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Hépatite C - Règlement des recours collectifs
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Renvois : Décisions homologuées par le juge arbitre : #150 - Le 22 juin 2004

D É C I S I O N

Le réclamant a présenté une demande à titre de personne directement infectée, en vertu du Régime à l'intention des transfusés infectés par le VHC.

La demande a été rejetée par l'Administrateur du Fonds en raison du fait que le réclamant n'avait pas fourni une preuve suffisante appuyant sa demande à l'effet qu'il avait reçu du sang au cours de la période visée par les recours collectifs.

En septembre 2003, le réclamant a déposé une demande de renvoi d'une telle décision par un juge arbitre.

Cette demande de renvoi m'a été soumise à Montréal, le 31 mars 2004.

Le réclamant, né en juin 1966, a été hospitalisé pour une chirurgie d'un jour au Reddy Memorial Hospital en avril 1987 et il prétend avoir reçu une transfusion de sang durant son bref séjour au Reddy Memorial Hospital.

La preuve présentée à l'Administrateur et qui m'a été soumise confirme que le réclamant est infecté par le VHC et l'Administrateur ne conteste pas ce fait.

Ce qui est contesté cependant est la question de savoir ou non si le réclamant a en fait reçu une transfusion de sang au Reddy Memorial Hospital. Cet hôpital a été fermé en janvier 1997 et les dossiers médicaux ont été « expurgés » suite à la fermeture de l'établissement. L'ampleur de cette « expurgation » a fait l'objet d'un important débat devant moi et sera discutée plus loin dans cette décision.

Le réclamant admet volontiers qu'il a subi une intervention qui ne nécessite pas normalement de transfusion du sang, mais pour des raisons qu'il ne peut pas expliquer entièrement, il aurait reçu une transfusion alors qu'il était sous l'effet d'anesthésie.

Certain qu'il avait reçu une transfusion de sang, il a écrit le 15 octobre 1999 au Reddy Memorial Hospital pour demander une copie de son dossier médical. La réponse écrite, en date du 19 octobre 1999, signée par la bibliothécaire préposée aux dossiers médicaux au Reddy Memorial Hospital comprenait le message suivant :

« En réponse à votre lettre du 15 octobre 1999 concernant votre demande de dossiers médicaux du Reddy Memorial Hospital à votre sujet, veuillez noter que les dossiers sur tous les produits de sang qui vous ont été transfusés ont été détruits suite à la fermeture de l'hôpital en janvier 1997 ».

(C'est nous qui soulignons)

Le réclamant a communiqué à quelques autres occasions avec l'hôpital pour obtenir de l'information supplémentaire et enfin présenter une réclamation comme personne directement infectée. Dans sa réclamation, il prétend avoir reçu une transfusion entre janvier 1986 et juillet 1990. La réclamation était accompagnée des formulaires habituels, c.-à-d. le TRAN 3 où le réclamant déclare sous serment qu'au meilleur de sa connaissance, il n'a pas été infecté par l'hépatite C avant le 1 er janvier 1986, et qu'il n'a jamais utilisé de drogues intraveineuses sans ordonnance, et le TRAN 2 où le médecin traitant a indiqué (à la section F, question 1) qu'il ne connaissait aucun autre facteur de risque que la transfusion reçue au cours de la période visée par les recours collectifs.

La réclamation était accompagnée d'une déclaration solennelle, signée à Montréal le 25 octobre 1999, devant notaire par J., un ami du réclamant et qui se lit comme suit :

« Je, soussigné, J., infirmier, résidant à…,…, Ottawa, (Ontario) fais la déposition suivante et déclare :

1. que je suis un ami de monsieur ( ), résidant à…, #…, Montréal (Québec)…;

2. que je l'ai visité au Reddy Memorial Hospital à Montréal le 28 avril 1987;

3. que j'ai vu monsieur ( ) recevoir une transfusion de sang au Reddy Memorial Hospital en date du 28 avril 1987;

4. que tous les faits mentionnés dans le présent affidavit sont véridiques et exacts au meilleur de ma connaissance.»

(le nom du déposant n'est pas divulgué dans la présente décision afin de protéger l'identité du réclamant).

Malgré cet affidavit, la réclamation a été rejetée et je dois maintenant rendre une décision au sujet de la demande de renvoi déposée par la personne directement infectée.

Le paragraphe 3.01 du Régime se lit comme suit :

«(1) Quiconque prétend être une personne directement infectée doit remettre à l'administrateur un formulaire de demande établi par l'administrateur accompagné des documents suivants :

  • des dossiers médicaux, cliniques, de laboratoire, d'hôpital, de la Société canadienne de la Croix-Rouge, de la Société canadienne du sang ou d'Héma-Québec démontrant que le réclamant a reçu une transfusion de sang au Canada au cours de la période visée par les recours collectifs;

Si la preuve ne peut pas être présentée tel que décrite au sous-paragraphe 3.01(1)(a), le réclamant peut présenter une preuve indépendante de son souvenir personnel établissant que selon la prépondérance des probabilités, il a reçu une transfusion de sang. Le paragraphe 3.01(2) se lit comme suit :

« (2) Malgré les dispositions du paragraphe 3.01(1)a), si un réclamant ne peut se conformer aux dispositions du paragraphe 3.01(1)a), il doit remettre à l'administrateur une preuve corroborante et indépendante des souvenirs personnels du réclamant ou de toute personne qui est membre de la famille du réclamant, établissant selon la prépondérance des probabilités qu'il a reçu une transfusion de sang au Canada au cours de la période visée par les recours collectifs. (C'est nous qui soulignons)

Il est important de noter que le présent cas n'en est pas un où les dossiers d'hôpitaux où le réclamant a été traité sont silencieux quant à la question de savoir s'il a reçu une transfusion ou non, mais plutôt un cas où de tels dossiers ont été expurgés ou détruits.

Lorsqu'il cherchait de l'information au sujet de ses dossiers et de la transfusion qu'il croyait avoir reçue, le réclamant s'est d'abord fait dire, tel que mentionné plus haut, que « les dossiers sur tous les produits de sang qui vous ont été transfusés ont été détruits » (lettre signée par la bibliothécaire préposée aux dossiers médicaux, le 19 octobre 1999, qui m'a été présentée comme pièce R-3).

La même bibliothécaire préposée aux dossiers médicaux du Reddy Memorial Hospital a envoyé d'autres lettres ou par la suite, a donné d'autres versions très différentes de la première.

« les dossiers du patient précité ont été détruits…les dossiers de la banque de sang sont également détruits. Il faut noter que les feuillets de la banque de sang (transfusions) ont été conservés dans la fiche après l'expurgation. Aucun feuillet n'a été conservé pour le patient précité, ce qui aurait signifié que ce patient n'aurait reçu aucune transfusion.» traduction libre d'une lettre (écrite en français) en date du 10 mai 2002;

« Les feuillets de la transfusion de sang auraient été conservés, mais non les dossiers de la banque de données.» témoignage devant moi en mars 2004

J'ai également noté dans le matériel qui m'a été fourni une note d'une représentante senior du Fonds, qui fait référence à une conversation qu'elle aurait eue en janvier 2001 avec la bibliothécaire préposée aux dossiers de l'hôpital :

« les dossiers médicaux/ des transfusions de sang ont été détruits au Reddy Memorial Hospital - cela a été confirmé par moi-même par téléphone avec Madame (bibliothécaire préposée aux dossiers) » (page 11 des dossiers du Fonds)

Ayant étudié le dossier et les différentes lettres ou déclarations soumis par la bibliothécaire préposée aux dossiers médicaux au cours des années, j'ai écouté avec grand intérêt son témoignage devant moi et je dois dire que l'information qu'elle a donnée au sujet de ce qui s'était passé aux dossiers originaux était loin d'être satisfaisante. Elle a expliqué qu'on se proposait de conserver une partie de cette fiche, y compris les feuillets des transfusions individuels. Elle a également témoigné que l'expurgation des dossiers avait été faite par des étudiants comme projet d'été. Le réclamant a posé plusieurs questions à savoir comment le travail avait été fait et sous quelle surveillance. L'interprétation la plus favorable que je puisse fournir suite à son témoignage et ses versions multiples est que son témoignage m'a laissé dans l'incertitude quant à la façon que la surveillance avait été faite, quant à ce qui avait été expurgé et détruit et quant à ce qui avait été conservé.

Je ne trouve pas dans les diverses lettres de la bibliothécaire et dans son témoignage une preuve claire de ce qui a été fait aux fiches ni ne trouve dans ce qui reste de la fiche ou dans son témoignage une preuve que le réclamant n'avait pas reçu de transfusion de sang durant son séjour au Reddy Memorial Hospital.

Confronté par la « non disponibilité » de ses dossiers au Reddy Memorial Hospital, le réclamant a appelé comme témoin M. J., un ami de la famille qui l'avait visité à l'hôpital le 28 avril 1987.

Ce témoin qui avait signé un affidavit en 1999 a témoigné qu'il avait été un ami du réclamant et de la famille pendant plusieurs années et a expliqué qu'il avait accompagné la mère du réclamant à l'hôpital, car elle voulait voir son fils. Il ajoute que c'était la seule fois qu'il avait jamais vu le réclamant dans cet hôpital ou dans tout autre hôpital.

M. J. réside présentement à Ottawa et a été diplômé en soins infirmiers en 1993. Il a travaillé à l'Hôpital général d 'Ottawa et par la suite, en soins palliatifs dans un foyer. Il avait 39 ans en 1987. Il a témoigné qu'il se souvenait très bien avoir vu le réclamant dans ce qu'il décrit comme une salle de réveil. Son ami était « mi-éveillé ». Une infirmière est entrée, a suspendu du sang et « l'a branché ». Elle aurait simplement ajouté que « le médecin l'aurait ordonné ». Il serait demeuré 15 ou 20 minutes et serait parti avec la mère du réclamant (la mère du réclamant est décédée depuis). M. J. ajoute qu'au moment de la visite, il n'avait pas encore commencé sa formation en soins infirmiers et il admet volontiers qu'il n'avait pas un « œil avisé », mais il ajoute qu'il était familier avec les transfusions de sang et savait en reconnaître une.

J'ai été impressionné par le témoignage de ce témoin. Ni le réclamant ni M. J. n'ont tenté de minimiser leur amitié, ni le réclamant n'a-t-il prétendu se rappeler qu'il avait en effet reçu une transfusion de sang. D'un autre côté, l'ami a témoigné de façon claire, calme et sans exagération. Le fait que ce réclamant et M. J. sont des amis était clair et parfaitement normal car on va rarement à l'hôpital pour rendre visite à un parfait étranger!

Je suis très au courant du lourd fardeau difficile qui est imposé au réclamant. Cependant, si la « clause nonobstant » du paragraphe 3.01(2) doit être sensée et avoir une certain pertinence, on doit pouvoir à une certaine étape et avec un certain élément de preuve respecter ce seuil. Nous n'avons pas ici un cas de retraçage négatif, mais plutôt la perte de dossiers médicaux, tout à fait sans la faute du réclamant.

J'accepte le témoignage de M. J. à l'effet qu'il se souvient que son ami, le réclamant dans le cas présent, a reçu une transfusion de sang en 1987.

On peut spéculer quant aux autres sources possibles ou autres explications sur la manière dont le réclamant a pu avoir contracté le VHC, mais on m'a présenté peu d'information à cet égard et je dois prendre en considération les déclarations faites dans le TRAN 2 et le TRAN 3. Je n'ai aucune raison de croire que le réclamant avait un mode de vie ou un caractère tel qu'il aurait créer des facteurs de risque additionnels. Inversement, aucun témoin n'a été entendu qui offrait une explication plus plausible que celle d'une transfusion de sang en 1987. Je suis très conscient que dans 10 ou 15 pour cent des cas, la source réelle du VHC n'est pas clairement établie. Je ne vois pas cependant dans cette donnée statistique sinistre un élément de preuve suffisant empêchant le réclamant de s'acquitter, dans quelques circonstances très spéciales, du fardeau qui est le sien en vertu du paragraphe 3.01(2).

J'ai examiné avec beaucoup d'attention plusieurs décisions où des questions similaires, bien qu'avec des faits quelque peu différents, étaient discutées, et je partage les commentaires de la juge arbitre Shelly L. Miller, c.r. (décision 96, en date du 23 juillet 2003) à l'effet que d'accepter la preuve comme je l'ai fait dans ce cas impose un fardeau presque impossible à l'Administrateur d'entreprendre un retraçage du sang pour lequel on ne pourra trouver aucun dossier. Néanmoins, voilà l'effet de la « clause nonobstant » du paragraphe 3.01(2). Comme la juge arbitre Miller, je conclus cependant que le cas présent doit être restreint à ses propres faits très particuliers.

Selon la preuve présentée devant moi, l'affidavit de J . et son témoignage, je suis satisfait que selon la prépondérance des probabilités, le réclamant a reçu une transfusion de sang au cours de son bref séjour au Reddy Memorial Hospital le 28 avril 1987.

J'accorde cette requête de renvoi, avec frais.

Aucune preuve directe ne m'a été présentée quant aux coûts. Cependant, voyant que le réclamant n'était pas représenté par un avocat, mais sachant le travail et les documents qu'il a obtenus et préparés, je considère qu'il est approprié d'adjuger des dépens de 200 $ reliés à l'audition.

Montréal, le 22 juin 2004

JACQUES NOLS

Juge arbitre

 

Déni de responsabilité