en ferait connaître de toutes les couleurs, ce que j’ai lu sur ce que je dois faire sera presque un miracle. Si Dieu le veut, j’aurai la force et la compréhension de vous donner ce qu’il vous faut pour me rendre admissible à ce règlement. Je demanderai de me faire parvenir mes dossiers de chaque hôpital et médecin, je suis en train de le faire en ce moment même. Tous les documents relatifs à mon cas vous seront acheminés. En retour, j’espère prouver que j’ai réellement contracté ce virus en 1988 selon ce que je me souviens et après que vous aurez examiné la documentation, vous aussi vous me croirez et accepterez (sic) ma réclamation. »

[8] La réclamante a fait savoir qu’elle souhaitait que l’affaire soit réglée par renvoi et après de nombreux appels téléphoniques et demandes de dossiers médicaux additionnels, elle a demandé une audition en personne.

[9] Les présentations par écrit du Conseiller juridique du Fonds, datées du 1er juin 2004, établissent la position de l’Administrateur. L’Administrateur convient que la réclamante a été hospitalisée au UBC Hospital à Vancouver et a subi une intervention chirugicale le 13 juin 1988. Bien qu’il admette qu’une demande de formulaire pour du sang indiquant le type sanguin de la réclamante ait été faite le 12 juin 1988, le jour avant son intervention chirurgicale, (9) il soutient que la réclamante n’a pas réussi à fournir la preuve pour l’indemnisation tel que requis par l’article 3 du Régime. L’article 3.01 stipule que la réclamante doit fournir la preuve démontrant qu’elle a reçu une transfusion de sang au Canada au cours de la période visée par les recours collectifs. Si la réclamante ne peut pas fournir de dossiers tel que requis par le paragraphe 3.01(1) (a), le paragraphe 3.01(2) stipule que la réclamante doit fournir une preuve établissant selon la prépondérance des probabilités qu’elle a reçu une transfusion de sang au Canada au cours de la période visée par les recours collectifs. Bien que la réclamante ne soit pas en mesure d’établir la cause de son infection, elle avait en fait d’autres facteurs de risque. Également, selon la publication de la Fondation canadienne du foie « Hepatitis C Medical Information Update »: « Dans 10 % des cas d’hépatite C, selon les données américaines, il est impossible de trouver la source de l’infection. » Dans un autre article publié dans le Journal canadien des maladies infectieuses et de la microbiologie médicale, à la page 361, on y lit que des facteurs inconnus contribuent à 20,8 % de tous les cas d’hépatite C. Dans le cas présent, la réclamante avait d’autres facteurs de risque : tatouage, interventions chirurgicales antérieures, infections antérieures par l’hépatite B et possiblement usage de drogues intraveineuses. Dans un rapport du Dr B daté du 22 mai 1997 (10), on y lit qu’ « elle a déjà abusé de drogues intraveineuses » et des notes du Dr C du 26 juin 1986 (11) indiquant « usage de cocaïne par voie intraveineuse il y a 2 mois » et « (A déjà fait usage de drogues dans le cadre de séance de tatouage) ». Au total, on soutient que la réclamante n’a pas réussi à démontrer la preuve nécessaire selon le paragraphe 3.01(2).

B. Faits, résumé de la preuve

[10] Une audience a été tenue en Saskatchewan le 2 juin 2004. La réclamante a témoigné en son nom et Carol Miller, coordonnatrice des appels du Centre des réclamations relatives à l’hépatite C (1er janvier 1986 au 1er juillet 1990) (le « Centre des réclamations »), a témoigné au nom de l’Administrateur.

[11] Avant l’audience, cependant, la réclamante avait exprimé lors de nombreuses conférences téléphoniques avec le juge arbitre et le conseiller juridique du Fonds, des préoccupations à l’effet qu’elle avait beaucoup de difficulté à obtenir la coopération requise des médecins, ce qui l’aiderait à obtenir les dossiers lui permettant de présenter son cas de façon appropriée. Elle a demandé que le juge arbitre l’aide à obtenir ces dossiers. Le juge arbitre a en effet demandé et obtenu un certain nombre de dossiers d’un Dr W de Vancouver (un des chirurgiens ayant pratiqué l’intervention chirurgicale de la réclamante) et le Dr WH, un omnipraticien de la C.-B. La réclamante a déclaré ne pas avoir rencontré et ne se rappelle pas du tout une femme chirurgienne qui l’aurait opérée et donc était surprise de voir le nom de la Dre K (chirurgienne généraliste) dans les rapports opératoires. Par conséquent, afin de traiter des préoccupations de la réclamante à cet égard, le juge arbitre a écrit deux lettres et fait un certain nombre de demandes par téléphone au bureau de la Dre K, l’autre chirurgienne de la réclamante le 13 juin 1988, ainsi qu’au Womens' Health Centre, sur le conseil du bureau de la Dre K.

[12] En conséquence, l’affaire sera en effet jugée en fonction de la documentation écrite et des témoignages déposés par les parties, avec certaines preuves documentaires obtenues après l’audience dont je parlerai un peu plus loin.

[13] Les preuves documentaires suivantes ont été présentées lors de l’audience :

Pièce 1 - Dossier initial du Centre des réclamations (pages 1 à 136)

Pièce 2 - Documentation fournie par la réclamante au Centre des réclamations concernant : les « dossiers médicaux reçus du Dr G » reçus le 4 février 2004 (pages 1 à 83)

Pièce 3 - Documentation fournie par la réclamante au Centre datée du 17 février 2004, contenant une lettre dactylographiée de 3 pages de KL, un(e) ami(e) de la réclamante, datée du 15 février 2004. (12)

Pièce 4 - Fiche médicale de 83 pages du Dr WH, fournie sous pli d’une facture du 17 mars 2004 au juge arbitre

Pièce 5 - Autre documentation fournie par la réclamante au Centre, y compris la fiche médicale du Dr C et des dossiers du Creston Valley Hospital, des documents sur la chirurgie d’implants mammaires reçus par le Centre le 10 mai 2004 (pages 1 à 101)

Pièce 6 - Lettre couverture du Dr W au juge arbitre datée du 20 mai 2004, avec des copies jointes de la fiche du bureau (pages 1 à 19).

Pièce 7 - Autres observations provenant de la réclamante au Centre datées du 18 mai 2004, avec documents joints, y compris une déclaration notariée de LL, un ami de la réclamante, datée du 12 mai 2004

Pièce 8 - Des lettres du juge arbitre à la Dre K datées du 14 mai 2004 et du 20 mai 2004, demandant la fiche médicale (le bureau de la Dre K a fait savoir qu’il n’avait plus de dossiers des patients de 1988 et que s’ils existaient toujours, ils seraient au Women’s Hospital; lettre du juge arbitre au Women’s Hospital datée du 25 mai 2004 et télécopie du Women’s Health Centre de la C.-B. au bureau du juge arbitre, datée du 31 mai 2004 (indiquant qu’on ne pouvait pas retrouver de dossier concernant la réclamante)

Pièce 9 - Mise à jour des renseignements médicaux sur l’hépatite C de la Fondation canadienne du foie

Pièce 10 - « Surveillance accrue de l’hépatite B et de l’hépatite C dans quatre régions sanitaires du Canada, 1998 à 1999 », Journal canadien des maladies infectieuses, Vol. 12 No. 6 novembre/décembre 2001


[14] Comme déposition en personne, madame Miller a témoigné de ses vastes antécédents dans la majorité des domaines des soins infirmiers hospitaliers ainsi que sur son expérience au Centre des réclamations depuis mai 2000, y compris son poste actuel comme coordonnatrice des demandes de renvois et d’arbitrages. Commentant la Pièce 1, madame Miller a noté que la réclamante avait allégué avoir reçu une seule transfusion de sang au cours de sa vie.(13) Dans le formulaire TRAN2 (14), le médecin généraliste de la réclamante en Saskatchewan, le Dr F, a déclaré que selon les « informations reçues de la patiente », la réclamante avait reçu une transfusion de sang au cours de la période visée par les recours collectifs. Dans le formulaire TRAN 3 (15), la réclamante a déclaré qu’au meilleur de ses connaissances, informations et croyances, elle n’avait jamais fait usage de drogues intraveineuses sans ordonnance et elle n’était pas infectée par l’hépatite C, le virus de l’hépatite C avant le 1er janvier 1986. Le test RIBA, daté du 12 septembre 2001, (16) confirmait que la réclamante s’était avérée anti-VHC positive. Le test ACP daté du 13 décembre 2001, (17) démontre que la réclamante s’était avérée anti-VHC positive et anti-HB positive. Madame Miller a expliqué que lorsqu’un médecin indique qu’il y a des facteurs de risque, le « formulaire d’enquête sur les autres facteurs de risque » est envoyé à la réclamante. Dans le cas présent, la réclamante a déclaré (18) qu’elle s’était fait tatouer au début des années 70 et une autre fois entre environ 1980 et 1982. En outre, elle n’a pas coché les cases portant sur les autres facteurs de risque, y compris l’usage de drogues intranasales et intraveineuses sans ordonnance, la prison/l’incarcération et la dialyse et a ensuite attesté que sa déclaration était vraie et exacte. Madame Miller a noté que la réclamante avait mentionné avoir souffert d’empoisonnement à la silicone en 1988. Les dossiers du UBC Health Sciences Centre Hospital indiquent que la réclamante avait été admise à l’hôpital en juin 1988 pour y recevoir les services combinés de la Dre K (chirurgienne généraliste) et du Dr W (chirurgien plasticien). En règle générale, on s’attendrait à voir des transfusions seulement lorsqu’il y a perte de sang ou saignement excessif. Il n’y a aucune preuve dans le cas présent à cet égard. La réclamante avait mis beaucoup d’emphase sur le fait qu’on lui avait attaché un sac de drainage, ce qui, de son point de vue, appuyait sa position qu’il y avait eu un saignement important. Madame Miller a indiqué qu’on avait en fait utilisé un hémovac dans ce cas. Un hémovac est un appareil comprenant un tube en plastic dur un peu plus gros qu’une paille inséré entre les muscles du site de la chirurgie. Un ballon pressurisé (pressure ball) qui y est attaché peut être pressé résultant en une pression négative et dans le cas présent, l’unité était munie de ressorts à l’intérieur du sac qui permettaient d’appliquer une succion, ce qui aide à éliminer l’effet de suintement (oozing) qui est normal dans le cas des mastectomies et aide au processus de guérison en prévenant toute accumulation et ainsi retarder un tel processus, et en prévenant les blessures. Son emploi ne signifie pas qu’il y avait perte de sang car il serait utilisé de façon routinière dans de tels cas. La Dre K, chirurgienne générale, pratiquait les mastectomies, et par la suite, le Dr W, chirurgien plasticien, pratiquait une chirurgie reconstructive immédiate, le tout alors que la réclamante était sous la même anesthésie générale.

[15] Quant aux dossiers spécifiques, madame Miller a souligné que la liste de vérification préopératoire (19) indiquait que le taux d’hémoglobine de la réclamante était de 137, ce qui entre dans les limites normales. Le sang a été regroupé et vérifié avant l’intervention chirurgicale, (20) indiquant que le groupe sanguin de la réclamante était B-positif. Cependant, rien n’est mentionné sous « Numéro du donneur de sang » ou ailleurs à l’effet que la réclamante avait besoin de sang ou qu’on lui en avait donné. Il s’agit simplement d’un croisement du groupe sanguin – si la réclamante avait trop d’anticorps, il serait plus difficile de trouver du sang pour elle, s’il y avait lieu. Le rapport opératoire (21) de la Dr K par rapport aux parties de l’intervention qu’elle a pratiquées était très détaillé et discutait de réaliser une hémostase au moyen d’une électrocautérisation, sans aucune mention ou suggestion de saignement important. Du point de vue de madame Miller, pour qu’il y ait lieu de contrôler les points de saignement au moyen de la cautérisation, il faut qu’ils soient très petits. Un saignement plus important exigerait qu’on interrompe la procédure et qu’on enregistre l’événement. Le rapport opératoire du Dr W (22) décrit les points de saignement comme étant bien contrôlés au moyen de la cautérisation, une petite quantité de suintement de sang et fait référence à la mise en place d’un petit drain de succion (hémovac). La patiente serait retournée à la salle de réveil en bon état. Encore une fois, on ne fait aucune mention à l’effet qu’il y aurait eu un saignement important. Toute perte de sang importante ferait l’objet d’une mention dans les rapports opératoires et dans le cas présent, il y a eu en effet deux rapports, et aucun d’eux ne fait la moindre mention d’un saignement important. Le dossier des infirmières (23) de la salle d’opération indiquerait également une transfusion sanguine si on en avait donné une et rien n’est indiqué ici, ni de la part de l’infirmière en service interne ou de l’infirmière en service externe. Si on avait infusé du sang au cours de la chirurgie, elle aurait été enregistrée dans le dossier d’anesthésie, alors que dans ce cas, (24) il n’y a aucune mention à cet effet. Le dossier indique des taux normaux d’hémoglobine, il indique aussi qu’une solution saline normale a été administrée par voie intraveineuse et doit démontrer tous les liquides organiques injectés, y compris le sang, et le moment de leur administration. Dans le cas présent, on mentionne seulement une solution saline. De fait, si on avait utilisé du sang, on aurait utilisé des collants avec des codes à barres et on les aurait indiqués sous les différentes parties de la fiche opératoire. Depuis le début de la carrière de madame Miller comme infirmière en 1975, on a toujours exigé de façon uniforme que les transfusions de sang soient strictement enregistrées. Ce dossier indique également la pression sanguine qui, bien que légèrement élevée, n’a pas beaucoup varié, ce qui est un autre facteur fiable qu’il n’y avait aucun besoin de sang. Le dossier clinique sur la salle de réveil après l’anesthésie (25) indiquerait également une perte importante de sang ou une transfusion; dans le cas présent, il n’y a aucune mention de l’une ou de l’autre de celles-ci. Si on avait donné du sang, il aurait définitivement été indiqué dans ce dossier. Les instructions du médecin (26) indiqueraient également une instruction de transfusion si on en avait donné une. On ne fait aucune mention d’une transfusion dans ce dossier. Le résumé du congé de l’hôpital, daté du 20 juin 1988 (mais dicté le 1er septembre 1988) (27) indique que le principal problème postopératoire de la réclamante était la douleur. Les drains ont été enlevés le deuxième jour après la chirurgie et elle était enfin prête pour quitter l’hôpital le septième jour après la chirurgie. Encore une fois, il n’y a aucune indication d’un saignement ou d’une transfusion. La réclamante a soutenu que le délai de la dictée du résumé rend ce dernier non fiable, mais madame Miller a indiqué que c’est normal que les résumés soient en retard et que, dans certains cas, ils prennent entre un et deux ans. Le résumé cumulatif sur la patiente (28) indiquait que le taux d’hémoglobine le jour avant la chirurgie, le jour même de la chirurgie et le jour après celle-ci entrait dans les limites normales (137, 138, 126). Comme cela indique la capacité du sang de transporter de l’oxygène, si la personne avait besoin de sang, on verrait des chiffres sur le taux d’hémoglobine de moins de 100. Le dossier portant sur l’équilibre des liquides organiques (29) indique les dossiers de l’infirmière alors que le patient est à l’étage. Si on avait administré du sang au cours de cette période de temps, il aurait été indiqué comme liquide organique transfusé par voie intraveineuse qu’il faudrait inscrire comme tel. Ce ne fut pas le cas ici.

[16] Le rapport portant sur les infections (30) était autrefois un rapport normal dicté par la prudence lorsqu’on reconnaissait qu’un patient était atteint de l’hépatite B. Le profil et l’évaluation initiale des infirmières (31) indiquaient qu’il y avait eu des cas d’hospitalisations antérieures comme par exemple, pour une hystérectomie en 1984 au Mission Hospital, une laparoscopie x 3-4 pour des infections, des kystes de l’ovaire, une appendicectomie x 2 (cette dernière signifiant simplement que la réclamante avait été hospitalisée deux fois à cet égard, et non qu’elle avait eu deux appendicectomies).

[17] Madame Miller a témoigné sur les procédures habituelles des banques de sang. Les services de la SCS sont aussi bons que les dossiers de sang des hôpitaux. Dans ce cas, on a demandé les dossiers des banques de sang du Vancouver Hospital et du Health Sciences Centre pour avril et juin 1988 puisque, au départ, la réclamante n’était pas sure de la date de son intervention chirurgicale. Bien que les hôpitaux puissent éliminer leurs fiches après un certain temps, les dossiers des services de sang ne sont jamais détruits. Lorsque la réclamante a donné au Centre la date et le lieu de l’intervention chirurgicale, le Centre a communiqué avec la SCS. Le rapport de recherche du retraçage du University Hospital, site UBC pour avril et juin 1988 indique : « Dossiers de santé éliminés à UBC. Patiente non transfusée selon les dossiers de la banque de sang. » Un rapport similaire a été reçu du Vancouver Hospital portant sur la période d’avril à juin 1989. Selon ces rapports, ainsi qu’un examen des dossiers de santé fournis, l’Administrateur a décidé qu’il n’y avait tout simplement pas de preuve de transfusion.

[18] L’avocat de la réclamante a indiqué à madame Miller qu’il avait entendu un médecin dire que de nombreux dossiers ne sont pas précis et que, bien que généralement, ils indiquent les transfusions de sang, très souvent, ils n’en font pas mention si les médecins ne font que « donner un peu de sang au patient », juste assez pour que le patient puisse reprendre des forces. Madame Miller a répondu que la seule façon de recevoir du sang est de le soumettre à une épreuve de compatibilité croisée, de trouver le groupe sanguin du réclamant, de trouver le sang compatible et puis, d’enregistrer le nombre d’unités prélevées de la banque de sang. La procédure est la suivante : deux personnes doivent signer pour obtenir le sang. Le processus commence avec une demande, une ordonnance du médecin, une personne lit à haute voix le nom et la date de naissance du patient, que l’on compare ensuite aux dossiers du patient, deux personnes signent pour dire que la transfusion de sang est commencée et puis, on inscrit la transfusion. Aucune partie de ces processus n’était évidente dans le cas présent. Dans la salle d’opération, l’anesthésiste est généralement la personne qui donne le sang. Bien qu’il existe généralement du sang pour des urgences dans la banque de données, il faut également signer et inscrire les renseignements requis. Le sang de donneurs universels n’est pas utilisé pour ajouter un peu de sang à une personne, par exemple, une personne dont le taux d’hémoglobine est faible. Il sert au lieu à sauver la vie d’une personne. Dans aucun dossier n’a-t-il été mention d’une situation d’urgence dans le cas de la réclamante.

[19] On a également demandé à madame Miller de parler d’autres facteurs de risque d’hépatite C. Elle a mentionné l’usage de drogues intraveineuses et intranasales, le tatouage, le perçage corporel (sauf les oreilles), la prison/l’incarcération, l’hépatite B, les traitements à la dialyse et autres traumatismes ou chirurgies. Un séjour à l’hôpital est un facteur de risque. Plus vous y allez souvent, plus le risque est grand. Des andoscopes infectées ont récemment attiré beaucoup de publicité. Il faut un
« contact de sang à sang » pour que le virus soit transmis.

[20] La réclamante a ensuite témoigné quant aux circonstances entourant la chirurgie de juin 1988. Elle a vu le chirurgien plasticien, le Dr W, un certain nombre de fois au sujet de la douleur qu’elle ressentait aux seins. Il a dit qu’il lui enlèverait du tissu mammaire (bien que cela n’éliminerait pas nécessairement la douleur) et insérerait des implants. Ils ont discuté d’autres options comme tout simplement enlever les mamelons, mais cela ne serait pas joli et les implants mammaires n’entraînaient aucun effet secondaire. Elle a choisi l’ablation complète des seins.

[21] Elle est restée chez sa sœur la veille de la chirurgie.(32) Elle se souvient avoir eu une injection de quelque chose qui l’a fait somnoler avant l’anesthésie. Elle se souvient du Dr W disant qu’ils auraient à faire un dessin sur son corps. Elle a rencontré l’anesthésiste et est entrée dans la salle d’opération en marchant. Elle a de petites veines et a peur des seringues. Dans la salle de réveil, elle souffrait beaucoup et avait un peu mal au cœur mais on lui a administré une autre injection et elle s’est sentie mieux. Elle se souvient avoir vu un sac contenant du sang bien qu’elle n’était pas certaine si c’était après la chirurgie de 1988 ou celle de 1989. Après avoir été transportée à sa chambre, le Dr W est venu avec son bonnet et sa blouse d’hôpital et lui a demandé comment elle se sentait. La réclamante a posé une question au sujet de ses seins. Elle a posé une question au Dr W au sujet du sac et il a répondu qu’ils avaient inséré un tube pour aller chercher du sang dans la poitrine. Elle savait que c’était un sac de drainage. Elle a demandé si elle avait eu une transfusion et il a répondu : « Non, mais nous avons dû vous donner un peu de sang. » Ce fut la seule fois où la question du sang a été discutée. Elle était « beaucoup sous l’effet de drogues » et ne s’était pas encore levée. Elle était irritée, pas à cause de la question du sang mais plutôt à cause de la douleur et de l’enflement qu’elle connaissait et la difformité de ses seins qu’elle remarquait déjà. Il était évident que la chirurgie n’avait pas fonctionné tel que prévu. Elle avait choisi de conserver les mamelons, car elle était encore jeune. Le Dr W lui a dit que la douleur était terrible parce qu’ils « avaient dû enlever beaucoup de chair de sa poitrine. »

[22] En ce qui a trait à ce qui s’est produit après la chirurgie, il est clair que la relation entre la réclamante et le Dr W s’est beaucoup détériorée. Bien que quelque part dans ses dossiers, on fasse mention de 18 chirurgies mammaires, la réclamante dit qu’en réalité, il y en a eu 12 ou 13 après celle de juin 1988, la première que le Dr W a effectué en avril 1989, puis de septembre 1989 jusqu’en 1998 ou en 1998, les autres chirurgies ont été pratiquées par un autre chirurgien plasticien, le Dr G. En plus des chirurgies mammaires, elle a subi une intervention chirurgicale pour une extraction de dents en 1994, une chirurgie pour hernie sous anesthésie générale, une chirurgie pour l’ablation d’une bosse sous un bras et des pierres aux reins. Elle a subi une chirurgie au cou en 1999. Elle a eu des antécédents de problèmes d’ovaires, y compris 7 tumeurs et 6 kystes, elle a été violée et est devenue enceinte alors qu’elle était très jeune et elle a subi une césarienne pour sortir le bébé, son estomac a été déchiré en quittant l’hôpital, exigeant des points de suture, elle est devenue enceinte plus tard et a été frappée au ventre après quoi le bébé a été enlevé, son appendice a été enlevé, elle a subi une biopsie du foie, trois ou quatre laparoscopies et a eu besoin de points de suture pour un accident au cours duquel elle s’est fait presque couper les pouces.

[23] La réclamante a tenté dans la mesure du possible de travailler fort et de façon industrieuse, ce qui est particulièrement digne de mention étant donné les nombreux problèmes médicaux et personnels qu’elle a connu. Son fils est né en 1982. Elle a été bénéficié de l’aide sociale avec son fils, non pas parce qu’elle ne voulait pas travailler. À la fin des années 80, elle coupait des billes pour bardeaux de fente durant l’hiver. Elle a fait de la pêche en haute mer. Elle a été préposée aux premiers soins industriels en foresterie. Elle a lancé de nombreuses entreprises. Depuis sa chirurgie de 1988, elle n’a pas connu une seule journée sans douleur.

[24] Lors du contre-interrogatoire, elle a noté qu’elle ne pouvait pas se rappeler si c’était après la chirurgie de juin 1988 qu’elle avait vu le sac de drainage, mais elle se souvient que c’était lors de l’administration d’une intraveineuse. Elle croyait qu’il y avait un sac séparé d’environ 4’’x 3’’ sur le plancher. Elle n’a pas été au courant des recours collectifs avant son déménagement en Saskatchewan et a entendu une nouvelle à la télévision, après quoi elle a téléphoné au Centre, car elle était d’avis qu’elle méritait une indemnisation.

[25] À la conclusion de la preuve et au cours de l’argument, la réclamante a indiqué qu’elle souhaitait demander au Dr G de fournir un rapport indiquant que, selon l’ampleur de la chirurgie subie en juin 1988, elle saignait au point où une transfusion était presque inévitable. Elle a également déclaré que bien que le Dr W avait répondu à la lettre du juge arbitre et fourni sa fiche médicale, elle n’en n’était pas satisfaite et voulait qu’il soit interrogé davantage. Il a été décidé que la réclamante obtiendrait un congé afin de fournir d’autre documentation du Dr G, et a eu trois semaines pour ce faire. Il a également été décidé que le juge arbitre écrirait au Dr W pour lui poser un certain nombre de questions spécifiques. La Conseillère du Fonds aurait l’occasion de réagir à tous les rapports que le Dr G pourrait fournir et les deux parties auraient l’occasion de réagir aux réponses du Dr W aux questions du juge arbitre.

[26] Après l’audience, la lettre suivante a été écrite par le juge arbitre au Dr W le 7 juin 2004 :

Suite à mes discussions au téléphone la semaine dernière avec votre adjoint, cette lettre confirme que j’ai été nommé par la Cour suprême de l’Ontario pour servir comme juge arbitre de la Saskatchewan pour les différends entre l’Administrateur de la Convention de règlement relative à l’hépatite C (1986-1990) et les individus qui déclarent être admissibles aux bénéfices en vertu de la dite Convention de règlement.

Je suis juge arbitre dans une réclamation par [la réclamante] pour des bénéfices en vertu de la Convention de règlement. La seule question sur laquelle je dois statuer est celle d’établir si [la réclamante] a, oui ou non, reçu du sang ou des produits de sang en rapport avec une chirurgie qu’elle a subie au UBC Hospital le 13 juin 1988. [La réclamante] a indiqué que vous l’aviez informée que suite à la chirurgie, elle avait reçu du sang à ce moment-là. Dans le but de clarifier la situation, je comprends que [la réclamante] a soulevé avec vous certaines autres préoccupations qu’elle avait relativement à la chirurgie et je désire vous assurer qu’aucune des ces questions n’est pertinente à l’affaire que j’ai la responsabilité de décider.

Tel qu’indiqué dans ma correspondance antérieure, il se peut bien que nous devions à la fin voir à ce que vous témoigniez quant à votre souvenir des événements. Cependant, afin de minimiser les possibilités que cela se produise et afin de limiter l’interruption de votre pratique, j’ai bon espoir que cette affaire peut être réglée sans que vous ayez à témoigner, si vous êtes en mesure de fournir des réponses par écrit à quelques brèves questions. De façon spécifique, nous cherchons à avoir vos réponses à ce qui suit :

1. Avez-vous jamais (ou une autre personne dont vous êtes au courant) dit [à la réclamante] qu’elle avait reçu du sang ou des produits de sang à un moment donné?

2. Si oui :

    (a) Quand l’avez-vous avisé et qui était présent?
    (b) Pourquoi du sang était-il requis? et
    (c) Quel souvenir, s’il y a lieu, avez-vous de la date et de la quantité de sang administré, sous quelles instructions et en quelle quantité?

3. Si vous ne vous souvenez pas d’avoir dit [à la réclamante] qu’elle avait reçu du sang ou si vous vous rappelez que cette conversation n’a pas eu lieu, veuillez nous dire comment vous vous en souvenez ou ce qui vous amène à conclure qu’elle n’a pas reçu de sang.

J’ai reçu certains dossiers de santé de [la réclamante] relativement à son séjour au UBC Hospital, dont un certain nombre ne font partie des dossiers que vous avez eu l’amabilité de me faire parvenir. En répondant à ma demande, afin que vous puissiez disposer de toute l’information qui vous soit disponible à cet égard, j’ai pris la liberté de joindre des copies des dossiers suivants :

1. Pièce 1 – p. 68 à 88, 93, 100, 101, 111 à 115, 121 à 122, 124, 128, 132 à 134
2. Pièce 2 – p. 10 à 13 inclusivement.

Veuillez noter que je ne demande pas un rapport médico-légal à ce moment. Je suis prêt à défrayer les frais raisonnables pour le temps que vous consacrerez à répondre à cette demande, mais dont le montant n’excédera pas les lignes directrices de la BCMA. Je vous demande cette information d’ici le 22 juin 2004. J’attendrai impatiemment de vos nouvelles et vous remercie de votre coopération continue.

[27] Le Dr W a répondu par lettre en date du 10 juin 2004 qui a été reçue comme preuve comme si elle avait été déposée lors de l’audience et est présentée comme Pièce 12. En raison du fait que la participation du Dr W semble être essentielle au cas de la réclamante, cette lettre est reproduite presque intégralement ci-dessous :

… J’aimerais clarifier la question de transfusion de sang possible pour (la réclamante) qui a été admise au UBC Hospital à deux occasions : le 12 juin 1988 et le 24 avril 1989.

J’ai déjà transmis tous les dossiers en ma possession, et je résumerai les antécédents de ce cas. Tous les énoncés entre guillemets sont tirés directement de ces dossiers.

Le 6 novembre 1987 - [La réclamante], âgée de 31 ans, m’a été référée par son médecin de famille (Dr C.) demandant de lui enlever les seins en raison de douleurs de poitrine. J’étais hésitant à le faire, disant à la patiente que « selon moi, cette chirurgie n’était pas une particulièrement bonne idée, car il est impossible d’enlever complètement tous les tissus des seins et par conséquent, ce n’est pas considéré un bon remède pour les douleurs de poitrine qui peuvent persister par la suite. » J’ai donc décidé de la référer à un chirurgien des seins pour une autre opinion.

Le 25 novembre 1987 - [La réclamante] a été vue par la Dre K, une chirurgienne générale qui se spécialise dans les maladies reliées aux seins qui lui a dit que « le problème est incurable » mais note dans sa lettre que la patiente « insiste de façon répétée qu’elle veut se faire enlever les seins.» La patiente m’a été de nouveau référée comme chirurgien plasticien qui reconstruirait ses seins après la mastectomie effectuée par la Dre K.

Mai 1988 - La patiente a encore été vue par moi, auquel moment je lui ai dit que « la douleur pourrait ne pas être guérie, que la peau pourrait mourir et que l’apparence et la sensation pourraient être médiocres. »

Le 13 juin 1988 – Chirurgie au UBC Hospital

La patiente subit une mastectomie sous-cutanée pratiquée par la Dre K, aidée par le médecin résident KE. Je suis alors entré dans la salle d’opération et j’ai implanté deux seins (170cc Silastic II) derrière ses muscles pectoraux. Deux drains placés par la Dre K ont été enlevés deux jours après la chirurgie. La patiente a reçu son congé d’hôpital le 20 juin 1988.

Janvier 1989 - La patiente a été vue par la suite et a dit qu’elle « ne pouvait pas dormir » et qu’elle « souffrait constamment ». En dépit d’avertissements répétés à l’avance au sujet de mauvais résultats cosmétiques prévisibles, elle s’est plainte du fait : « que d’un côté, c’est trop dur et de l’autre, trop mou ». Je lui ai rappelé mes réserves au sujet de sa chirurgie et ai signalé que les résultats étaient réellement tel que prédits. Néanmoins, j’ai offert d’essayer d’aider en effectuant une autre procédure opératoire pour tenter d’améliorer les choses.

Le 25 avril 1989 - Chirurgie au UBC

La patiente a été conduite à la salle d’opération pour replacer l’implant du sein gauche et une procédure de capsulotomie. La patiente a reçu son congé d’hôpital le 28 avril 1989. Le congé d’hôpital a été problématique et elle a demandé une chirurgie supplémentaire immédiate à cause de ce qu’elle percevait encore comme étant un résultat cosmétique inadéquat. Elle a été avisée qu’il était trop tôt pour bien évaluer les résultats de sa chirurgie qui avait été pratiquée seulement quelques jours auparavant. D’après mes notes, elle s’est « précipitée en dehors de l’hôpital. » Je ne l’ai pas revue depuis.

En 1989, cette patiente avait manifestement un problème à comprendre ce que j’essayais de lui dire. Maintenant, tel que je le comprends, [la réclamante] allègue qu’à un certain point, je lui ai dit qu’on lui avait donné une transfusion de sang au UBC Hospital. À cet effet, elle se trompe.

Premièrement, je n’ai aucun souvenir d’avoir dit à cette patiente qu’elle avait reçu une transfusion de sang.

Deuxièmement, j’ai examiné tous les dossiers avec soin et il n’y a aucune preuve qu’une transfusion de sang ait jamais été donnée à [la réclamante] durant ses séjours au UBC Hospital. Selon mon expérience dans le système d’hôpitaux de la Colombie-Britannique, une transfusion de sang est un événement majeur et il est toujours très bien documenté.

Pour terminer, depuis que je me suis joint au personnel du UBC Hospital en 1983, je ne me souviens pas avoir donné de transfusion de sang à un patient. La raison est que le UBC Hospital est utilisé par les chirurgiens plasticiens pour de simples chirurgies non majeures. J’ai certainement eu des patients qui ont subi des transfusions de sang au Vancouver General Hospital à Vancouver où nous traitons des victimes de traumatismes majeurs, de reconstructions complexes et des patients brûlés. Le UBC Hospital ne voit simplement pas de tels cas.

Je note dans les dossiers du patient que cette dernière a été évaluée pour son groupe sanguin. Il n’y a jamais eu cependant d’épreuve de compatibilité croisée. En fait, au UBC Hospital durant les années 80 et au début des années 90, une détermination du groupe sanguin a été régulièrement effectuée pour tous les patients subissant une chirurgie des seins, y compris une mastectomie, une reconstruction des seins, une réduction des seins et une augmentation des seins pour des raisons cosmétiques. J’ai toujours trouvé que cette politique était un gaspillage de temps coûteux, et elle a enfin été interrompue. Donc, le fait que le groupe sanguin de cette patiente a été évalué en réponse à cette demande n’implique aucunement que cela était dans l’intention de réellement lui donner une transfusion.

Je note également que la patiente a été retenue à l’hôpital pendant une semaine après la mastectomie, quelque chose qui peut impliquer qu’elle avait subi une procédure médicale majeure. En fait, la mastectomie plus l’insertion de l’implant n’est pas majeure et serait maintenant effectuée comme une procédure de soins d’un jour. Même en 1988, le séjour typique pour un cas de mastectomie et d’insertion d’implants aurait été seulement de deux ou trois jours. Tous les indicateurs des dossiers sont que la patiente a été gardée à l’hôpital pour un temps relativement long (sept jours), à cause de plaintes de douleur, pas de préoccupations de perte de sang.

L’utilisation des drains de succion (insérés par la chirurgienne généraliste, la Dre K) était une procédure habituelle pour les mastectomies en 1988. Ils étaient installés pour prévenir les petites accumulations régulières de liquides organiques, et dans aucun cas n’indique une perte inhabituelle de sang pendant la chirurgie elle-même. L’enlèvement du drain après seulement deux jours est aussi compatible avec un léger volume d’écoulement. »


[28] Le 6 juillet 2004, un rapport en date du 15 juin du Dr G à la réclamante a été reçu par le juge arbitre. Cette lettre a été reçue comme preuve, car elle a été déposée lors de l’audience et présentée comme Pièce 13. Elle indiquait ce qui suit :

…Je ne suis pas certain de pouvoir vraiment vous aider beaucoup.

Tous nos dossiers sur vos soins n’existent plus. Je n’ai donc pas de copies de dossiers des procédures chirurgicales que je pourrais avoir eues dans ma fiche médicale lors de la transmission de vos soins du Dr W.

Il y a peut-être des dossiers dans les archives médicales des hôpitaux E___ R___. Vous pourriez obtenir ces dossiers médicaux vous-même; ils ne me sont pas réellement disponibles à l’heure actuelle.

En termes généraux, la perte de sang est un risque important et un problème possible avec le type de chirurgie que vous avez subi. Les transfusions de sang sont données pour remplacer le sang perdu. Pour des procédures de chirurgie élective, il est très rare qu’un patient reçoive du sang qui ne soit pas soumis à l’épreuve de compatibilité croisée. Du sang qui n’a pas été soumis à cette épreuve est selon moi uniquement donné dans des cas de vie ou de mort ou dans le département d’urgence. Certainement, selon mon expérience, les dossiers de la salle d’opération enregistrent toujours et indiquent tout sang donné. En fait, tout liquide organique, médicament, substitut de sang ou produit de sang est inscrit dans les dossiers opératoires.

Bien que tout soit possible, je ne pense réellement pas qu’il soit très probable que vous ayez reçu une petite quantité de sang sans que ce soit inscrit de façon appropriée et précise sur les fiches opératoires. Donc, je pense que pour appuyer votre réclamation, votre meilleure preuve serait d’obtenir les dossiers de la salle d’opération à compter du moment de votre chirurgie. Il y a un autre dossier qui, je crois, est conservé et je crois comprendre qu’il est encore disponible, même d’un passé lointain et je veux parler des dossiers de transfusions de la Croix-Rouge. Je crois comprendre que ces dossiers sont encore présents et peuvent être obtenus par l’entremise de la banque de sang. C’est une avenue que vous pourrez explorer afin d’obtenir de bonnes preuves corrélatives de votre préoccupation à l’effet que vous avez reçu du sang.

Je regrette de ne pouvoir vous fournir plus de faits solides à l’appui de votre réclamation…

[29] Avec la lettre du Dr G, la réclamante a également fourni une longue réponse et une critique au rapport du Dr W, qu’on a soigneusement examiné, mais qui essentiellement résumait les préoccupations soulevées précédemment et n’ajoute rien de substantiellement nouveau.

C. ANALYSE

[30] L’Administrateur était obligé d’appliquer les dispositions du texte du Régime qui prévoit ce qui suit :

ARTICLE TROIS
PREUVE EXIGÉE AUX FINS D’INDEMNISATION

3.01 Réclamation par une personne directement infectée

1. Quiconque prétend être une personne directement infectée doit remettre à l’administrateur un formulaire de demande établi par l’administrateur accompagné des documents suivants :

    (a) des dossiers médicaux, cliniques, de laboratoire, d’hôpital, de la Société canadienne de la Croix-Rouge, de la Société canadienne du sang ou d’Héma-Québec démontrant que le réclamant a reçu une transfusion de sang au Canada au cours de la période visée par les recours collectifs;

    (b) un rapport de test de détection des anticorps du VHC, un rapport de test ACP ou un rapport de test semblable à l’égard du réclamant;

    (c) une déclaration solennelle du réclamant, indiquant…

[31] L’article 3.01(2) du texte du Régime prévoit une exception à la règle générale comprise dans le paragraphe 3.01(a) :

(2) Malgré les dispositions du paragraphe 3.01(1)a), si un réclamant ne peut se conformer aux dispositions du paragraphe 3.01(1)a), il doit remettre à l’administrateur une preuve corroborante et indépendante des souvenirs personnels du réclamant ou de toute personne qui est membre de la famille du réclamant, établissant selon la prépondérance des probabilités qu’il a reçu une transfusion de sang au Canada au cours de la période visée par les recours collectifs.

[c’est nous qui soulignons]

[32] À cet effet, il est reconnu que la réclamante dans ce cas a été incapable de se conformer aux dispositions du paragraphe 3.01(1)(a). Par conséquent, la seule question est de savoir si oui ou non elle a néanmoins réussi à fournir « des preuves indépendantes quant au souvenir personnel de la réclamante ou… d’un membre de la famille, en vue d’établir selon la prépondérance des probabilités qu’… elle a reçu une transfusion de sang au Canada au cours de la période visée par les recours collectifs. » Il y a un fardeau lourd, sinon insurmontable pour la réclamante d’établir qu’elle répond parfaitement aux dispositions du « nonobstant » du paragraphe 3.01(2). À cet égard, je tiens compte des nombreuses autres décisions qui portent sur cette question et qui discutent du fardeau de la preuve incombant à un réclamant dans de telles circonstances et qui sont affichées sur le site Web. Je ne me propose pas d’examiner les nombreux cas où le réclamant n’a pas réussi à s’acquitter de ce fardeau. Plutôt, je me tournerai vers deux cas à ce jour qui ont permis à un réclamant de prouver qu’il a été infecté par le VHC suite à une transfusion de sang reçue au Canada au cours de la période visée par les recours collectifs, nonobstant l’absence de dossiers de santé spécifiés indiquant que ce réclamant a reçu une telle transfusion.

[33] Dans la Décision confirmée de la juge arbitre numéro 96, en date du 23 juillet 2003 (Shelley Miller, c.r.), la juge arbitre Miller a examiné les circonstances dans ce cas à savoir comment le test du « nonobstant » du paragraphe 3.01(2) pouvait être satisfait. La réclamante, dans le présent cas, était certainement familière avec la décision Miller et en effet, a fait le maximum pour apporter des preuves conformément à ce qu’elle espérait être suffisant pour s’acquitter de la preuve.

[34] Cela étant dit, il est nécessaire d’examiner le contexte des faits uniques qui a donné lieu à la décision Miller. Dans ce cas, la réclamante a été traitée en 1984-1986 pour une lacération, a subi une chirurgie aux deux pieds en 1986, a subi une chirurgie pour réparer des blessures faciales graves au Vancouver General Hospital (VGH) suite à un accident d’automobile en 1987, a été hospitalisée en 1987 en raison d’une infection majeure et à ce moment-là, son médecin lui a dit que son taux de globules blancs était 200 fois plus élevé que le taux normal, d’une chirurgie de l’oeil et d’une blessure à la tête en 1989 (aucun dossier n’a été trouvé) et d’une craniotomie en 1990. La réclamante n’avait aucun souvenir de sang reçu durant ces séjours à l’hôpital. Lorsqu’elle a soumis sa demande d’indemnisation, la réclamante a fait référence à sa croyance qu’il manquait des dossiers de la Croix-Rouge canadienne et du VGH. Des tests pour le diagnostic du VHC ont eu lieu en juillet 1997. La réclamante a été avisée dans le cadre du projet d’avis aux receveurs de sang qu’elle était une personne qui avait probablement reçu une transfusion de sang au cours de la période visée par les recours collectifs, bien que le ministère de la Santé de la C.-B. ait indiqué que le dossier avait dû être envoyé par erreur puisque le retraçage n’avait révélé aucune transfusion. La question principale dans la décision portait sur la chirurgie faciale subie en septembre 1987 effectuée par un Dr Kester, chirurgien plasticien, au VGH suite à l’accident d’automobile dans laquelle le véhicule de la réclamante était entré en collision avec un orignal. Le Dr Kester avait témoigné à l’audience et avait été soumis à un contre-interrogatoire par le Conseiller juridique du Fonds. En 20 ans d’expérience comme chirurgien plasticien dans la région de Vancouver, il avait effectué personnellement des chirurgies dans plusieurs cas de fractures au visage et il a rappelé trois cas de fractures aux visage qui avaient spécifiquement impliqué des accidents de voiture avec des orignaux. Bien qu’il ne s’était pas souvenu spécifiquement qu’une transfusion de sang s’était produite dans la salle d’opération sous sa surveillance dans le cas de la réclamante, il s’est souvenu de la réclamante, de son état et du séjour à l’hôpital en question. Il s’est souvenu que l’état du visage de la réclamante était tel que sa perte de sang avait été grave. Il a examiné tous les dossiers de l’hôpital qui lui avaient été fournis par le Conseiller juridique du Fonds et a noté qu’il était inhabituel qu’il n’y ait aucune référence de tout besoin de sang ou de l’existence d’une transfusion de sang, en particulier dans les dossiers de l’anesthésiste, mais a noté qu’il s’attendait qu’il y aurait une référence dans les notes des infirmières qui n’étaient plus disponibles. Son témoignage a été qu’il considérait très probable que cette réclamante avait reçu une transfusion de sang parce que ce serait normal dans le cas d’une fracture grave de ce type au visage. Il a émis l’opinion que, dans la région de Vancouver, dans le cas d’une fracture grave accompagnée de perte de sang, l’infusion d’une unité de sang ne serait pas inhabituelle et ne serait probablement pas perçue par les chirurgiens ou résidents dans la salle d’opération comme une complication ou comme un besoin urgent. Il a trouvé un appui supplémentaire pour sa conclusion dans les lectures élevées des taux d’hémoglobine enregistrés après la chirurgie, ce à quoi il ne s’attendrait pas à moins que le patient n’ait reçu une injection de sang. Il a aussi noté que si une urgence était survenue au cours de la chirurgie, une unité de sang O pouvait être commandée de la salle d’opération. Il a noté que le taux d’hémoglobine préopératoire de cette réclamante était de 117, ce qu’il a interprété comme étant du côté faible et après la chirurgie, il se serait attendu que les lectures des taux d’hémoglobine soient dans la plage de 105 à 110 alors que sa lecture était de 120. Il a conclu que cette montée des taux d’hémoglobine était probablement due à l’injection de sang. Il a aussi affirmé que si le médecin avait donné un ordre verbal dans la salle d’opération, il aurait dit à l’anesthésiste de procéder ainsi, mais l’anesthésiste n’aurait pas su qu’il avait établi le groupe sanguin et qu’il avait soumis le sang à une épreuve de compatibilité croisée. En autres mots, si le sang avait été commandé dans la salle d’opération par l’anesthésiste, cela aurait pu ne pas être noté. En plus du témoignage du Dr Kester, même si celui-ci n’a pas été utilisé pour rendre la décision, il y avait également le témoignage oral de l’ancien partenaire de la réclamante qui a témoigné qu’il avait été témoin de la transfusion de sang qui s’était produite en attendant le retour de la réclamante de la salle d’opération et a décrit les détails de ses discussions avec l’infirmière à cet effet. La juge arbitre Miller a déclaré en approuvant la demande :

60. À mon avis, il faut traiter la preuve du Dr Kester comme étant la meilleure preuve devant moi et s’il y a des incompatibilités entre son témoignage et les dossiers d’hôpital, je trouve que son témoignage oral prend préséance en raison de sa familiarité avec les pratiques usuelles des chirurgiens en chirurgie pour fractures au visage de ce genre au VGH, et en particulier, en raison de son souvenir spécifique de cette intervention chirurgicale particulière…. je dois conclure que son opinion incontestée me convainc qu’il est vraisemblable ou probable que la réclamante a reçu une transfusion sanguine le 13 septembre 1987 en rapport avec la chirurgie au visage réalisée par le Dr Kester. Sans le poids du témoignage fait de vive voix par le Dr Kester, je n’aurais pas été en mesure de conclure qu’il y avait preuve suffisante, selon la prépondérance des probabilités, de satisfaire aux exigences du Régime.

61. Dans la présente cause, ma décision pourrait imposer un fardeau presque impossible à l’Administrateur d’effectuer une enquête de retraçage du sang apparemment transfusé à cette réclamante pour lequel on ne pourra jamais retrouver de dossiers. À la lumière de tout ce qui précède, je conclus que le présent cas doit très probablement être confiné à ses propres faits.

[c’est nous qui soulignons]

[35] Malheureusement pour la réclamante dans ce cas, il y a de nombreuses différences des faits entre son cas et celui de la juge arbitre Miller qui prévient une décision en sa faveur dans ce cas. Ces distinctions comprennent :

(a) Dans le cas Miller, il y avait des constatations factuelles à l’effet que les autres procédures chirurgicales que la réclamante avait subies n’auraient pas été de nature à justifier une transfusion de sang qui a eu l’effet de réduire la portée de l’enquête à la chirurgie particulière pratiquée par le Dr Kester;

(b) Dans le cas Miller, il n’y a eu aucune preuve de facteurs de risques applicables à la réclamante, alors que dans le présent cas, il y avait clairement de nombreux autres risques présents;

(c) Le cas Miller a suscité le témoignage spécifique fourni par le Dr Kester qui était clairement appuyé par son souvenir spécifique de la chirurgie en question et d’autres chirurgies qu’il avait pratiquées concernant des fractures au visage, voire même plus spécifiquement, concernant des accidents d’automobile avec des orignaux;

(d) Contrairement au cas Miller où il y avait des taux d’hémoglobine postopératoires élevés qui auraient été difficiles à expliquer en l’absence d’une transfusion de sang, ici, les taux d’hémoglobine ont baissé après la chirurgie;

(e) Contrairement au cas Miller où il n’y avait aucune note d’infirmières, dans le cas présent, il y a des notes d’infirmières. Cependant, il n’y avait rien qui indiquait un besoin de sang ou de transfusion de sang;

(f) Dans le cas présent, les dossiers sur les niveaux de liquides organiques n’appuient pas la position de la réclamante;

(g) Dans le présent cas, non seulement la réclamante n’avait pas de chirurgien qui appuyait sa position, comme c’était le cas du Dr Kester dans le cas de la décision Miller, mais ici, le chirurgien ayant traité la réclamante fournit un rapport qui contredit n’importe quel argument pouvant démontrer que la réclamante, selon la prépondérance des probabilités, avait reçu une transfusion. Dans le cas présent, les preuves du Dr W, quant à son interprétation des dossiers d’hôpital de même que son souvenir ferme des pratiques du UBC Hospital sur l’indication d’utilisation de sang, l’absence de besoins de sang en n’importe quel moment depuis qu’il a commencé à pratiquer des interventions chirurgicales au UBC Hospital en 1983 et l’absence de besoins de sang en particulier relativement au type de chirurgie effectuée sur la réclamante dans ce cas, est particulièrement décisif lorsque l’on ajoute les preuves de Madame Miller et un examen complet des dossiers disponibles;

(h) Même si le don de sang ne serait pas jugé inhabituel dans une chirurgie pour une fracture au visage tel que celle pratiquée par le Dr Kester au VGH dans le cas de la décision Miller (et qui, selon toute compréhension, aurait pu être omis des dossiers opératoires), dans ce type de chirurgie au UBC Hospital, le don de sang aurait clairement été inhabituel et n’aurait donc pas probablement été omis des dossiers s’il s’était de fait produit;

(i) les meilleures preuves de la réclamante ont été présentées sous forme de rapport du Dr G qui, bien que sympathique à l’endroit de la réclamante, ne s’approche même pas du niveau de preuve requise pour établir une transfusion et en fait appuie davantage la position de l’Administrateur que celle de la réclamante.

[36] Alors que le niveau de méfiance de la réclamante à l’endroit du Dr W était clair et que ses soupçons importants quant à la véracité de son rapport étaient évidents, compte tenu de la totalité des preuves et de l’état des dossiers de santé, je n’ai aucune base me permettant de conclure que sa description des événements ne devrait pas être acceptée. Peu importe la détérioration des relations entre la réclamante et le Dr W, il n’y avait aucune suggestion crédible, soit de raisons personnelles ou de gains quelconques à savoir pourquoi le Dr W serait moins qu’honnête dans les circonstances. Alors que la réclamante se préoccupe du fait que « quelque chose s’est passé » dans la salle d’opération, même si cela était vrai, il n’y a aucune base pour suggérer que cela aurait été en rapport avec une perte ou une transfusion de sang. Personne n’aurait eu quelque raison que ce soit, certainement basée sur l’information qui prédominait alors quant à la sécurité du système d’approvisionnement de sang canadien, de modifier les dossiers ou de ne pas enregistrer délibérément un événement important ou inhabituel. La réclamante elle-même a indiqué que ses préoccupations au sujet du Dr W n’étaient pas reliées à sa perception qu’on lui avait transfusé du sang mais plutôt à ses préoccupations au sujet de l’intervention chirurgicale elle-même et de ses mauvais résultats. La réclamante n’a pas intenté de poursuite contre le Dr W et il serait en toute probabilité trop tard pour intenter une poursuite tant d’années après le fait. Le Dr W a été informé spécifiquement que la seule question qui faisait l’objet de notre enquête était de savoir si oui ou non la réclamante avait reçu du sang en rapport avec la chirurgie qu’il avait pratiquée. Si elle avait en fait reçu du sang, ce n’aurait pas été la responsabilité juridique du Dr W de toute façon. Il n’y a tout simplement aucune base crédible pour suggérer que le Dr W falsifirait des dossiers ou fournirait un rapport qui, selon lui, aurait été faux et qui serait soumis comme preuve, tout dans le but d’empêcher la réclamante de retirer une indemnisation financière du Fonds. Enfin, les soupçons de la réclamante à l’endroit du Dr W n’étaient que – des soupçons.

[37] Il y a une deuxième décision au cours de laquelle un juge arbitre a déterminé qu’un réclamant s’était acquitté du fardeau du « nonobstant » imposé par le paragraphe 3.01(2), laquelle décision a eu lieu après l’argument dans le présent cas et auquel le Conseiller juridique n’a donc pas fait référence. Dans la Décision confirmée du juge arbitre numéro 150 (Jacques Nols, juge arbitre, 22 juin 2004), le réclamant avait prétendu qu’il avait reçu une transfusion de sang au cours d’un bref séjour à l’hôpital en 1987. Le réclamant a admis qu’il avait subi une chirurgie qui normalement ne nécessite pas de transfusion de sang, mais pour des raisons qu’il ne pouvait pas expliquer complètement, a allégué qu’il avait reçu une transfusion alors qu’il était sous anesthésie générale. L’hôpital lui a écrit pour l’aviser que les dossiers au sujet de tous les produits de sang qui lui avaient été administrés, avaient été détruits suite à la fermeture de l’hôpital en janvier 1997. Le juge arbitre Nols a signalé que ce n’était pas un cas où les dossiers de l’hôpital étaient silencieux sur la question de savoir si le réclamant avait reçu une transfusion ou non, mais plutôt un cas où de tels dossiers, y compris ceux de la banque de sang, avaient été éliminés ou détruits. Face à la non-disponibilité de ses dossiers d’hôpital, le réclamant a appelé comme témoin un ami de la famille qui l’avait visité pendant son séjour à l’hôpital en 1987. L’ami s’était souvenu qu’une infirmière était entrée dans la chambre, avait suspendu du sang et « l’avait branché ». Ce témoin avait éventuellement obtenu son diplôme en soins infirmiers en 1993 et a admis que même s’il n’avait pas « l’oeil entraîné » en 1987, il était familier avec les transfusions de sang et savait comment en reconnaître une. Le juge arbitre avait manifestement été impressionné par le témoignage de ce témoin et l’avait accepté. Il n’y avait aucune preuve suggérant que ce réclamant avait un « mode de vie ou un caractère tel que cela créait des facteurs de risque additionnels » et aucune autre explication plausible donnée pour l’infection de 1987 que celle d’une transfusion de sang. Sur les faits uniques de ce cas particulier, y compris l’absence de tout dossier de santé ou de la banque de sang de quelque sorte que ce soit et l’affidavit et les preuves en personne de l’ami du réclamant, le juge Nols a décidé que ce réclamant s’était acquitté du fardeau du « nonobstant » du paragraphe 3.01(2) et devait donc réussir dans son appel.

[38] Malheureusement pour la réclamante dans le présent cas, contrairement au réclamant dans la décision Nols, il n’y a tout simplement aucune preuve corroborante d’une transfusion de sang. La réclamante dans la présente cause a été même incapable de présenter un témoin ordinaire pour appuyer sa demande. La décision Nols, pour plusieurs des mêmes raisons que pour la décision Miller, est différente des circonstances présentes et n’aide pas à la cause de la réclamante.

[39] Dans le présent cas, le juge arbitre a initié des processus tant avant que durant le processus d’audition, afin d’obtenir d’importantes quantités de dossiers médicaux additionnels et de l’information pour s’assurer de ne laisser aucune pierre non retournée afin de s’assurer que la position de la réclamante à l’effet qu’elle avait droit à des bénéfices avait été explorée de façon exhaustive. Le Conseiller juridique du Fonds a été très coopératif quant à l’obtention d’une telle information et a accepté le délai de l’audience jusqu’au moment de l’obtention d’une telle information, de même que le processus de collecte d’information qui s’est produit après l’audience. Cependant, malheureusement pour la réclamante, le rapport du Dr G ne l’a pas aidé, et le rapport du Dr W a été moins qu’utile pour elle, tout ceci en gardant à l’esprit le fardeau de preuve qui incombe à la réclamante afin d’établir qu’une transfusion s’est produite.

[40] En conclusion, il n’y avait simplement pas de preuves médicales contradictoires ou autres assez persuasives présentées par la réclamante qui pouvaient satisfaire aux critères des juges arbitres Miller ou Nols permettant à un juge arbitre de conclure raisonnablement que cette réclamante avait reçu une transfusion de sang au cours de la période visée par les recours collectifs.

[41] Il faut dire que la réclamante a été très honorable dans sa manière d’approcher cette réclamation et de la mettre de l’avant le plus énergiquement possible. Dans le but de découvrir la vérité, elle a fourni de l’information et de la documentation avec beaucoup de franchise, même lorsque celles-ci n’appuyaient pas sa position. Malheureusement, la réclamante ne saura probablement jamais quelle a été la véritable source de son infection avec un certain degré de certitude. La réclamante est ressortie d’une série étonnante de contretemps médicaux, chirurgicaux et personnels d’une telle manière qui lui a permis de présenter des preuves de façon positive et avec sens d’humour tout en, selon toutes les descriptions, agissant admirablement comme mère de son fils et en se développant elle-même comme artiste accomplie. Elle est une personne tout à fait remarquable. Si l’épreuve applicable était de savoir si oui ou non la réclamante est une bonne personne, elle aurait réussi. Si l’épreuve applicable était de savoir si oui ou non la réclamante est en mauvaise santé et dans le besoin d’aide financière, elle aurait réussi. Si l’épreuve applicable était de savoir si oui ou non la réclamante croyait honnêtement avoir obtenu une transfusion de sang, elle aurait réussi, et je n’ai aucun doute que ce soit qu’elle a été tout à fait honnête quant à ses points de vue à cet égard. La preuve indique inexorablement en conclusion qu’elle s’est tout simplement méprise. La réclamante n’a pas ignoré ou minimisé les problèmes dans sa vie et, même si elle est manifestement fâchée contre le Dr W et la Dre K et est particulièrement méfiante à l’endroit du Dr W, sa preuve a été fournie de la manière la plus franche et candide possible. Il n’y a aucune raison de douter de la sincérité de son point de vue. En autres mots, s’il y avait eu moyen que les preuves m’aient permis d’être favorable à la réclamante, il m’aurait fait très plaisir d’avoir été capable de le faire.

[42] Cependant, malheureusement pour la réclamante, en dernière analyse, alors que les preuves n’ont pas établi la source véritable de son infection par le VHC, je trouve qu’elle a été incapable d’établir qu’elle avait reçu une transfusion de sang durant son séjour au UBC Hospital pour sa chirurgie ou en tout autre temps au cours de la période visée par les recours collectifs. Il y avait malheureusement pour la réclamante tout simplement aucune preuve pouvant raisonnablement être interprétée comme pouvant élever le niveau de preuve nécessaire pour satisfaire aux tests des juges arbitres Miller et Nols.

[43] La demande de renvoi doit donc être rejetée. La réclamante n’a pas droit à une indemnisation. L’Administrateur a l’obligation d’évaluer chaque demande et de déterminer si oui ou non la preuve requise existe pour l’indemnisation. L’Administrateur n’a aucune discrétion d’autoriser une indemnisation où la preuve requise n’existe pas. La suffisance financière du Fonds dépend de la capacité de l’Administrateur d’examiner attentivement chaque demande et de déterminer correctement si le réclamant est admissible. De la même façon, un juge arbitre n’a aucune autorité de modifier, d’élargir ou d’ignorer les modalités de la Convention de règlement ou du Régime ou d’en étendre ou d’en modifier la couverture, y compris les exigences de la clause « nonobstant » contenue dans le paragraphe 3.01(2) du texte du Régime.

D. Décision

[44] Après un examen attentif de la Convention de règlement, du Régime, des ordonnances des tribunaux et de la preuve argumentaire et présentée en personne, le refus de la demande d’indemnisation de la réclamante par l’Administrateur est maintenu dans le cas présent.

Fait à Saskatoon, en Saskatchewan, ce 9e jour d’août 2004.

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Daniel Shapiro, c.r., arbitre et juge arbitre

1. Le premier dossier du Centre des réclamations, comprenant 136 pages, a été déposé comme Pièce 1 lors de l’audience (voir les pages 3 et 4).
2. Pièce 1, p. 5 à 11
3. Pièce 1, p. 44, Q. 11.
4. Pièce 1, p. 52
5. Pièce 1, p. 92 à 96.
6. Pièce 1, p. 100 à 104.
7. Pièce 1, p. 13 et 14
8. Pièce 1, p. 5 à 11
9. Pièce 1, page 86
10. Pièce 4 (31 pages de ce document)
11. Pièce 5, p. 12
12. Ce document portait au départ l’indication ‘aux fins d’identification seulement’, car il n'était pas signé. Cependant, une copie signée devant un avocat avec une lettre jointe du 16 juin 2004 a été reçue après l'audience et ce dernier document signé sera admis comme Pièce 3 à part entière, comme s'il avait été déposé lors de l'audience.
13. Page 44
14. Page 52
15. Page 55
16. Page 62
17. Page 63
18. Pages 66 et 67
19. Pièce 1, p. 83
20. Pièce 1, p. 86
21. Pièce 2, p. 10 et 11
22. Pièce 1, p. 73
23. Pièce 1, p. 85
24. Pièce 1, p. 87
25. Pièce 1, p. 75 à 76
26. Pièce 1, p. 79 à 82
27. Pièce 2, p. 12
28. Pièce 1, p. 128
29. Pièce 1, p. 134
30. Pièce 1, p. 111
31. Pièce 1, p. 122
32. Ce fait est corroboré par la sœur de la réclamante dans une déclaration écrite datée du 23 novembre 2003, soit la pièce 2, page 34.


D É C I S I O N du tribunal compétent en matière de recours collectifs

Décision de M. le juge Pitfield - le 4 novembre 2004

 

 

Déni de responsabilité