Renvois : Décisions
de l'arbitre : #66 - Le 1er novembre 2002
D É C I S I O N
A. Introduction
[1] Le réclamant a présenté une demande
d'indemnisation à titre de personne directement infectée
dans le cadre du Régime à l'intention des transfusés
infectés par le VHC (" le Régime ").
[2] Cependant, dans une lettre en date du 1er mars 2002,
l'Administrateur a refusé la réclamation après
avoir examiné attentivement le matériel fourni
à l'appui de la réclamation avec un comité
de trois (3) évaluateurs d'expérience, pour
les raisons suivantes :
Les résultats de votre enquête de retraçage
ont confirmé que le donneur de l'unité de sang
qui vous a été transfusée au cours de
la période visée par les recours collectifs
s'est avéré négatif selon le test des
anticorps du VHC. À la lumière de cette information,
votre réclamation est rejetée. Vous avez indiqué
dans votre réponse à notre première lettre
que vous feriez parvenir d'autre preuve. L'information que
vous avez présentée a été examinée
et n'a pas favorablement influencé les résultats
préalables de votre enquête de retraçage.
Par conséquent, en vertu du paragraphe 3.04 du Régime
à l'intention des transfusés de la Convention
de règlement relative à l'hépatite C
(1986-1990), vous ne répondez pas aux critères
d'indemnisation et votre réclamation est rejetée.
[3] Au moyen d'une demande de renvoi à un arbitre
/ juge - arbitre (la " demande de renvoi ") datée
du 17 mars 2002, le réclamant a demandé un renvoi
de la décision du refus de sa réclamation par
l'Administrateur.
[4] Au paragraphe 4 de sa demande de renvoi, le réclamant
a déclaré qu'il souhaitait que la décision
de l'Administrateur soit saisie pour les raisons suivantes
:
Quelqu'un ment, soit (l'hôpital), soit les personnes
infectées et l'hôpital dit qu'il y a eu deux
(2) unités disponibles le soir en question - cela s'est
déjà produit auparavant qu'on ait échangé
les étiquettes, parce qu'ils ont fait une erreur.
Voici d'autres renseignements sur ce que j'ai découvert
:
(1) Pour ce qui est de cet hôpital, on a trouvé
récemment qu'ils s'étaient rendus coupables
de ne pas dire la vérité au sujet de certaines
procédures.
(2) Je n'ai jamais fait usage de drogues au moyen de seringues.
(3) J'ai vécu une vie saine, je n'ai même jamais
eu d'injections de médecins qui m'ont traité
(5) Ce n'est que 3 ou 4 années plus tard que cet hôpital
m'a demandé de vérifier si quelque chose n'allait
pas et mon médecin de famille à ce moment-là
était le Dr R
et les résultats du laboratoire
ont démontré que j'étais VHC positif
que j'étais infecté par le virus de l'hépatite
C
(7) Ceci a été une lutte continuelle pour mes
droits.
(8) Je vous demande de vraiment bien examiner ces formulaires
et ce que vos propres investigations ont révélé.
Je vous prie de porter attention à ce qui m'arrive
(10) J'ai fait parvenir des formulaires dans le passé
concernant ma déclaration sur l'endroit où je
l'ai reçu et d'autres documents sont entre vos mains.
Je ne suis pas une personne exigeante mais je sais que je
suis dans mon droit.
P.S. Je vous remercie pour la plus profonde sympathie à
l'égard de ma demande d'examiner réellement
ce qui s'est passé. J'ai l'impression qu'on m'a fermé
la porte pour aucune raison de ma part. J'implore clémence,
merci.
[5] Le réclamant a avisé qu'il souhaitait
que la cause soit réglée par arbitrage plutôt
que par renvoi et a demandé une audition en personne.
L'arbitre a écrit au réclamant et au Conseiller
du Fonds le 13 avril 2002, déclarant, entre autres
choses, ce qui suit :
1. Dans sa demande de renvoi, (le réclamant) a coché
la case indiquant qu'il souhaitait que la cause soit examinée
par un arbitre plutôt que par un juge -arbitre. Je déciderai
de la question dans un cas comme dans l'autre. Cependant,
comme le jugement d'un arbitre est final, alors que celui
d'un juge - arbitre est sujet à la confirmation par
un juge de tribunal supérieur, j'invite (le réclamant)
soit de confirmer qu'il préfère un arbitre plutôt
qu'un juge - arbitre ou soit de m'aviser s'il préfère
un juge - arbitre.
[6] Le réclamant a en effet répondu qu'il souhaitait
que la cause soit réglée par arbitrage plutôt
que par renvoi. Dès le début de l'audition en
personne le 13 août 2002, l'arbitre et le Conseiller
du Fonds ont encore une fois invité le réclamant
à repenser à sa décision et à
faire juger la cause par renvoi. Le réclamant a encore
une fois insisté qu'il souhaitait que la cause soit
réglée par arbitrage. La cause a donc été
traitée par arbitrage.
[7] Les observations écrites du Conseiller du Fonds,
datées du 4 avril 2002, établissent la position
de l'Administrateur. L'Administrateur reconnaît que
le réclamant a été hospitalisé
au Saskatoon City Hospital en décembre 1989, au moment
où il a reçu une transfusion de deux unités
de sang. Les dossiers de l'hôpital confirment qu'un
total de 5 unités de sang ont subi l'épreuve
de comptabilité croisée, c'est-à-dire
qu'elles pouvaient être utilisées dans le cas
du réclamant si cela s'avérait nécessaire.
Cependant, seulement deux de ces unités ont réellement
été transfusées au réclamant.
Les dossiers de l'hôpital confirment que trois unités
ont été annulées et que par conséquent,
elles n'ont pas été transfusées. Une
enquête de retraçage a été effectuée
au sujet des deux unités qui ont en fait été
transfusées au réclamant au cours de la période
visée par les recours collectifs. L'enquête de
retraçage a confirmé que dans chaque cas, le
donneur était VHC négatif. Le médecin
du réclamant indique que le réclamant a reçu
des transfusions sanguines au cours de 1961 et de 1962 à
la suite de trois gastrectomies partielles à Kingston
en Ontario. Les transfusions sanguines reçues avant
la période visée par les recours collectifs
sont considérées comme étant un facteur
de risque relativement au virus de l'hépatite C (VHC).
[8] On a tenu une audition en personne à Saskatoon
le 13 août 2002. Le réclamant a témoigné
en son propre nom et Carol Miller, coordonnatrice des renvois
au Centre des réclamations (le " Centre des réclamations
") relatives à l'hépatite C (1er janvier
1986 au 1er juillet 1990), a témoigné au nom
de l'Administrateur. Par conséquent, la cause sera
en effet adjugée en fonction des éléments
matériels et des témoignages présentés
par les parties.
B. Faits et résumé de la preuve
[9] En vertu des modalités de la Convention de règlement
(la " Convention de règlement ") relative
à l'hépatite C (1er janvier 1986 au 1er juillet
1990) et du Régime, la période visée
par les recours collectifs est la seule période où
une indemnisation peut être disponible. De plus, bien
qu'il existe plusieurs sources possibles d'infection au virus
de l'hépatite C (" VHC "), le Régime
ne permet une indemnisation qu'aux individus ayant reçu
des transfusions au cours de la période visée
par les recours collectifs de produits de sang définis,
dont les donneurs ont été examinés et
déclarés infectés par le VHC.
[10] Dans le formulaire de renseignements généraux
du réclamant (TRAN 1) daté du 7 mai 2000 , le
réclamant a déclaré qu'il croyait avoir
été infecté par le VHC en raison d'une
transfusion sanguine reçue au Canada au cours de la
période visée par les recours collectifs. Il
a déclaré qu'il avait reçu une transfusion
sanguine au Canada au cours de la période visée
par les recours collectifs et a candidement reconnu avoir
reçu des transfusions sanguines 4 fois avant la période
visée par les recours collectifs. Dans le formulaire
de déclaration d'accompagnement (TRAN 3) daté
du 17 mai 2000 , le réclamant a de plus déclaré
que les informations étaient " véridiques
" au meilleur de ses connaissances et croyances, qu'il
" n'était pas infecté par le virus de l'hépatite
non-A non-B ou de l'hépatite C avant le 1er janvier
1986 ". Dans la case 4 du formulaire TRAN 3, le réclamant
a coché la case " vrai " à côté
de la déclaration à l'effet qu'il " n'avait
jamais en aucun temps utilisé des drogues injectables
sans ordonnance ". Le formulaire du médecin traitant
(" TRAN 2 ") a été rempli par le médecin
du réclamant, le Dr R., le 10 mai 2000. La section
F - case 2 " oui " a été cochée
suite à l'énoncé : " Par rapport
à la définition du terme sang, le réclamant
a reçu une transfusion sanguine au cours de la période
du 1er janvier 1986 au 1er juillet 1990 ". Le médecin
a coché " non " en réponse à
la question : " Le dossier médical de la personne
infectée par le VHC indique-t-il que la personne a
été infectée par l'hépatite non-A,
non-B ou par le virus de l'hépatite C avant le 1er
janvier 1986? " Dans la section F, case 1, demandant
si le réclamant avait des antécédents
de facteurs de risque relativement au virus de l'hépatite
C autres qu'une transfusion sanguine au cours de la période
visée par les recours collectifs, le médecin
a coché la case indiquant " Transfusions sanguines
en dehors de la période du 1er janvier 1986 au 1er
juillet 1990 ". Ce formulaire indiquait également
que le médecin avait connu le réclamant depuis
1983 et qu'il le traitait depuis 1998.
[11] La Pièce 2 est une lettre datée du 18 avril
2002 de la Société canadienne du sang (SCS)
à Mme Miller, établissant au moyen de nombreux
détails une description de la procédure d'enquête
entreprise relativement au dossier du réclamant. Les
deux unités de globules rouges transfusées au
réclamant le 12 décembre 1989 au Saskatoon City
Hospital ont été retracées par numéro
d'unité et date de transfusion, suite à laquelle
la lettre déclarait :
On n'a retracé aucune autre unité de sang ayant
été transfusée au receveur au cours de
la période visée par les recours collectifs.
La SCS a fait parvenir une note de service à la banque
de sang du Royal University Hospital (RUH) le 5 mars 2001
et le RUH a répondu par note manuscrite à celle
de la SCS le 7 mars 2001, déclarant que, dans le cas
du receveur, on avait effectué une épreuve de
compatibilité croisée sur un total de cinq unités;
deux ont été émises et transfusées
et trois ont été annulées. Une copie
de cette note est jointe.
Les numéros des unités pour les concentrés
de globules rouges indiquées dans les rapports ont
été saisis dans le Blood Information System
(" base de données BLIS ") de la SCS, un
système d'information automatisé qui retrace
les informations sur les donneurs de sang. La base de données
BLIS permet à la SCS de lier les numéros des
unités aux donneurs de ces unités. On a retracé
les donneurs reliés à chacun des numéros
des unités.
On a conclu que les deux donneurs reliés aux unités
transfusées au cours de la période visée
par les recours collectifs ont subséquemment été
déclarés VHC négatifs selon le test de
détection des anticorps du virus de l'hépatite
C.
[Les résultats des tests des donneurs reliés
à la période visée par les recours collectifs
étaient datés comme suit : 1992-06-05 et 1999-09-16
respectivement et avaient été effectués
par La Société canadienne de la Croix-Rouge
et Gamma Dynacare respectivement.]
Le test de dépistage que la SCS utilise afin de détecter
l'anticorps de l'hépatite C à l'heure actuelle
est le test du VHC par dosage immunoenzymatique 3.0 (Test
du VHC EIA 3.0) qui est utilisé depuis environ juin
1996. Santé Canada a approuvé ce test de dépistage
pour utilisation au Canada. Le test du VHC par dosage immunoenzymatique
2.0 était utilisé par la SCCR avant le test
du VHC EIA 3.0. Au moment d'effectuer le test sur le donneur
relié à l'unité no
(en utilisant
le test du VHC EIA 2.0), la SCCR exploitait le système
de sang au Canada et a testé le donneur
Pour
les fins de son programme d'enquêtes de retraçage,
la SCS s'appuie sur le test du VHC EIA 2.0 et le test du VHC
EIA 3.0.
Pour les fins de la présente enquête de retraçage,
la SCS s'appuie également sur les résultats
du test effectué par Gamma Dynacare relativement au
donneur relié à l'unité no
Gamma
Dynacare a confirmé qu'au moment du test du (dit) donneur,
le laboratoire utilisait le test du VHC EIA 3.0.
Le test de dépistage du VHC EIA est extrêmement
sensible et parfois détecte des réactions chez
des individus en santé qui n'ont pas d'infection ("
faux positif ".) Si un ou l'autre des tests de dépistage
détecte une réaction qui pourrait indiquer une
infection, on effectue un autre test pour clarifier le résultat.
Les tests de dépistage effectués sur le donneur
relié au don durant la période des recours collectifs
se sont avérés négatifs. Par conséquent,
aucun test de confirmation n'était requis.
[11] La Pièce 3 comprend une série d'ordonnances
médicales reliées à l'hospitalisation
du réclamant au Saskatoon City Hospital en décembre
1989, tel que fournie par le réclamant. Avant l'audition,
le réclamant avait eu de la difficulté à
obtenir certains rapports de laboratoire qu'il tentait d'obtenir
auprès de son médecin. Conséquemment,
l'arbitre a écrit au médecin du réclamant,
le Dr R., avec le consentement du réclamant, lui demandant
des copies de tels dossiers. La réponse du Dr R. datée
du 29 juillet 2002 et comprenant des copies jointes de rapports
de laboratoire et de consultation du spécialiste en
maladies infectieuses du réclamant ont été
présentés collectivement comme Pièce
4. Enfin, M. Callaghan a présenté comme Pièce
5 une mise à jour médicale de la Fondation canadienne
du foie concernant l'hépatite C qui présente
les sources possibles d'infection du VHC, accompagnée
de la déclaration suivante : " Dans 10 % des cas
d'hépatite C, selon des données américaines,
on ne peut retracer la source d'infection. "
[12] Mme Miller a témoigné relativement au
processus utilisé pour évaluer le dossier du
réclamant, y compris l'obligation du réclamant
d'établir : (a) la preuve qu'il a reçu des produits
sanguins au cours de la période visée par les
recours collectifs (ce que le réclamant a réussi
à faire) et; (b) une enquête de retraçage
produisant un résultat positif (ce que le réclamant
n'a pas réussi à faire). Elle a de plus témoigné
relativement au protocole relatif à la procédure
d'enquête tel qu'approuvé par le tribunal. Parfois,
un réclamant obtient ses propres dossiers de santé
avec les numéros d'unités qui y étaient
inscrits ou on peut demander à la SCS de produire des
dossiers de banque de sang. On peut effectuer des enquêtes
de retraçage seulement lorsqu'un réclamant est
VHC positif selon le test. La SCS peut entrer dans le système
pour accéder à l'information au sujet des donneurs
- p. ex., ont-ils été déclaré
VHC positifs ou non? S'il n'y a pas de dossiers d'une manière
ou d'une autre, la SCS retrace le donneur et fait les arrangements
requis pour le test. Dans le cas présent, la SCS avait
testé les deux donneurs qui se sont avérés
tous les deux VHC négatifs. Même si un des tests
a été effectué en 1999, l'anticorps du
VHC serait toujours présent dans le système
du donneur, si jamais il s'était avéré
VHC positif. Si le donneur n'avait pas d'anticorps en 1999,
il n'avait alors jamais été atteint du virus
auparavant. Dans le cas présent, Saskatchewan Health
a écrit au réclamant le 6 octobre 1997, indiquant
que selon les dossiers, ce dernier avait reçu des produits
de sang avant 1990 qui auraient pu avoir été
infectés par le VHC et l'a invité à subir
des tests de détection du VHC.
[13] Mme Miller a de plus témoigné en rapport
avec les trois unités de sang réservées
(ou mises de côté au besoin) pour le réclamant
le 3 décembre 1989, mais elle a souligné que
selon les dossiers spécifiques, ces unités ont
été annulées le 5 décembre 1989,
indiquant que le réclamant n'en avait pas eu besoin.
Elle a aussi fait des commentaires au sujet des ordonnances
du médecin fournies par le réclamant. Ces notes
indiquent qu'il y a d'abord eu une ordonnance du médecin
traitant de transfuser 2 unités de sang le 5 décembre
1989, mais qu'il y a eu une annulation de cette ordonnance
par la suite, ce qui est également indiqué dans
les dossiers des tests de laboratoire et les notes des infirmières,
dans lesquelles les codes à barres pour les deux unités
de sang qui, de fait, ont été transfusées,
font partie de la fiche. Les codes à barres sont enlevés
des unités de sang et placés sur le graphique
de circulation et les notes des infirmières. Le résumé
de la transfusion indique des résultats d'enquête
de retraçage négatifs par rapport aux deux unités
de sang transfusées au réclamant, et indique
également que les 3 unités de sang ne l'étaient
pas, ce qui est parfaitement conforme à ce qu'elle
avait vu dans les dossiers sur l'épreuve de compatibilité
croisée et dans les ordonnances de médecin fournies
par le réclamant. Si on avait inscrit un numéro
d'unité erroné, il n'aurait pas été
conforme aux dossiers de la banque de sang. Nonobstant ces
résultats, le Centre a voulu confirmer les résultats
obtenus et a encore une fois communiqué avec la coordonnatrice
des enquêtes de retraçage qui a réécrit
afin de confirmer qu'on avait vérifié de nouveau
dans la banque de sang et la fiche du patient et que les résultats
étaient les mêmes. La SCS a écrit à
la banque de sang pour qu'elle vérifie les dossiers
et qu'elle indique par écrit toutes les unités
reçues. Si l'un ou l'autre des donneurs avait été
VHC positif, le réclamant en aurait été
avisé. Cependant, dans le cas présent, étant
donné que les deux donneurs s'étaient avérés
VHC négatifs selon le test, on n'a rien signalé
dans le dossier du réclamant. Il a donc reçu
la lettre de Saskatchewan Health en même temps que tout
le monde. Dans ce cas, en examinant la Pièce 2, Mme
Miller a noté que la SCS n'avait pas eu à retracer
les donneurs puisqu'ils avaient déjà été
testés, étant donné que ces mêmes
donneurs avaient fourni du sang après la transfusion
au réclamant et qu'alors, leur sang avait déjà
été testé et s'était avéré
VHC négatif.
[14] Mme Miller a également noté que le médecin
de famille du réclamant, le Dr R., avait retracé
3 transfusions antérieures possibles au réclamant
en 1961 et en 1962 relativement à 3 gastrectomies partielles
dans un hôpital à Kingston.
[15] L'arbitre a demandé à Mme Miller s'il
était probable que le réclamant ait été
infecté par le VHC en 1961 ou 1962 mais qu'il soit
demeuré asymptomatique pendant près de 30 ans.
Mme Miller a noté que le test le plus récent
des donneurs est la méthode de test la plus fiable
disponible. Elle a également noté que 80 % des
personnes infectées manifestent des symptômes
mais que 20 % n'en manifestent pas. En d'autres mots, la plupart
des personnes qui sont infectées pourraient en devenir
malades en deçà de 20 ans, mais que si une personne
se situait dans l'autre catégorie, ce ne serait pas
nécessairement le cas. Elle a aussi indiqué
que dans environ 10 % des cas, la source de l'infection ne
pouvait être détectée.
[16] Le réclamant a témoigné en son
propre nom. Il a 72 ans. Il a déclaré qu'à
l'heure actuelle, son foie semble en bon état. Il a
eu des problèmes liés à des calculs rénaux
en 1988 alors qu'il a subi une intervention chirurgicale à
l'hôpital de l'Armée du Salut à Winnipeg,
ce qui a laissé une grande cicatrice. Il ne se souvient
pas d'avoir eu des transfusions à ce moment-là,
mais comme il avait été sous anesthésie
générale, il ne peut en être sûr.
Il a également subi une intervention chirurgicale pour
l'appendicite à la fin des années 1940 ou au
début des années 1950. Il se souvient qu'il
y a eu un écart de temps important entre la chirurgie
pour l'appendicite et celles des gastrectomies. Il se souvient
avoir été atteint de tuberculose lorsqu'il avait
travaillé dans les Territoires du Nord-Ouest au début
des années 1960 et il s'est retrouvé à
l'hôpital à Edmonton durant une période
d'environ 7 mois.
[17] À la fin de l'audition, on a discuté de
la chirurgie et de l'hospitalisation du réclamant à
l'hôpital de l'Armée du Salut à Winnipeg
en 1988. Étant donné la nature de la chirurgie
qui a eu lieu au cours de la période visée par
les recours collectifs et afin de tout vérifier en
fonction de la demande d'indemnisation du réclamant,
on a cru bon de prendre des mesures afin de déterminer
si le réclamant avait ou non reçu des produits
sanguins lors de son séjour à l'hôpital
à Winnipeg. On a donc décidé de prendre
les mesures suivantes :
(a) Il a été décidé que l'arbitre
écrirait au médecin traitant actuel du réclamant,
le Dr R.,
lui demandant des copies de tout dossier qu'il aurait peut-être
en sa possession relativement à l'hospitalisation du
réclamant à Winnipeg;
(b) Mme Miller communiquerait avec le Centre de sang de Winnipeg
afin de retracer tout dossier qui indiquerait si le réclamant
avait reçu des produits sanguins à ce moment-là;
(c) Toute réponse reçu suite aux démarches
précitées pourrait être admise comme preuve,
à condition que les deux parties aient l'occasion de
fournir d'autres observations en rapport avec ces réponses,
si elles en étaient avisées.
[18] Le 15 août 2002, l'arbitre a écrit au Dr
R., comme suit :
Vous avez eu l'amabilité d'inclure des copies des
rapports de consultation du Dr W. (spécialiste en maladies
infectieuses). Dans sa lettre du 2 avril 1998, le Dr W. dit
par rapport (au réclamant), "
il semble qu'il
a été exclu de travailler dans les camps dans
le Nord parce qu'il avait un problème de foie en 1992
". Comme je crois comprendre que (le réclamant)
n'a pas consulté le Dr W. avant 1998, je prends pour
acquis que vous étiez le médecin (du réclamant)
en 1992. Si vous avez des renseignements en dossier sur des
problèmes de foie dont (le réclamant) a pu souffrir
en 1992 ou en tout autre temps à part ceux mentionnés
par le Dr W. ou d'autres renseignements en dossier qui pourraient
jeter de la lumière sur les commentaires du Dr W. à
cet égard, je vous en saurais gré de me les
faire parvenir.
Enfin, je crois comprendre que (le réclamant) a subi
une intervention rénale à l'hôpital de
l'Armée du Salut à Winnipeg en 1988. Si jamais
vous aviez des copies de tout dossier de santé relatif
à cette chirurgie ou hospitalisation, j'apprécierais
de recevoir des copies de ces informations également
.
[19] Le Dr R. a déclaré dans une lettre en
date du 26 août 2002 :
Selon l'histoire, (le réclamant) aurait, semble-t-il,
informé le Dr W. qu'il " ne pouvait pas travailler
dans les camps du Nord parce qu'il avait des problèmes
de foie en 1992." J'ai trouvé une note clinique
du service d'urgence de l'hôpital de St. Paul datée
du 12 septembre 1992. Le diagnostic à cette date faisait
état d'une intoxication à l'alcool et une copie
du rapport de ce service d'urgence est jointe. Je note qu'il
a subi des tests de fonction hépatique (phosphates
alcalins, SGPT, etc.). Les résultats n'étaient
pas disponibles dans sa fiche
Ses tests de fonction
hépatique d'octobre 1990 semblaient normaux et une
copie des résultats sanguins est jointe.
Quant aux antécédents de chirurgie rénale
à l'hôpital Grace de l'Armée du Salut
de Winnipeg en 1988, sa fiche ne contient aucun dossier de
santé touchant cette admission.
[20] Par voie d'une lettre en date du 23 septembre 2002,
Marie - Josée Dumouchel, coordonnatrice de la notification
des litiges à la SCS, a écrit à Mme Sarah
Gallant, coordonnatrice des enquêtes de retraçage
au Centre des réclamations précisant :
La présente est en réponse à votre correspondance
en date du 13 août 2002 dans laquelle vous avez demandé
à la SCS de vérifier auprès de l'Hôpital
général Grace si le réclamant précité
avait reçu une transfusion sanguine en 1988.
La SCS a demandé et a examiné la confirmation
du dossier d'hospitalisation (" HRC " ) de l'Hôpital
général Grace. La documentation indique que
le dossier du patient est disponible et que le malade n'a
pas reçu de transfusion durant son séjour à
l'hôpital en 1988. Le personnel de l'hôpital ne
dispose d'aucune autre mention de transfusions
[21] L'arbitre a écrit aux parties le 8 octobre 2002
afin des les inviter à fournir toutes observations
additionnelles qu'elles souhaiteraient faire, à la
suite des renseignements supplémentaires du Dr R. ou
de ceux présentés récemment par la SCS
concernant l'admission du réclamant à l'Hôpital
général Grace en 1988. Le réclamant a
avisé l'arbitre par téléphone le 10 octobre
2002 précisant qu'il ne souhaitait pas présenter
d'autres observations supplémentaires relativement
à sa réclamation. M. Callaghan n'a présenté
aucunes autres observations.
C. Analyse
[22] Les faits substantiels dans ce cas sont les suivants
:
(a) Le réclamant est infecté par le virus de
l'hépatite C.
(b) La source probable d'une telle infection n'a pas été
établie comme preuve.
(c) Même si le réclamant a reçu une transfusion
de deux unités de concentrés de globules rouges
au Saskatoon City Hospital en décembre 1989, l'enquête
de retraçage a démontré que dans chaque
cas, le donneur s'était avéré VHC négatif
selon les tests les plus avancés disponibles à
l'époque, à savoir les tests du VHC EIA 2.0
et 3.0 respectivement.
(d) Le réclamant n'a pas reçu de produits sanguins
durant son hospitalisation en août 1988 à l'Hôpital
général Grace de Winnipeg, même si deux
unités de globules rouges avaient été
soumises à l'épreuve de compatibilité
croisée à son intention, au cas où ce
serait requis.
(e) En conséquence, même si le réclamant
avait établi qu'il avait reçu une transfusion
des produits sanguins à Saskatoon durant la période
visée par les recours collectifs, il a été
incapable d'établir que ni l'un ni l'autre des donneurs
de tels produits était infecté par le virus.
[23] Il n'y a aucune preuve indiquant que l'Administrateur
n'avait pas suivi le protocole approuvée par le tribunal
relativement aux critères de la procédure d'enquête
pour les personnes directement infectées par le VHC.
Ayant procédé ainsi, il a dû appliquer
les dispositions du Régime qui prévoit ce qui
suit :
3.04 Procédure d'enquête
(1) Malgré toute autre disposition du présent
régime, si les résultats d'une procédure
d'enquête démontrent que
aucun des donneurs
ou unités de sang reçues par une personne directement
infectée ou une personne directement infectée
au cours de la période visée par les recours
collectifs n'est ou n'était pas anti-VHC positif,
sous réserve des dispositions du paragraphe 3.04(2),
l'Administrateur doit rejeter la réclamation
(2) Le réclamant peut prouver que la personne directement
infectée
a été infectée pour
la première fois par le VHC par suite d'une transfusion
de sang reçue au Canada au cours de la période
visée par les recours collectifs
en dépit
des résultats de la procédure d'enquête.
Il est précisé pour plus de certitude que les
frais d'obtention de la preuve visant à réfuter
les résultats d'une procédure d'enquête
sont à la charge du réclamant, sauf décision
contraire d'un juge arbitre, d'un arbitre ou d'un tribunal.
[c'est nous qui soulignons]
[24] À cet effet, l'arbitre tient compte d'autres décisions
qui portent sur la présente question, y compris :
Décision de juge - arbitre no 29 confirmée
- le 6 février 2002, John P. Sanderson, c.r., juge
- arbitre, tel que maintenue le 14 juin 2002 par la décision
du tribunal ayant compétence en matière de recours
collectifs (Monsieur le juge Pitfield.)
Décision d'un arbitre no 54 - le 15 août
2002, Vincent R.K. Orchard, arbitre
[25] Le Conseiller du fonds a candidement reconnu qu'il n'y
a eu aucun cas d'arbitre / juge - arbitre ou de tribunaux
à ce jour ayant permis à un réclamant
de " prouver qu'il avait été infecté
par le VHC, par suite à une transfusion sanguine reçue
au Canada durant la période visée par les recours
collectifs, malgré les résultats de la procédure
d'enquête. " Du point de vue d'un arbitre, la question
qui est troublante est celle de savoir comment un réclamant
peut réussir à faire inverser la charge de la
preuve imposée par le paragraphe 3.04(2) du Régime,
étant donné qu'il lui est impossible d'accéder
aux dossiers privés du donneur. Cela demeure une question
à régler plus tard, étant donné
qu'on n'a produit aucune preuve jusqu'à maintenant
dans cette cause qui pourrait permettre à un arbitre
de conclure que le réclamant a " réfuté
les résultats de la procédure d'enquête
". Cela doit être doublement frustrant pour le
réclamant, dû au fait que non seulement il a
établi qu'il avait reçu des produits sanguins
durant la période visée par les recours collectifs
alors qu'il était hospitalisé au Saskatoon City
Hospital en décembre 1989, mais qu'il a également
réussi à établir que ces produits sanguins
avaient en fait subi le test de compatibilité croisée
et avaient été mis de côté à
son intention durant son hospitalisation à l'Hôpital
général Grace de Winnipeg, en août 1988,
également durant la période visée par
les recours collectifs. Cependant, il a malheureusement été
incapable d'établir que les concentrés de globules
rouges reçus au Saskatoon City Hospital étaient
infectés par le VHC ou qu'il avait reçu des
produits sanguins à Winnipeg.
[26] Le réclamant a fourni ses preuves de façon
très franche et directe. Il n'y a aucun doute quant
à sa sincérité de croire qu'il a été
infecté par le VHC suite aux transfusions au Saskatoon
City Hospital. Son honnêteté et son intégrité
tout au long de ce processus méritent seulement du
respect et de l'admiration. Bien qu'on ait été
très tenté de vouloir aider le réclamant,
si les preuves nous avaient permis de le faire dans ce cas,
il n'y avait tout simplement pas de preuves présentées
permettant de modifier les conclusions de ce processus. En
outre, l'arbitre a beaucoup apprécié les efforts
du Centre à retracer les dossiers du réclamant
à Winnipeg, nonobstant le fait que ce dernier ne les
avait pas initialement mentionnés à l'appui
de sa demande et seulement parce qu'ils sont devenus un enjeu
possible après avoir entendu les preuves du réclamant
lors de l'audition en personne. L'arbitre reconnaît
que le Centre ne cherchait pas des moyens de refuser la demande
d'indemnisation du réclamant, mais au contraire, de
coopérer pleinement afin de s'assurer qu'on explore
toutes les avenues d'indemnisation possibles en faveur du
réclamant, conformément au Régime.
[27] Le renvoi doit être rejeté. Le réclamant
n'est pas en droit de recevoir une indemnisation. L'Administrateur
doit évaluer chaque demande et déterminer si
oui ou non la preuve requise existe en faveur d'une indemnisation.
L'Administrateur n'a aucun pouvoir discrétionnaire
d'autoriser une indemnisation s'il n'existe aucune preuve.
La suffisance financière du Fonds dépend de
la capacité de l'Administrateur d'investiguer chaque
demande et de déterminer exactement si le réclamant
est admissible. De façon semblable, un arbitre n'a
également aucune compétence de modifier, d'élargir
ou d'ignorer les dispositions de la Convention de règlement
ou du Régime, ou d'étendre ou de modifier sa
couverture, y compris inverser la charge de la preuve tel
que prévu au paragraphe 3.04(2) du Régime.
D. Décision
[28] Après avoir examiné avec soin la Convention
de règlement, le Régime, les ordonnances des
tribunaux et les preuves soumises par écrit et de vive
voix, je maintiens le refus de la demande d'indemnisation
du réclamant par l'Administrateur.
FAIT à Saskatoon, Saskatchewan, ce 1er jour de novembre
2002.
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DANIEL SHAPIRO, c.r.
Arbitre
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