Renvois : Décisions
de l'arbitre : #23 - Le 23 novembre 2001
D É C I S I O N
1. Le réclamant présente une demande d'indemnisation
à titre de personne directement infectée en
vertu du Régime à l'intention des transfusés
infectés par le VHC (le " Régime "
).
2. Dans une lettre du 19 mars 2001, l'Administrateur rejette
la réclamation parce que le réclamant n'a pas
fourni de preuve suffisante qu'il a reçu du sang tel
que défini dans le régime ( " sang "),
au cours de la période des recours collectifs.
3. Le réclamant demande de saisir un arbitre de la
décision de refus de l'Administrateur.
4. Le réclamant demande une audition orale qui a lieu
le 14 novembre 2001.
5. Les faits pertinents suivants ne sont pas contestés
:
(a) Au cours de la période des recours collectifs,
le réclamant subit un infarctus du myocarde (crise
cardiaque) qui requiert son admission à l'hôpital
et des traitements. Les traitements comprennent l'injection
d'une drogue appelée la streptokinase.
(b) La streptokinase est une enzyme qui sert à dissoudre
les caillots de sang. La streptokinase est en suspension
chimique dans l'albumine, un dérivé sanguin
humain provenant du plasma et injectable.
(c) Le réclamant est infecté par le virus
de l'hépatite C qui s'est manifesté et qui
requiert des soins médicaux.
6. Le réclamant et sa conjointe, son représentant
reconnu, croient sincèrement que le réclamant
a été infecté par le virus de l'hépatite
C lorsqu'il a reçu de la streptokinase au cours de
ses traitements pour soins médicaux à l'hôpital
en raison d'une crise cardiaque.
7. Le médecin traitant du réclamant indique
dans le formulaire du médecin traitant (Formulaire
TRAN 2) daté du 16 juillet 2000, que le réclamant
a reçu du sang et en particulier, des produits sanguins
énumérés dans la définition du
terme " sang " au cours de la période des
recours collectifs. Cependant, selon le dossier, Madame Carol
Miller, une infirmière au Centre des réclamations
relatives à l'hépatite C, a obtenu des précisions
du médecin traitant le 22 mai 2001, à l'effet
que sa réponse était basée sur l'information
fournie par le réclamant et non sur les dossiers médicaux.
Madame Miller a confirmé par lettre sa conversation
avec le médecin traitant en date du 22 mai 2001. Le
réclamant n'a pas contesté le contenu de la
lettre.
8. Le conseiller du Fonds s'appuie sur le témoignage
d'expert du Dr G.H. Growe, chef de la division d'hémato-pathologie
et directeur médical du Service de transfusions sanguines
du Vancouver General Hospital and Health Sciences Centre ("
VGH " ). Les avis du Dr Growe sont consignés dans
deux lettres datées du 6 juillet et du 21 août
2001 respectivement. À la demande du réclamant,
le Dr Growe est également présent lors de l'audition
du renvoi pour répondre à des questions.
9. On convient que la question seuil permettant d'établir
l'admissibilité du réclamant à une indemnisation
en vertu du régime est de savoir s'il a ou non reçu
du sang et en particulier, un produit sanguin.
10. La définition de sang dans le régime (article
1.01) se lit comme suit :
" Sang " signifie le sang total et
les produits sanguins suivants : les concentrés
de globules rouges, les plaquettes, le plasma (frais congelé
ou stocké) et les globules blancs. Le sang ne comprend
pas l'albumine à 5%, l'albumine à 25 %, le
facteur VIII, le facteur VIII porcin, le facteur IX, le
facteur VII, l'immunoglobuline anti-cytomégalovirus,
l'immunoglobuline anti-hépatitique B, l'immonoglobuline
anti Rh, l'immunoglobuline anticricelleuse-antizostérienne,
l'immunoglobuline sérique, (FEIBA) FEVIII Inhibitor
Pypassing Activity, Autoplex (complexe prothrombine), l'immunoglobuline
antitétanique, l'immunoglobuline antraveineuse (IVIG)
et l'antithrombine III (ATIII). (Souligné).
11. Lors de l'audition du renvoi, le réclamant et
sa conjointe posent des questions au Dr Growe. Le réclamant
accepte que sa conjointe continue d'agir comme son représentant
reconnu. Le conseiller du Fonds ne s'y oppose pas. On présente
le Dr Growe comme hématologue et expert en médecine
transfusionnelle apte à fournir des preuves en expertise
médicale. Le Dr Growe a une très grande expérience
dans son domaine de spécialisation. Il est reconnu
comme tel et accepté comme expert. Il est professeur
clinique à la Faculty of Medicine de l'University of
British Columbia depuis le 1er juillet 1983. Il est membre
du personnel actif du VGH depuis 1969 et directeur de la banque
de sang au service de pathologie du VGH depuis 1970. Voilà
seulement quelques-uns de ses titres de compétences
impressionnants.
12. La preuve du Dr Growe se présente comme suit :
L'albumine est un produit dérivé d'un pool de
plasma humain. Il est donc un produit du sang humain. Généralement,
il y a entre 100 à 2 000 donneurs de sang dans un pool
d'où l'albumine est dérivée. À
cause de la procédure de mise en commun, il n'est pas
possible de retracer les donneurs spécifiques si l'un
d'eux est infecté. Selon le fabricant de la streptokinase
(Streptase-TM), 100 milligrammes (un dixième d'un gramme)
d'albumine servent de stabilisant pour chaque flacon de 6.5
millilitres. L'albumine elle-même sert généralement
lors de transfusions administrées aux personnes hypovolémiques
ou en état de choc. Pour les besoins de transfusion,
une dose normale d'albumine est une solution de 5.0 % ou 25.0
%, ce qui signifie qu'il y a soit 5 grammes/100 ml ou 25 grammes/100
ml. En général, dans chaque dose injectable,
il y a 25 grammes d'albumine au total. Il y a beaucoup plus
d'albumine que dans la streptokinase. La streptokinase n'est
pas un produit sanguin humain (c'est une enzyme) qui doit
être en suspension chimique dans l'albumine afin de
le maintenir sous forme liquide pour les besoins d'injections.
La streptokinase sert non seulement à traiter les personnes
atteintes de crises cardiaques mais aussi les personnes ayant
des caillots de sang dans d'autres parties du corps ou qui
ont subi des accidents cérébrovasculaires. La
streptokinase est un agent qui sert à dissoudre les
caillots. Selon les dossiers de l'hôpital, au moment
de la crise cardiaque du réclamant, ce dernier a d'abord
reçu une faible injection de streptokinase qui ne contiendrait
que 100 milligrammes ou 0.1 gramme d'albumine. Le réclamant
n'aurait donc reçu qu'une très petite quantité
d'albumine en comparaison avec les doses normales d'albumine
pour les besoins de transfusions. Jusqu'en 1990, au Canada,
on ne vérifiait pas la présence du virus de
l'hépatite C dans le sang. Il est donc possible que
les produits sanguins puissent avoir contenu le virus. Durant
la période des questions, le Dr Growe a avoué
qu'il n'est pas absolument impossible que l'albumine ait pu
être infectée par le virus et que le montant
d'albumine administré ne soit pas pertinent. Cependant,
l'albumine est un produit sanguin qui n'est pas réputé
être lié à l'hépatite C ou à
tout autre virus transmis. Le Dr Growe ne connaît pas
lui-même de cas ou n'était pas au courant de
cas documenté scientifiquement liant l'injection de
l'albumine à des personnes atteintes du VHC. Il a également
dit que selon la documentation scientifique, il n'y a aucun
lien connu entre l'albumine et l'hépatite B ou le VIH.
Selon l'expertise du Dr Growe, aucun patient ayant reçu
de grandes quantités d'albumine par transfusion n'a
été atteint d'hépatite. Il croit que
puisque l'albumine et la streptokinase ont été
utilisées et sont vendues partout au Canada, et que
s'il y avait eu de poussée du virus chez les patients
qui ont reçu ces produits, de telles flambées
auraient été portées à l'attention
du public ou auraient donné lieu à des enquêtes.
Le Dr Growe ne pouvait pas confirmer de façon catégorique
que le réclamant était infecté par le
VHC lorsqu'il a reçu de la streptokinase, mais selon
les preuves qu'il a présentées, cette situation
est très peu probable.
13. Les preuves présentées par le Dr Growe
établissent que lors du traitement de la crise cardiaque
du réclamant, il a reçu un montant d'albumine
beaucoup plus faible que l'albumine à 5 % ou l'albumine
à 25 % qui sont toutes deux exclues de la définition
de sang.
14. Pour ce qui est de la question seuil, étant donné
que la définition de sang exclut les produits sanguins
tels que l'albumine à 5 % et l'albumine à 25
% et comme les preuves indiquent que le réclamant a
dû avoir reçu une dose ou une quantité
d'albumine beaucoup plus petite, le réclamant ne peut
avoir gain de cause dans ce renvoi. Lors de l'audition, le
réclamant a reconnu qu'il n'a pas reçu de sang
au cours de la période du recours collectif, à
moins qu'à titre d'arbitre, j'aie le pouvoir de rédiger
une nouvelle définition de sang. Je lui ai confirmé
que je n'avais pas l'autorité de modifier le Régime
et que l'Administrateur n'avait pas la discrétion d'accorder
une indemnisation lorsque la preuve requise donnant droit
à l'indemnisation n'existe pas.
15. Je confirme que la décision de l'Administrateur
était juste. L'Administrateur a établi à
juste titre que le réclamant n'a pas fourni de preuve
suffisante qu'il a reçu du sang au cours de la période
des recours collectifs. La demande de renvoi est refusée.
En date du 23e jour de novembre 2001 à Vancouver,
Colombie-Britannique.
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Vincent R.K. Orchard,
Arbitre
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