Renvois : Décisions
homologuées par le juge arbitre : #71 - Le 27 décembre
2002
D É C I S I O N
Contexte :
1. La réclamante a présenté une demande
d'indemnisation comme personne directement infectée
dans le cadre du Régime à l'intention des personnes
directement infectées par le VHC (" le Régime
"), tel qu'établi selon les modalités de
la Convention de règlement (" la Convention de
règlement ") relative à l'hépatite
C (1986-1990).
2. Dans une lettre datée du 14 juin 2002, l'Administrateur
a refusé la réclamation de la réclamante
parce que cette dernière n'avait pas fourni de preuve
suffisante à l'effet qu'elle avait été
infectée pour la première fois par le VHC suite
à une transfusion sanguine reçue au Canada au
cours de la période du 1er janvier 1986 au 1er juillet
1990 (" la période visée par les recours
collectifs ").
3. La réclamante a demandé qu'un juge-arbitre
soit saisi de la décision de l'Administrateur au cours
d'une audience en personne.
Preuve :
4. On ne conteste pas le fait que la réclamante soit
infectée par l'hépatite C ou qu'elle a reçu
trois unités de sang le 2 janvier 1987 à l'Hôpital
général d'Oshawa suite à une hystérectomie.
5. On ne conteste pas non plus le fait que, selon le rapport
de retraçage de ces trois transfusions, les donneurs
se sont avérés VHC négatifs.
L'Administrateur :
6. On a convenu de laisser l'Administrateur présenter
ses arguments le premier.
7. Mme Carol Miller, la coordonnatrice des renvois chez l'Administrateur,
et une infirmière autorisée depuis plus de 20
ans, a maintenu que la méthode de test utilisée
pour effectuer le retraçage dans le cas présent,
connue sous le nom de technique ELISA (dosage immunoenzymatique
) est la plus précise - avec un taux de précision
de 99 %.
8. Mme Miller a soutenu que, même si environ 20 % des
personnes qui contractent l'hépatite C réussiront
à se débarrasser entièrement de leur
infection après l'étape aiguë, en général,
l'anticorps demeure pour la vie. La technique ELISA vérifie
la présence de ces anticorps plutôt que celle
du virus (VHC).
9. À l'appui de cette affirmation, Mme Horkins, conseillère
pour l'Administrateur, a fait référence à
la preuve du Dr Kleinman, tel qu'établie dans la décision
de l'arbitre Orchard concernant la réclamation no 1300323.
Dans ce cas, l'arbitre Orchard a accepté le témoignage
du Dr Kleinman à titre d'expert en matière de
maladies reliées au sang, de tests de dépistage
sanguin, de prélèvement sanguin et de retraçages.
La preuve du Dr Kleinman était que selon les études,
de 20 à 45 % des personnes reconnues comme ayant été
infectées par le VHC s'avèreront VHC positives
relativement aux anticorps mais négatives relativement
au virus, environ 17 à 23 ans après l'infection
initiale.
10. Mme Horkins a de plus ajouté que pour environ
20 % des personnes infectées par le VHC, on ne connaît
pas la source de l'infection.
11. Toutefois, Mme Horkins a également souligné
que la réclamante avait eu trois séances de
tatouage au cours des années 1979 et 1980 et que le
tatouage était un facteur de risque d'infection par
le VHC.
La réclamante :
12. La réclamante a indiqué qu'elle s'était
sentie très malade après l'hystérectomie
pour laquelle elle avait reçu des transfusions et eu
une fièvre élevée le quatrième
jour après la chirurgie, ce qui, selon elle, est un
signe d'infection par le VHC. La réclamante a indiqué
qu'elle avait eu une hystérectomie partielle deux ans
auparavant et qu'elle n'avait pas eu de fièvre à
ce moment-là.
13. Selon la réclamante, elle ne s'est jamais entièrement
rétablie suite à la chirurgie et son état
s'est de plus en plus détérioré par son
infection par le VHC.
14. Le conjoint de la réclamante et sa belle-sur
ont tous deux décrit le changement dans la condition
physique de la réclamante dont ils ont été
témoins. Ils l'ont décrite comme une personne
" très énergique " et très
active avant la chirurgie et la transfusion, et beaucoup moins
active par la suite, par exemple, elle se fatiguait rapidement,
elle devait se reposer, etc.
15. Alors que la réclamante a avoué avoir eu
du tatouage à trois reprises, elle a maintenu qu'elle
l'avait reçu d'un établissement " propre
".
Arguments :
L'Administrateur :
16. Mme Horkins a déclaré que bien que la réclamante
ait reçu une transfusion sanguine au cours de la période
visée par les recours collectifs, le résultat
négatif de la procédure de retraçage
a établi, selon la prépondérance des
probabilités, que la transfusion n'était pas
la source de son infection.
17. Par conséquent, Mme Horkins a déclaré
que l'Administrateur et moi-même à titre de juge-arbitre
devons rejeter sa réclamation.
18. Cependant, Mme Horkins a également indiqué
que selon le paragraphe 3.04(2) du Régime, nonobstant
les résultats de la procédure d'enquête,
un réclamant peut prouver avoir été infecté
pour la première fois par le VHC par suite d'une transfusion
sanguine reçue au Canada au cours de la période
visée par les recours collectifs. Cependant, Mme Horkins
a argumenté que pour respecter un tel test, il faudrait
des preuves péremptoires, comme celle d'un médecin
qui serait prêt à appuyer les affirmations de
la réclamante.
La réclamante :
19. La réclamante a maintenu que la transfusion sanguine
a dû être la source de son infection.
20. La réclamante a contesté le rapport d'enquête
qui ne fait qu'énumérer le numéro de
l'unité du sang transfusé, le nom du produit,
la date de la transfusion, la création de tests et
l'état négatif des donneurs. Les dates les plus
récentes du test des donneurs étaient : 2000-07-24;
2000-05-29; et 1997-11-20.
21. La réclamante a soutenu qu'elle devrait disposer
des résultats réels des tests, puisque n'importe
qui peut dactylographier le rapport. Elle a également
soutenu que le rapport était suspect parce qu'elle
l'avait reçu deux semaines après en avoir fait
la demande, alors qu'on lui avait dit que ça pourrait
prendre un an au maximum.
22. De plus, elle a soutenu que comme l'organisme qui effectue
maintenant les tests, soit la " Société
canadienne du sang ", (" SCS ") est relié
à la Croix-Rouge, qui est responsable des transfusions
initiales, toute information fournie est suspecte.
23. De fait, dans le cas de la réclamante, deux des
tests avaient été administrés par la
SCS, et un, par la Croix-Rouge.
24. La réclamante a indiqué qu'elle voulait
qu'on vérifie les donneurs de nouveau.
25. Enfin, la réclamante a indiqué qu'elle
serait d'accord si je prenais ma décision suite aux
preuves et aux arguments entendus lors de l'audience.
26. En réponse, la conseillère juridique de
l'Administrateur a indiqué que par rapport à
la pertinence de l'enquête menée par la SCS ou
la Croix-Rouge, l'Administrateur se fiait à la décision
de Monsieur le juge Pitfield. Sa décision portait sur
un appel d'une décision de John P. Sanderson, c.r.,
juge-arbitre, en date du 6 février 2002.
27. Dans ce cas, la Société canadienne de la
Croix-Rouge avait commencé l'enquête de retraçage,
mais la Société canadienne du sang l'avait terminée.
28. Monsieur le juge Pitfield a maintenu ce qui suit :
À mon avis, lorsque l'Administrateur lui demande d'effectuer
une enquête de retraçage, la Société
canadienne du sang peut à juste titre se fier à
l'information, aux processus de dépistage et aux résultats
obtenus par la Société canadienne de la Croix-Rouge
au cours d'une enquête, à condition que la Société
canadienne du sang soit satisfaite que les mesures prises
en rapport avec le processus avant réception d'une
demande de l'Administrateur d'effectuer une procédure
d'enquête sont conformes aux normes scientifiques et
cliniques reconnues pour être fiables. La Société
canadienne du sang n'est pas tenue de répéter
ce qui a été fait en rapport avec la transfusion
de la réclamante à moins que la Société
canadienne du sang détecte une lacune au niveau du
processus.
29. Mme Horkins a souligné que la décision
confirme l'acceptabilité des tests d'enquête
effectués par la Croix-Rouge ou la SCS.
30. Mme Horkins a également indiqué que la
réponse a pu être relativement rapide parce que
les donneurs sont maintenant soumis à des tests de
routine lorsqu'ils retournent donner du sang. Par conséquent,
les résultats auraient été en dossier.
Après l'audience :
31. Suite à l'audience, j'ai reçu un message
vocal de la réclamante. Dans ce message, elle réitérait
sa méfiance quant au processus de tests. Comme elle
n'a soulevé aucun autre problème ou fourni aucune
autre preuve, je n'ai pris aucune autre mesure suite à
ce message.
Analyse :
32. Selon la Convention de règlement, l'Administrateur
doit effectuer une enquête de retraçage des unités
de sang transfusées afin de déterminer si le
sang était la source du virus de l'hépatite
C. La procédure d'enquête (" le Protocole
relatif à la procédure d'enquête ")
a été approuvée par la Cour de justice
de l'Ontario (Division générale) .
33. Selon le paragraphe 7(a) du protocole relatif à
la procédure d'enquête et tel que mentionné
dans le paragraphe 3.04 (1) du Régime, l'Administrateur
peut rejeter une réclamation lorsque l'information
découlant de la procédure d'enquête et
les résultats des dossiers indiquent que tous les donneurs
du sang reçu par une personne qui prétend être
une personne directement infectée au cours de la période
visée par les recours collectifs ne sont pas VHC positifs.
Ce rejet est sujet au droit d'un réclamant de fournir
des preuves réfutant les résultats de la procédure
d'enquête tel que mentionné au paragraphe 3.04(2)
du Régime.
34. Selon le paragraphe 3.04 (1), si les résultats
d'une procédure d'enquête démontrent qu'aucun
des donneurs ou des unités de sang reçues par
une personne directement infectée au cours de la période
visée par les recours collectifs n'est ou n'était
VHC positif, sous réserve des dispositions du paragraphe
3.04(2), l'Administrateur doit rejeter la réclamation
de cette personne.
35. Bien que je comprenne les préoccupations de la
réclamante concernant la méthode et la source
de la procédure d'enquête, les signataires de
la Convention de règlement étaient d'accord
avec celle-ci et les tribunaux l'ont approuvée. Par
conséquent, même si je partageais les préoccupations
de la réclamante, ce qui n'est pas le cas, je n'ai
pas la compétence d'ordonner la reprise du processus
pour la procédure d'enquête.
36. Cependant, tel qu'indiqué par Mme Horkins, selon
le paragraphe 3.04(2), nonobstant les résultats de
la procédure d'enquête, un réclamant peut
prouver qu'il a été infecté pour la première
fois par le VHC suite à une transfusion sanguine reçue
au Canada au cours de la période visée par les
recours collectifs.
37. Dans le cas présent, la seule preuve pouvant contrer
les résultats négatifs de l'enquête est
la preuve de la fièvre de la réclamante et sa
perte d'énergie suite à son intervention chirurgicale
et sa transfusion, tel qu'elle l'a elle-même décrit
ainsi que les membres de sa parenté. Cependant, sans
preuve médicale convaincante pour appuyer ce qui est
essentiellement une présomption de non infection suite
aux résultats négatifs de l'enquête de
retraçage, il m'est impossible d'établir que
la réclamante a été infectée par
le VHC suite à des transfusions sanguines reçues.
38. Par conséquent, je conclus qu'il n'y a pas suffisamment
de preuve à l'effet que la réclamante a été
infectée pour la première fois par le VHC suite
à une transfusion sanguine reçue au Canada au
cours de la période visée par les recours collectifs.
39. Ni l'Administrateur ni moi, à titre de juge-arbitre,
n'avons la discrétion d'accorder une indemnisation
à des personnes infectées par l'hépatite
C qui ne peuvent démontrer qu'elles tombent dans le
cadre de la Convention de règlement.
40. En conséquence, je déclare que l'Administrateur
a correctement déterminé que la réclamante
n'a pas droit à une indemnisation suite à la
Convention de règlement puisqu'elle n'a pas démontré
qu'elle avait été infectée pour la première
fois par le VHC suite à une transfusion sanguine reçue
au Canada au cours de la période visée par les
recours collectifs.
Décision :
41. Je maintiens la décision de refus de l'Administrateur
relativement à la demande d'indemnisation de la réclamante
dans le cadre de la Convention de règlement relative
à l'hépatite C (1986-1990).
FAIT À TORONTO CE 27E JOUR DE DÉCEMBRE 2002.
Tanja Wacyk, juge-arbitre
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