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Hépatite C - Règlement des recours collectifs
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Renvois : Décisions homologuées par le juge-arbitre : #56 - Le 5 septembre 2002

D É C I S I O N

A. Introduction

[1] Le réclamant a présenté une demande d'indemnisation à titre de personne directement infectée dans le cadre du Régime à l'intention des transfusés infectés par le VHC (" le Régime ").

[2] Le réclamant avait fourni à l'Administrateur une preuve suffisante à l'appui de sa réclamation, à savoir qu'il avait reçu du sang au cours de la période du 1er janvier 1986 au 1er juillet 1990 (" la période visée par les recours collectifs ").

[3] Cependant, dans une lettre en date du 3 mai 2002, l'Administrateur a refusé la réclamation après avoir soigneusement examiné avec l'aide d'un comité de trois (3) évaluateurs supérieurs les pièces soumises à l'appui de celle-ci, pour les raisons suivantes :

Les résultats de votre enquête de retraçage des donneurs a confirmé que le donneur de l'unité de sang qui vous a été transfusée au cours de la période visée par les recours collectifs s'est avéré VHC négatif lors du test à cet effet. À la lumière de cette information, votre réclamation a été refusée. Vous avez indiqué dans votre réponse à notre première lettre que vous enverriez d'autres preuves. Les informations que vous avez soumises ont été examinées et n'ont pas influencé positivement les résultats précédents de votre enquête de retraçage des donneurs. Vous avez fait parvenir une lettre en date du 19 mars 2002 dans laquelle vous demandiez à l'Administrateur de prendre une décision finale relativement à votre réclamation. Ainsi, selon l'article 3.04 du Régime à l'intention des transfusés de la Convention de règlement relative à l'hépatite C (1986-1990), vous ne répondez pas aux critères d'indemnisation et votre réclamation est refusée.

[4] En date du 24 mai 2002, , le réclamant a demandé de saisir un arbitre / juge - arbitre ( " avis de renvoi " ) du refus de sa réclamation par l'Administrateur. Au paragraphe 4 de son avis de renvoi, le réclamant a indiqué qu'il souhaitait un renvoi de la décision de l'Administrateur pour les raisons suivantes :

Ma réclamation a été refusée, et même si les résultats de l'enquête de retraçage des donneurs se sont avérés négatifs, j'ai de l'information qui dit clairement que l'hépatite C peut être transmise par l'albumine. Le Centre des réclamations ne le reconnaît pas parce que l'albumine est trop difficile à détecter. J'ai pu découvrir que l'unité que j'ai reçue provenait de Cutter Pharmaceuticals qui appartient maintenant à la société Bayer. J'ai retracé l'unité au moyen de l'Internet …

[5] Le réclamant a avisé qu'il souhaitait saisir un juge - arbitre plutôt qu'un arbitre et a demandé une audience en personne.

[6] À la demande du juge-arbitre, chaque partie a accepté avec bienveillance de fournir des arguments par écrit, à l'avance.

[7] Voici certains extraits pertinents des arguments du réclamant soumis par écrit :

Après des mois de remplissage de formulaires et de visites chez les médecins, j'ai commencé à obtenir de l'information à l'effet que ma réclamation progressait, et que l'on effectuerait une enquête de retraçage des donneurs, et que j'aurais des nouvelles d'eux bientôt. J'ai continué à téléphoner au Centre des réclamations pour avoir une mise à jour de la situation et chaque fois que je téléphonais, j'obtenais la même réponse : " Nous attendons les résultats de l'enquête de retraçage des donneurs " ou " Nous attendons que l'information soit lue optiquement ". Enfin, au mois d'août 2001, j'ai reçu une lettre par courrier me disant qu'on avait reçu les résultats de l'enquête et que selon le test, le donneur était VHC négatif. Pendant tout ce temps, on me disait que je devrais fournir d'autres preuves ou que ma réclamation serait rejetée. J'ai rédigé une lettre avisant le Centre des réclamations que VOUS POUVEZ EN EFFET ÊTRE INFECTÉ PAR LE VIRUS DE L'HÉPATITE C EN UTILISANT DE L'ALBUMINE…

Je n'ai pas demandé d'avoir cette maladie. J'ai eu la malchance d'avoir reçu par injection des produits sanguins de la Société canadienne de la Croix-Rouge (maintenant appelée la Société canadienne du sang), qui est le seul organisme responsable de la collecte et de l'entreposage du sang total et de nombreux autres produits du sang, y compris l'albumine.

Annexe A, article 1.01, définitions, Régime à l'intention des transfusés infectés par l'hépatite C, Convention de règlement relative à l'hépatite C (1986-1990).

On explique très soigneusement les définitions, jusqu'à la rubrique SANG. CITATION : " Sang " signifie le sang total et les produits sanguins suivants : les concentrés de globules rouges, les plaquettes, le plasma … et les globules blancs. Le sang ne comprend pas l'albumine à 5 %, l'albumine à 25 %, le facteur VIII et la liste continue.

Au début de la citation ci-dessus, on indique clairement PRODUITS SANGUINS. Puis, quelques lignes plus bas, on omet 20 produits sanguins sur 24 produits possibles qu'ils ont énumérés dans la Convention de règlement….

Je crois que la Société canadienne de la Croix-Rouge est le seul organisme responsable du fait que j'ai été infecté par l'hépatite C, et en refusant ma réclamation parce qu'il est trop difficile de retracer l'albumine, en raison des nombreux donneurs, est tout simplement de la paresse de sa part. Le fait que la société considère qu'il est trop difficile de faire quelque chose ne justifie pas le refus de ma réclamation. La Société canadienne de la Croix-Rouge m'a donné cette maladie avec laquelle je devrai vivre pour le reste de ma vie, et même si je n'ai pas contracté la maladie au moyen de sang contaminé, je l'ai eue à travers un autre de ses produits sanguins. Il n'y a absolument rien dans mon passé qui m'aurait mis à risque, puisque je n'ai pas reçu de produits sanguins. Clairement, la Convention de règlement relative à l'hépatite C (1986-1990) me place au niveau 3….
[c'est le réclamant qui a souligné]

[8] Les arguments soumis par écrit du conseiller du Fonds, transmis le 30 juillet 2002, établissent la position de l'Administrateur. L'Administrateur admet que le réclamant a reçu une unité de sang à l'hôpital général d'Hanna en Alberta le 15 octobre 1988 (durant la période visée par les recours collectifs). Cependant, l'enquête de retraçage de l'unité de sang a démontré que le donneur de ce sang était VHC négatif. Par conséquent, le sang reçu par le réclamant le 15 octobre 1998 n'était pas infecté par le virus de l'hépatite C. L'Administrateur a également reconnu que le réclamant avait reçu une unité d'albumine à 25 % de l'hôpital général d'Hanna. En outre cependant, l'Administrateur s'appuie à cet égard sur la définition de " sang " du Régime qui se lit comme suit :
" Sang " signifie le sang total et les produits sanguins suivants : les concentrés de globules rouges, les plaquettes, le plasma (frais congelé et stocké) et les globules blancs. La définition de sang NE comprend PAS :

l'albumine à 5 %, l'albumine à 25 %, le facteur VIII, le facteur VIII porcin, le facteur IX, le facteur VII, l'immunoglobuline anti-cytomégalovirus, l'immunoglobuline anti-hépatitique B, l'immunoglobuline anti RH, l'immunoglobuline antivaricelleuse-antizostérienne, l'immunoglobuline sérique, (FEIBA), FEVII Inhibitor Bypassing Activity, Autoplex (complexe prothrombine), l'immunoglobuline antitétanique, l'immunoglobuline intraveineuse (IVIG) et l'antithrombine III (ATIII).

[soulignement ajouté]

[9] Une audience en personne a été tenue à Saskatoon le 13 août 2002. Le réclamant a témoigné en son propre nom et Carol Miller, coordonnatrice des renvois (appels) du Centre des réclamations (le " Centre des réclamations ") relatives à l'hépatite C (1er janvier 1986 - 1er juillet 1990), a témoigné au nom de l'Administrateur. En fin de compte, l'affaire sera en effet jugée en se basant sur les arguments soumis par écrit et les témoignages des deux parties.

B. Faits, résumé de la preuve

[10] En vertu des modalités de la Convention de règlement (la " Convention de règlement) relative à l'hépatite C (1er janvier 1986 - 1er juillet 1990), la période visée par les recours collectifs est la seule période durant laquelle une indemnisation peut être disponible. De plus, bien qu'il existe plusieurs sources possibles d'infection reliées au virus de l'hépatite C (" VHC "), le Régime ne prévoit une indemnisation que pour les individus qui ont reçu des transfusions de produits sanguins définis au cours de la période visée par les recours collectifs.

[11] Le dossier du Centre des réclamations, comprenant 93 pages, a été présenté comme Pièce 1 lors de l'audience. Dans le formulaire de renseignements généraux à l'intention du demandeur (TRAN 1) en date du 22 août 2000, le réclamant a déclaré qu'il croyait avoir été infecté par le VHC au moyen d'une transfusion sanguine reçue au Canada et qu'il avait reçu 3 transfusions sanguines au cours de la période visée par les recours collectifs. Dans son formulaire de déclaration d'accompagnement (TRAN 3) en date du 28 août 2000 , le réclamant a déclaré qu'au meilleur de ses connaissances, informations et croyances, il avait résidé en Alberta au cours de la période visée par les recours collectifs. En outre, le réclamant a déclaré qu'au meilleur de ses connaissances, informations et croyances, il était "vrai qu'il n'était pas infecté par l'hépatite non-A non-B ou le virus de l'hépatite C avant le 1er janvier 1986 ". Dans la case 4 du formulaire TRAN 3, le réclamant a coché la case " vrai " à côté de la déclaration à l'effet qu'il " n'avait jamais utilisé de drogues intraveineuses vendues sans ordonnance ". Le formulaire du médecin traitant (" TRAN 2 ") a été rempli par le médecin du réclamant le 8 août 2000. La case 2 de la section F a été cochée comme " oui " à la suite de l'énoncé : " Par rapport à la définition de sang, le réclamant a reçu une transfusion sanguine au cours de la période du 1er janvier 1986 au 1er juillet 1990 ". Le médecin a coché la case " non " en réponse à la question : " Le dossier médical de la personne infectée par le VHC indique-t-il de quelque façon qu'elle a été infectée par l'hépatite non-A, non-B ou par l'hépatite C avant le 1er janvier 1986? " Dans la case 1 de la section F, à savoir si le réclamant avait des antécédents de facteurs de risque relativement au virus de l'hépatite C autres qu'une transfusion sanguine au cours de la période visée par les recours collectifs, le médecin traitant a coché la case indiquant " chirurgies ou traumatisme antérieurs importants ". Ce formulaire a également indiqué que le médecin traitant connaissait le réclamant depuis le 6 mars 2000.

[12] La Pièce 2 est une lettre en date du 1er août 2002 de la Société canadienne du sang (SCS) à M. Callaghan, attestant que le pourcentage d'albumine transfusé au réclamant, par numéro de lot et manufacturier (Cutter), était de l'albumine à 25 %. La Pièce 3 est une lettre en date du 29 juillet 2002 de la SCS à Mme Miller établissant les menus détails de la procédure d'enquête entreprise relativement au dossier du réclamant. L'unité de cellules sanguines rouges transfusée au réclamant le 15 octobre 1988 à l'hôpital général d'Hanna a été identifiée par le numéro d'unité et la date de transfusion. On a fait de même pour l'albumine transfusée au réclamant à l'hôpital général d'Hanna le 15 octobre 1988. Puis, la lettre confirme :

Nulle autre unité n'a été identifiée dans les rapports sur les IRT (Rapports sur les infections reliées à des transfusions) comme ayant été transfusée au récipiendaire au cours de la période visée par les recours collectifs. La SCS a confirmé auprès de l'hôpital général d'Hanna que c'était de l'albumine à 25 %. La SCS n'effectue pas d'investigation de retraçage des donneurs sur l'albumine.

Le dossier de la banque de sang de l'hôpital Foothills … indiquait que trois unités ont subi l'épreuve de compatibilité croisée relativement au récipiendaire. Veuillez noter que le rapport sur les IRT reçu de l'hôpital Foothills (ci-joint) indique que le récipiendaire n'a reçu aucune transfusion…

Suite à la réception de l'information sur les transfusions de récipiendaires en provenance des hôpitaux, la SCS de Calgary entre le numéro de l'unité transfusée comme étant l'unité no … dans le système de données sur le sang de la SCS (" base de données BLIS "), un système informatique de suivi des données sur les donneurs de sang. La base de données BLIS permet à la SCS de relier les numéros des unités à leurs donneurs. Le donneur relié à l'unité a été identifié.

Il fut décidé que le donneur relié à l'unité no…, transfusée au cours de la période visée par les recours collectifs, s'est subséquemment avéré VHC négatif suite à un test à cet effet. [Les résultats de tests les plus récents du donneur reliés à la période des recours collectifs étaient datés de 1996-10-31.]

Le test de dépistage que la SCS utilise présentement pour détecter les anticorps de l'hépatite C est celui du dosage enzyme immunologique 3.0 du VHC, qui est utilisé depuis environ le mois de juin 1996. Santé Canada a approuvé l'utilisation de ce test de dépistage au Canada. Lorsque le test a été administré au donneur relié à l'unité no…, c'est la Société canadienne de la Croix-Rouge (SCCR) qui exploitait le système de sang au Canada et qui a testé le donneur…

Le test de dépistage du VHC par dosage enzyme immunologique est extrêmement sensible et détecte occasionnellement des réactions chez les individus qui ne sont pas infectés (" résultats faux positifs ") Si l'un ou l'autre des tests de détection démontre une réaction qui pourrait indiquer une infection, on effectue un autre test de confirmation afin de clarifier le résultat. Les tests de détection effectués dans le cas du donneur relié au don fait durant la période visée par les recours collectifs se sont avérés négatifs. Par conséquent, aucun test de confirmation n'était requis.


[11] La Pièce 4 est une lettre rédigée par le Dr J. J. Changela et fournie par le réclamant, en date du 21 mai 2002, qui dit :

Je soigne ce patient. Il est infecté par le virus de l'hépatite C et a subi une série complète de traitements fournis par le Dr Sylwestrowicz. Il est maintenant en rémission.

L'hépatite C peut être transmise au moyen de produits sanguins, d'injections d'albumine par voies intraveineuses et par d'autres voies de transmission importantes…
[c'est nous qui soulignons]

[12] Mme Miller a témoigné à l'effet que l'albumine est un constituant dérivé du sang fabriqué par des établissements pharmaceutiques comme Cutter et Bayer, à partir de protéine de sang fournie par de nombreux donneurs. Elle ne requiert pas d'épreuve de compatibilité croisée et fournit rapidement des solutions utiles. Elle est entreposée dans ce qui semble être de vieilles bouteilles de soluté. Alors que la question est discutable, il y a beaucoup de preuves médicales à l'appui du fait que l'albumine ne soit pas un agent de transmission du VHC. À cet égard, Mme Miller a fait référence à la décision d'arbitre no 23 du 23 novembre 2001 de l'arbitre Vincent Orchard qui résume le témoignage donné lors de cette audience par le Dr G.H. Growe, chef de la Division de l'hématopathologie et directeur médical des Services de transfusion de sang au Vancouver General Hospital and Health Sciences Centre. Au paragraphe 13, la décision se lit comme suit :

… le Dr Growe a admis qu'il n'est pas absolument impossible que l'albumine aurait pu être infectée par le virus et le montant d'albumine administré pourrait ne pas être pertinent; cependant, l'albumine est un produit sanguin qui n'est pas connu comme étant relié à l'hépatite C ou à tout autre virus transmis. … Il croit qu'étant donné que l'albumine et la streptokinase ont été utilisées et vendues partout au Canada, s'il y avait eu des poussées épidémiques de virus chez les patients à qui on a administré ces produits, elles auraient été portées à l'attention du public ou auraient été cause d'enquête.

[13] Lors de l'examen de la Pièce 2, Mme Miller a souligné que l'hôpital d'Hanna avait en effet confirmé que le réclamant avait reçu une unité de 100 ml provenant d'un lot numéroté spécifié contenant de l'albumine à 25 % le 15 octobre 1988. Le rapport sur les IRT confirme que le réclamant a également reçu du concentré de globules rouges à la même date provenant d'un donneur qui s'est avéré VHC négatif à la suite d'un test à cet effet.

[14] En contre-interrogatoire, le réclamant a exprimé ses préoccupations quant à ce qu'il a perçu comme des délais anormaux de la part du Centre à effectuer l'enquête de retraçage des donneurs. Mme Miller a fait référence au Protocole approuvé par le tribunal contenant les critères portant sur la procédure d'enquête qui accorde un délai de six mois. Dans le présent cas, on n'a pas commencé à calculer la période de temps avant que le Centre ait eu en main tous les renseignements dont il avait besoin. Dans le présent cas le médecin du réclamant avait coché la case du formulaire TRAN2 qui indiquait " importantes chirurgies ou traumas préalables ". En outre, une cheville fracturée et le remplacement d'une hanche brisée subi par le réclamant constituaient des facteurs de risque. Il a donc fallu effectuer une autre investigation.

[15] Le réclamant a également demandé à Mme Miller comment il était possible de conclure, à partir du test de 1996 du donneur du concentré de globules rouges en question, que ce dernier n'était pas infecté par le virus au moment de la transfusion en 1988. Il a demandé que le donneur subisse un nouveau test. Mme Miller a répondu que si le donneur était exempt de l'anticorps du virus en 1996, il ou elle n'avait donc jamais été infecté (e ) par le virus auparavant. Un nouveau test administré au donneur serait maintenant inutile, car même si le donneur s'était maintenant avéré VHC positif, cela n'affecterait aucunement son statut à cet effet en 1996 ou plus tôt.

[16] Dans son témoignage, le réclamant a indiqué que lorsqu'il avait 4 ans, il avait été renversé par une voiture que sa soeur avait alors désembrayée, ce qui avait lui nécessité une chirurgie plastique au visage. Il a témoigné également que le 15 octobre 1988, alors qu'il était employé de pipelines près de l'hôtel d'Hanna et qu'il conduisait un véhicule en route vers Drumheller, on lui avait rapporté subséquemment qu'il s'était endormi au volant et qu'il avait subi de sérieuses blessures. Il ne s'est souvenu de rien durant son hospitalisation à Hanna. Il se souvient qu'il s'était réveillé dans l'ambulance aérienne en route vers l'hôpital Foothills de Calgary. Il est demeuré à l'hôpital durant 6 semaines souffrant d'une facture du côté droit du bassin et de la hanche (ce qui a requis la pose de 6 vis), d'une paralysie partielle et d'une fracture à la main et au pied. On lui a remplacé les os de quatre orteils par des " orteils en acier ". En février 1996, le réclamant a dû subir une chirurgie de remplacement de la hanche à l'hôpital de l'Université de l'Alberta à Edmonton. Il a ressenti de la fatigue et il est tombé malade à l'été de 1999 ou 2000 et par la suite, il a subi de nombreux tests qui ont malheureusement confirmé la présence du VHC. Il a téléphoné à l'hôpital Foothills et a été informé qu'il n'avait reçu aucun produit sanguin à cet endroit. Il a téléphoné à l'hôpital Hanna et on l'a informé que l'hôpital détruisait ses dossiers médicaux après 10 ans et que le sien n'était plus disponible. Il est présentement en rémission.

C. Analyse

[17] Voici les constatations des faits pertinents dans la présente cause :

(a) Le réclamant est infecté par le virus de l'hépatite C.
(b) La source probable d'une telle infection n'a pas été établie comme preuve.
(c) Le réclamant a en effet reçu une unité du 100 ml d'albumine à 25 % à l'hôpital d'Hanna le 15 octobre 1988.
(d) Même s'il a reçu une transfusion de concentrés de globules rouges à Hanna le 15 octobre 1988, l'enquête de retraçage du donneur a révélé que ce dernier s'était avéré VHC négatif, selon le test de détection des anticorps, en utilisant le test le plus avancé disponible, à savoir celui du dosage enzyme immunologique général 3.0.
(e) Le réclamant n'a pas reçu de produits sanguins alors qu'il avait été subséquemment hospitalisé durant six semaines à l'hôpital Foothills de Calgary.
(f) En conséquence, alors que le réclamant a établi qu'il avait reçu une transfusion de produits sanguins durant la période visée par les recours collectifs, il a été incapable d'établir que le donneur de tels produits était infecté par le virus.

[18] Bien que l'avis de renvoi du réclamant portait sur la question de l'albumine, lors de l'audience, ce dernier a continué à exprimer des préoccupations au sujet de la procédure d'enquête touchant le concentré de globules rouges. Il faut donc traiter des deux questions.

[19] Il est hors de tout doute que la compétence d'un juge-arbitre d'accorder une indemnisation à un réclamant est limitée par la définition du terme " sang " selon l'article 1.01 du Régime. Nonobstant le point de vue du Dr Changela à l'effet que le VHC peut être transmis au moyen d'injections d'albumine par voies intraveineuses, l'albumine à 25 % est spécifiquement exclue de la définition du terme "sang ". Le libellé du Régime est tout à fait clair que les auteurs n'avaient pas l'intention d'inclure l'albumine à 25 % dans la gamme des produits potentiellement indemnisables.

[20] Cette limite de compétence d'un arbitre ou d'un juge - arbitre en vertu du Régime est réitérée dans les cas suivants qui ont tous résulté en un refus inévitable de tout droit à des bénéfices en vertu du Régime lorsque les produits reçus par le réclamant étaient spécifiquement exclus de la définition du terme " sang " dans le libellé du Régime :

Décision d'arbitre no 23 en date du 23 novembre 2001 (Vincent R.K. Orchard, arbitre) concernant l'administration de streptokinase, une enzyme utilisée pour dissoudre les caillots sanguins en suspension chimique dans l'albumine.

Décision de juge-arbitre no 3 non confirmée en date du 1er juin 2001 (Reva Devins, juge-arbitre), concernant la réception de gammaglobulines RH, un autre produit exclu de la définition du terme " sang " dans le libellé du Régime.


Décision du juge-arbitre no 6 non confirmée en date du 11 juin 2001 (Shelly L. Miller, c.r.), concernant la réception de gammaglobuline IV (également connue sous le nom de gammaglobuline intraveineuse), un autre produit spécifiquement exclus de la définition du terme " sang ".

[21] En fin de compte, la demande de renvoi du réclamant doit être rejetée dans la mesure où il a appuyé sa réclamation sur la réception d'albumine.

[22] En ce qui concerne les préoccupations du réclamant relativement à l'enquête de retraçage des donneurs, certaines pourraient avoir été traitées à sa satisfaction selon le témoignage de Mme Miller. De toute façon, le réclamant semble s'être appuyé davantage sur la question de l'albumine. L'Administrateur s'en est tenu au Protocole approuvé par le tribunal qui contient les critères portant sur la procédure d'enquête pour les personnes directement infectées. En procédant ainsi, il a dû appliquer les dispositions du libellé du Régime qui stipule :

3.04 Procédure d'enquête

(1) Malgré toute autre disposition du présent régime, si les résultats d'une procédure d'enquête démontrent que… aucun des donneurs ou des unités de sang reçues par une personne directement infectée ou une personne directement infectée…au cours de la période visée par les recours collectifs n'est ou n'était pas anti-VHC positif, sous réserve des dispositions du paragraphe 3.04(2), l'Administrateur doit rejeter la réclamation …
(2) Le réclamant peut prouver que la personne directement infectée… a été infectée pour la première fois par le VHC par suite d'une transfusion de sang reçue au Canada au cours de la période visée par les recours collectifs … en dépit des résultats de la procédure d'enquête. Il est précisé pour plus de certitude que les frais d'obtention de la preuve visant à réfuter les résultats d'une procédure d'enquête sont à la charge du réclamant, sauf décision contraire d'un juge-arbitre, d'un arbitre ou d'un tribunal. [C'est nous qui soulignons]

[23] Le conseiller du Fonds a candidement reconnu qu'il n'y avait pas à ce jour de cas d'arbitre / de juge-arbitre ou des tribunaux ayant permis à un réclamant de " prouver qu'il avait été infecté par le VHC, suite à une transfusion sanguine reçue au Canada au cours de la période visée par les recours collectifs, nonobstant les résultats de la procédure d'enquête ". Du point de vue d'un juge-arbitre, on peut se demander avec préoccupation comment un réclamant peut réussir à faire inverser le fardeau de la preuve imposée par l'article 3.04(2) du libellé du Régime, étant donné qu'il n'a pas accès aux dossiers privés du donneur. Cette question demeure non résolue une autre fois, car, étant donné que le réclamant a surtout appuyé sa cause sur la question de l'albumine à 25 %, il n'a tout simplement pas présenté de preuves dans le cas présent qui permettraient à un juge - arbitre de conclure que le réclamant avait " réfuté les résultats de la procédure d'enquête ". Cela doit être doublement frustrant pour le réclamant, car non seulement a-t-il établi qu'il avait reçu de l'albumine à 25 % au cours de la période visée par les recours collectifs, mais il a en fait été en mesure d'établir l'exigence seuil à l'effet qu'une transfusion sanguine avait été reçue au cours de la période visée par les recours collectifs. Cependant, malheureusement pour le réclamant, il n'a pas été en mesure d'établir que les concentrés de globules rouges ainsi reçus étaient infectés par le VHC. Par conséquent, alors que nous serions fortement tenté de vouloir aider le réclamant, si la preuve nous le permettait dans le cas présent, il n'y avait tout simplement pas assez de preuve qui nous permettrait de modifier la conclusion de ce processus. Dans la mesure où le réclamant appuie toujours son renvoi sur la transfusion de concentrés de globules rouges, celui-ci doit être rejeté.

[24] Le réclamant n'a pas le droit à une indemnisation. L'Administrateur a l'obligation d'examiner chaque réclamation et de décider s'il existe ou non une preuve en vue d'une indemnisation. L'Administrateur n'a pas la discrétion d'accorder une indemnisation lorsque la preuve requise n'existe pas. La suffisance financière du Fonds dépend d'un examen minutieux de chaque réclamation par l'Administrateur qui doit décider si le réclamant est admissible. De la même manière, un juge-arbitre n'a pas la compétence de modifier, d'élargir ou d'ignorer les modalités de la Convention de règlement ou du Régime ou d'en élargir ou d'en modifier la couverture, que ce soit relativement à la définition du terme " sang " au sujet de la question de l'albumine à 25 % ou de l'inversion du fardeau de la preuve selon l'article 3.04(2) du libellé du Régime.

D. Décision

[25] Après avoir soigneusement examiné la Convention de règlement, le Régime, les ordonnances des tribunaux et les preuves orales et documentaires, je maintiens par la présente le refus de la demande du réclamant par l'Administrateur.

Fait à Saskatoon en Saskatchewan, ce 5e jour de septembre 2002.


________________________________
DANIEL SHAPIRO, c.r.
Juge-arbitre


 

Déni de responsabilité