Renvois : Décisions
homologuées par le juge arbitre : #110 - Le 4 septembre
2003
Décision du tribunal compétent en matière de recours collectifs - le 19 mai 2006
D É C I S I O N
A. Introduction
[1] Le réclamant a présenté une demande
d'indemnisation à titre de personne directement infectée
en vertu du Régime à l'intention des transfusés
infectés par le VHC (" le Régime ").
[2] Cependant, par lettre en date du 18 novembre 2002, l'Administrateur
a rejeté la réclamation après avoir examiné
soigneusement la documentation fournie à l'appui de
celle-ci, avec un comité de trois (3) évaluateurs
principaux, pour les raisons suivantes :
Les résultats de votre procédure d'enquête
ont confirmé que les donneurs du sang qui vous a été
transfusé au cours de la période visée
par les recours collectifs se sont avérés négatifs
suite au test de détection des anticorps du VHC. À
la lumière de cette information, votre réclamation
a été rejetée. Vous avez indiqué
dans votre réponse à notre première lettre
que vous nous feriez parvenir d'autres preuves. Dans votre
cas, tel qu'indiqué précédemment, aucune
autre preuve n'a été reçue. Par conséquent,
selon le paragraphe 3.04 du Régime à l'intention
des transfusés infectés par le VHC de la Convention
de règlement relative à l'hépatite C
(1986-1990), votre réclamation est rejetée.
[3] Au moyen d'une demande de renvoi (" avis d'appel
") datée du 22 novembre 2002, le réclamant
a demandé qu'un arbitre ou un juge arbitre soit saisi
du refus de sa réclamation par l'Administrateur.
[4] Au paragraphe 4 de sa demande de renvoi, le réclamant
a indiqué qu'il souhaitait faire examiner la décision
de l'Administrateur pour les raisons suivantes :
Après l'avis d'approbation, les donneurs sont opportunément
apparus après deux ans, soit le jour où on devait
me faire parvenir un chèque. Je trouve que l'apparition
soudaine de ces donneurs était trop opportune.
[5] Le réclamant a indiqué qu'il souhaitait
qu'un juge arbitre soit saisi de son cas et a demandé
la tenue d'une audience en personne. La date de l'audience
a d'abord été prévue pour le 11 avril
2003. Le 11 avril 2003, le réclamant a fait savoir
qu'il ne pouvait pas se présenter ce jour-là.
L'audience a donc été reportée au 21
mai 2003.
[6] Les observations écrites de la Conseillère
du Fonds, datées du 9 avril 2003, établissaient
la position de l'Administrateur. L'Administrateur est d'accord
que le réclamant a été hospitalisé
au St. Paul's Hospital à Saskatoon le 2 décembre
1999 afin de subir une septorhinoplastie. Six unités
de sang ont subi le test de compatibilité croisée
et ont été transfusées. Les observations
se poursuivent comme suit :
6. Le Régime définit la procédure
d'enquête comme étant une " procédure
de recherche et d'enquête ciblée des donneurs
et/ou des unités de sang reçues par une
personne infectée par le VHC ". |
|
7. La Société canadienne du sang ("
SCS ") a effectué la procédure d'enquête
et a transmis un rapport à l'Administrateur le
14 décembre 2000. À cette date, la SCS avait
terminé la procédure d'enquête en
rapport avec trois des unités de sang et le résultat
de chaque unité s'était avéré
négatif. (Dossier de réclamation, pages
49 et 50) |
|
8. Le 6 avril 2001, la SCS a fourni un autre rapport
à l'Administrateur sur l'état de la procédure
d'enquête. À cette étape, on a jugé
la procédure d'enquête non concluante, étant
donné que la SCS n'était pas en mesure de
terminer le retraçage des six unités. (Dossier
de réclamation, pages 53 et 54). Cependant, la
SCS a reçu ultérieurement des renseignements
complets et a fait rapport à l'Administrateur le
22 mai 2001 sur toutes les unités de sang. Le donneur
de chaque unité de sang s'est avéré
négatif suite au test de détection des anticorps
du VHC . Par conséquent, le sang n'était
pas la source de l'infection (du réclamant). (Dossier
de réclamation, pages 59 et 60) |
|
9. La SCS a expliqué la procédure d'enquête
et les résultats dans une lettre datée du
5 décembre 2001. Deux des unités de sang
avaient été soumises au test EIA (essai
immunoenzymatique) de détection des anticorps du
VHC, version 2. Les quatre autres unités de sang
avaient été soumises au test EIA (essai
immunoenzymatique) de détection des anticorps du
VHC, version 3.0. Au moment de leur utilisation, les deux
tests avaient été approuvés pour
utilisation au Canada par Santé Canada. (Dossier
de réclamation, pages 69-72) |
|
10. Les tests de détection des anticorps du VHC
selon l'essai immunoenzymatique sont extrêmement
sensibles. Nous nous référons aux preuves
de la SCS dans le renvoi no 1400889. |
[7] Une audience en personne a eu lieu à Saskatoon
le 21 mai 2003. Le réclamant a témoigné
en son propre nom et Carol Miller, la Coordonnatrice des demandes
de renvoi et d'arbitrage au Centre des réclamations
relatives à l'hépatite C (1er janvier1986 au
1er juillet 1990 (le " Centre des réclamations
") a témoigné au nom de l'Administrateur.
La cause sera donc jugée en fonction des arguments
écrits et témoignages présentés
par les parties, avec certains éléments d'information
obtenus après l'audition et dont nous parlerons plus
loin.
B. Faits et sommaire de la preuve
[8] En vertu des dispositions de la Convention de règlement
relative à l'hépatite C du 1er janvier 1986
au 1er juillet 1990 (la " Convention de règlement
") et du Régime, la période visée
par les recours collectifs est la seule période où
une indemnisation peut être disponible. En outre, bien
qu'il existe plusieurs sources possibles d'infection par rapport
au virus de l'hépatite C ("VHC "), le Régime
n'indemnise que les personnes ayant reçu des transfusions,
au cours de la période visée par les recours
collectifs, de produits sanguins définis pour lesquels
les donneurs ont subi le test de détection des anticorps
du VHC et se sont avérés VHC positifs.
[9] Dans le formulaire de renseignements généraux
du réclamant (TRAN 1) daté du 30 juin 2000,
le réclamant a déclaré qu'il croyait
avoir été infecté par le VHC à
la suite d'une transfusion sanguine reçue au Canada
au cours de la période visée par les recours
collectifs. Il a affirmé avoir reçu une transfusion
sanguine au Canada durant la période visée par
les recours collectifs et aucune autre transfusion par la
suite. Dans le formulaire de déclaration (TRAN 3) qui
l'accompagnait et daté du 29 juin 2000 , le réclamant
a ajouté qu'au meilleur de ses connaissances et croyances,
il était " vrai " qu'il " n'était
pas été infecté par le virus de l'hépatite
non-A non-B ou de l'hépatite C avant le 1er janvier
1986 ". Dans la case 4 du TRAN 3, le réclamant
a coché la case " vrai " à côté
de la déclaration à l'effet qu'il " n'a
jamais utilisé de drogues intraveineuses sans ordonnance
". Le médecin du réclamant, le Dr T, a
rempli le formulaire du médecin traitant (" TRAN
2 ") le 13 juin 2000. Dans la section F, il a coché
" oui " à la case 2 après l'énoncé
: " D'après la définition de sang, le réclamant
a-t-il reçu une transfusion sanguine durant la période
entre le 1er janvier 1986 et le 1er juillet 1990 ". Le
médecin a ajouté que cette information était
" en 1989, selon les dossiers - je n'ai pas ces dossiers
". Le médecin a coché " non "
en réponse à la question : " Y a-t-il une
indication quelconque dans les antécédents médicaux
de la personne infectée par le VHC à l'effet
qu'elle a été infectée par l'hépatite
non-A, non-B ou le VHC avant le 1er janvier 1986? " Dans
la section F, à la case 1 demandant si le réclamant
avait des antécédents de facteurs de risque
reliés au VHC sauf dans le cas des transfusions de
sang durant la période visée par les recours
collectifs, le médecin a indiqué " aucun
". Ce formulaire indiquait également que le médecin
connaissait le réclamant depuis 21 mois.
[10] La tournure inattendue dans ce dossier remonte au rapport
de cinq mois de la SCS au Centre en date du 6 avril 2001 .
Il comprend les résultats de l'enquête de retraçage
relative aux donneurs des unités de sang transfusées
au réclamant, et indique que les donneurs de trois
des six unités de sang transfusées se sont avérés
négatifs. Toutefois, il n'y a aucun résultat
sur les trois autres unités. Dans un des cas, il y
a une note indiquant : " lettre reçue, aucun résultat
présenté ". Dans les deux derniers cas,
la note dit tout simplement : " lettre envoyée
- aucune réponse ". Dans la deuxième lettre
d'envoi du 6 avril 2001 au Centre, la SCS dit : " Cette
enquête de retraçage est jugée non concluante
". Dans le cas de résultats non concluants lorsqu'on
établit qu'il y a eu une transfusion de sang durant
la période visée par les recours collectifs,
on accorde le bénéfice du doute au réclamant.
Étant donné la situation, en avril 2001, le
Centre a fait parvenir une lettre au réclamant, y compris
une quittance entière et définitive que ce dernier
a remplie le 1er mai 2001 et a retournée au Centre
le 2 mai 2001. La réclamation a été approuvée
au niveau 3 de la maladie tout comme un paiement forfaitaire
de 57 283,21 $. Alors que le Centre s'apprêtait à
réquisitionner la demande de chèque à
transmettre au réclamant le 12 mai 2001, la SCS a fourni
d'autres renseignements sur l'enquête de retraçage
comprenant des renseignements supplémentaires du programme
de retraçage régulier de la SCS. À cette
date, on indiquait que chacune des trois unités pour
lesquelles aucune information n'avait été disponible
auparavant avait maintenant été retracée
et que les donneurs étaient négatifs. À
la lumière de cette nouvelle information, comme le
chèque n'avait pas encore été transmis
au réclamant, le Centre a écrit à ce
dernier l'avisant qu'on annulait l'approbation préalable
de la réclamation qui s'appuyait sur des résultats
d'une enquête de retraçage non concluante et
qu'il était maintenant devenu nécessaire de
refuser la réclamation. Le réclamant a été
invité à présenter d'autres preuves réfutant
les résultats finaux de l'enquête de retraçage.
Le réclamant n'a fourni aucune autre preuve supplémentaire
au Centre en vue de réfuter les résultats.
[11] Dans la lettre du 12 mai 2001 de la SCS au Centre, on
avait préparé un tableau comprenant le numéro
de chacune des six unités ainsi que la date de transfusion
et indiquant que l'établissement où les tests
de sang avaient eu lieu était celui de la SCCR, le
Sask. Health ou le Saskatoon District Health, après
quoi la lettre contenait l'énoncé suivant :
Les numéros des unités mentionnées
plus haut ont été entrés dans le système
de données sur le sang de la SCS (" base de données
BLIS "), un système informatisé qui retrace
les données sur les donneurs de sang. Le système
BLIS permet à la SCS de retracer les donneurs à
partir des numéros des unités. Les donneurs
associés à chacun des numéros d'unités
indiqués plus haut ont été retracés.
On a conclu que trois des donneurs associés aux produits
mentionnés plus haut avaient été testés
lors de dons de sang ultérieurs. Les trois autres donneurs
ont été avisés et ont soumis des résultats
de test. ...
Lorsqu'on a effectué des tests sur les donneurs associés
aux unités A 722934-2 et A 722791-8, la Société
canadienne de la Croix-Rouge (" SCCR " ) était
responsable du système de sang au Canada.
Le test de dépistage que la SCS utilise présentement
en vue de détecter la présence des anticorps
de l'hépatite C est l'essai immunoenzymatique de détection
des anticorps du VHC, version 3.0 (test EIA 3.0) qu'on a commencé
à utiliser en ou vers juin 1996. Avant cette date,
la SCCR utilisait le test EIA 2.0. Au moment de leur utilisation,
Santé Canada avait approuvé l'utilisation de
chacun d'eux au Canada. Pour les besoins du programme de retraçage,
la SCS utilise les tests EIA 2.0 et EIA 3.0 pour détecter
le VHC.
Pour les besoins de son programme d'enquêtes de retraçage,
la SCS utilise les résultats du test des anticorps
du VHC effectué par des laboratoires de test en dehors
de la SCS, notamment la Saskatchewan Health et le Saskatoon
District Health. Saskatchewan Health nous a informé
qu'en 2001, au moment de vérifier les donneurs associés
aux unités A 726736-6 et A 726709-9, son laboratoire
utilisait le test Abbott AxSYM HCV 3 version 1.00.1 immuno-assay.
Le Saskatoon District Health a indiqué qu'en 1999,
au moment de tester le donneur associé à l'unité
A 726693-4, il utilisait le test IMX HCV 3.0 immuno-assay.
[12] Madame Horkins a déposé une mise à
jour des renseignements médicaux sur l'hépatite
C de la Fondation canadienne du foie qui fournit des détails
sur les sources possibles d'infection par le VHC, ainsi que
l'énoncé suivant : " Selon les données
des É.-U., dans 10 % des cas d'hépatite C, on
ne peut retracer la source de l'infection ". Elle a également
fourni un article intitulé " Enhanced surveillance
of acute hepatitis B and C in four health regions in Canada,
1998 to 1999 ", Shimian Zou et al, Can J Infect Dis Vol
12 No 6 November/December 2001 où, en page 361, on
précise que la source inconnue d'infection s'établit
à 20,8 %.
[13] Au début de l'audience en personne, madame Horkins
a également remis une copie des motifs du jugement
de monsieur le juge Pitfield de la Colombie-Britannique publié
le 9 mai 2003, dans la cause de la réclamation numéro
1300593, qui traite des dispositions sur : " l'inversion
de la charge de la preuve " ou sur les dispositions du
" nonobstant " du paragraphe 3.04 de la Convention
de règlement. Pour être juste, madame Horkins
a invité le juge arbitre et le réclamant à
prendre le temps d'examiner cette décision avant de
présenter des preuves, car elle estimait que ce cas
indiquait que le réclamant devait présenter
une preuve très convaincante pour se prévaloir
de cette clause. À son avis, le cas requiert que le
réclamant apporte une preuve médicale pour à
peu près chacun de ses antécédents médicaux,
et que le Régime n'avait pas le fardeau de chercher
une telle preuve.
[14] Comme témoignage de vive voix, madame Miller
a témoigné sur le processus utilisé pour
vérifier le dossier du réclamant, y compris
l'obligation de ce dernier d'établir : (a) une preuve
qu'il avait reçu des produits de sang durant la période
visée par les recours collectifs (ce que le réclamant
a pu faire ici) et (b) une enquête de retraçage
donnant un résultat positif (ce que le réclamant
n'a pas réussi à faire ici). Elle a en outre
présenté un témoignage sur le protocole
relatif à la procédure d'enquête tel qu'approuvé
par les tribunaux. Parfois, un réclamant obtient ses
propres dossiers de santé avec les numéros des
unités inscrits ou on peut demander à la SCS
de produire les dossiers de la banque de sang. On ne peut
effectuer les enquêtes de retraçage que lorsque
le réclamant s'est avéré positif. La
SCS peut entrer dans le système et accéder aux
renseignements sur les donneurs - p. ex., sont-ils VHC positifs
ou non? Si, d'une manière ou d'une autre, il n'y a
aucun dossier, la SCS retrace le donneur et fixe une date
de test. Ici, chacun des donneurs s'est avéré
VHC négatif. Même si on a effectué les
tests aussi loin dans le temps qu'en 1993 et aussi tôt
qu'en 2001, le donneur aurait toujours été porteur
du VHC, s'il avait déjà été positif.
Si le donneur ne portait pas l'anticorps au moment du test,
c'est qu'il n'avait donc jamais porté le virus auparavant.
Madame Miller a fait référence à une
lettre du médecin du réclamant, le Dr T., datée
du 28 mai 1998 qui précisait :
Ce monsieur a reçu six unités de globules concentrées
à la suite de saignements dus à une chirurgie
subie en décembre 1989. Il ne présente aucun
autre risque connu relié à l'hépatite
C, et à la demande récente de la Croix-Rouge,
il a été testé et trouvé anti-VHC
positif. Si vous désirez obtenir une documentation
plus détaillée à ce sujet, n'hésitez
pas à communiquer avec moi.
[15] Selon les résultats positifs du test ACP et de
la biopsie du foie, ajoutés aux renseignements fournis
jusqu'à cette date par le réclamant et son médecin,
compte tenu des constatations non concluantes de trois des
six unités de sang transfusé, on a jugé
qu'il y avait suffisamment de preuves pour obtenir une indemnisation
au niveau 3 et on a approuvé la réclamation
sur cette base. Madame Miller a témoigné que
les donneurs ne sont pas testés pour le virus (qui
peut être éliminé ou peut apparaître,
puis disparaître), mais plutôt pour l'anticorps
du VHC qui demeure avec vous pour la vie. En réponse
aux questions du réclamant, madame Miller a signalé
que le test pour le virus vous donne une image de ce qui se
passe un jour donné chez le donneur, alors que le test
pour l'anticorps révèle l'état passé
du donneur. Elle a en outre témoigné à
l'effet que la SCS suivait des règles strictes pour
les enquêtes de retraçage et le test fiable GEN
2 ou 3 approuvé par Santé Canada. Tous les tests
effectués après 1996 le sont au moyen du GEN
3. En outre, madame Miller a témoigné que si
un des donneurs n'avait pas répondu ou n'avait pas
été testé, étant donné
la présomption en faveur du réclamant lorsqu'on
a établi que la transfusion a été effectuée
durant la période visée par les recours collectifs,
le test aurait été jugé non concluant
et on aurait versé l'indemnisation au réclamant.
Le Programme d'avis de litige (PAL) est complété
à l'intérieur de six mois. C'est Santé
Canada et non pas le Centre qui a effectué l'enquête
de retraçage en mai 2001 et qui a fourni de nouveaux
renseignements au sujet des trois unités en rapport
avec lesquelles aucune réponse n'avait été
fournie précédemment. Lorsque le Centre a reçu
les renseignements à l'effet que les six donneurs s'étaient
en fait tous avérés négatifs, il a dû
rejeter la réclamation. En réponse à
d'autres questions du réclamant, madame Miller a témoigné
que même les procédures de test de 1993 sont
considérées fiables et il n'y a aucun fondement
raisonnable permettant de suggérer que les donneurs
testés en 1992 et en 1994 devraient être testés
de nouveau en utilisant le test GEN 3. En réponse aux
questions du juge arbitre, madame Miller a témoigné
que la chirurgie en question a causé beaucoup de saignement,
car une transfusion de six unités de sang est un volume
important.
[16] Le réclamant a ensuite présenté
son témoignage. Il est né en Ontario et a grandi
sur une ferme dans la vallée de l'Outaouais. Il buvait
autrefois mais ne boit plus. Il a quitté l'école
à l'âge de 16 ans et est devenu ouvrier de la
construction. Il est déménagé en Saskatchewan
il y a 25 ans, alors qu'il avait 23 ans. Il est présentement
employé comme conducteur de niveleuse pour la R.M.
où il réside. Il ne s'adonne plus à l'agriculture.
Il a travaillé pendant un certain nombre d'années
comme surintendant d'une piste de course de chevaux. Il a
aussi travaillé comme mineur dans le nord de la Saskatchewan.
Quant à ses antécédents médicaux,
il se rappelle avoir subi une appendicectomie à l'âge
de neuf ans, en Ontario. Il a connu une " adolescence
normale ", il a travaillé fort et s'est beaucoup
amusé. Il n'a pas subi de tatouages, de perçages
du corps ou utilisé de drogues intraveineuses. À
l'âge de 17 ou 18 ans, il a été impliqué
dans un accident qui a requis de 10 à 12 points de
suture à l'arrière de la tête. Il s'est
cassé le bras à quelques reprises, mais rien
qui ait exigé des séjours prolongés à
l'hôpital. Ses seuls congés de travail ont été
pour des blessures au dos. Il est marié avec deux enfants,
l'un âgé de 20 ans et l'autre, de 17 ans, chacun
étant en bonne santé, sauf que l'un d'eux souffre
de troubles d'ossature. Sa femme a été testée
et est exempte du VHC. Il a eu d'autres partenaires sexuels
avant d'épouser sa femme il y a 20 ans, mais aucune
autre partenaire qu'elle depuis. Il ne connaît personne
dans son cercle d'amis, dans sa famille ou chez des personnes
avec qui il a eu des contacts qui soit atteint du VHC. Il
n'avait jamais entendu parler du VHC jusqu'à ce qu'il
reçoive sa lettre lui demandant d'aller subir le test
en 1999. Son état de santé est bon à
l'heure actuelle. Il a été inoculé régulièrement
et a fait référence à la clinique médicale
de Saskatoon où il est allé. Il a décrit
l'incident malheureux de décembre 1989 qui a exigé
une chirurgie nécessitant la transfusion des six unités
de sang. Il avait été battu sévèrement
lors d'une réception et avait subi un coup au nez.
Depuis cette chirurgie, son dossier médical a consisté
en une blessure au pied et des blessures mineures comme des
entorses aux chevilles ou aux pieds. Il a également
subi un coup à la tête en 1996 ou 1997 alors
qu'il était au travail et il a perdu 17 dents qui ont
requis des points de suture, mais il n'a manqué que
quelques heures de travail à cette occasion. Il s'est
également fait extraire deux dents de sagesse, il y
a quatre ou cinq ans. Il croit que son omnipraticien avant
le Dr T. a transmis tous ses dossiers au Dr T. Son infectiologue
n'a pas exprimé d'avis à savoir comment il croyait
que le réclamant avait contracté le VHC, mais
il a indiqué qu'il y avait d'autres façons de
contracter le VHC que par des transfusions de sang. Questionné
par madame Horkins, le réclamant a reconnu qu'il avait
été brièvement incarcéré
une fois ou deux, seulement pour la nuit, pour infractions
au code de conduite reliées à l'alcool.
[17] A la fin de l'audition, il y a eu une discussion sur
les antécédents médicaux du réclamant.
Étant donné la nature de la chirurgie qui s'est
produite durant la période visée par les recours
collectifs et les multiples unités de sang transfusées
au réclamant, pour ne laisser aucune question en suspens
dans l'examen de la demande d'indemnisation du réclamant,
le juge arbitre a estimé qu'il fallait prendre des
mesures pour obtenir au moins le dossier médical complet
du réclamant en possession du Dr T. qui comprendrait
présumément également les dossiers du
médecin que le réclamant avait consulté
auparavant. Selon ce que ces dossiers révéleraient,
l'une et l'autre des parties pourrait trouver utile d'examiner
ou de demander d'autres dossiers. Madame Horkins a en outre
indiqué qu'elle pourrait vouloir présenter d'autres
observations en ce qui a trait à la fiabilité
des tests GEN 2 et GEN 3.
[18] Le 29 mai 2003, le juge arbitre a écrit la lettre
suivante au Dr T. :
Je désire vous informer que je suis le juge arbitre
nommé pour déterminer si (le réclamant)
a droit à certaines indemnisations.
Dans le but de m'aider à prendre une décision
en la matière, j'apprécierais recevoir des copies
de votre fiche et dossier médical au sujet du (réclamant),
y compris la correspondance envoyée et reçue,
y compris toute fiche médicale qui vous a été
transmise par l'ancien médecin du (réclamant).
Je ne vous demande pas de rapport médical/légal
à ce moment.
J'inclus le consentement du (réclamant) vous permettant
de me divulguer ces renseignements. En outre, je m'engage
à défrayer vos coûts raisonnables de photocopies
et de postes.
Je vous remercie de votre aide en la matière.
[19] Le Dr T. a transmis sa fiche le 9 juin 2003, dont copies
ont également été transmises à
la même date au réclamant et à madame
Horkins, avec la demande que les récipiendaires avisent
le juge arbitre avant le 26 juin 2003 s'ils avaient l'intention
de demander ou de fournir d'autres renseignements médicaux.
Cette fiche a été reçue à titre
de preuve comme Pièce 2, étant donné
qu'elle a été déposée lors de
l'audience. Ayant examiné cette fiche, il semble que
le réclamant s'était mépris dans sa compréhension,
à savoir que la fiche de son ancien médecin
avait été transmise à son médecin
actuel, le Dr T. La fiche décrit certaines des blessures
à la cheville et autres décrites par le réclamant.
Elle fait référence également à
des objets étrangers qui avaient été
enlevés de l'il du réclamant en 1996 ou
1997, et qui avaient laissé une cicatrice cornéenne
(corneal scaring). Il y a un rapport d'un infectiologue de
Saskatoon en date de 1998 confirmant que l'épouse du
réclamant avait été déclarée
négative selon le test de détection des anticorps
du VHC. Malheureusement, la fiche ne contient aucun dossier
sur le réclamant avant le début de ses consultations
auprès du Dr T. Le réclamant n'a déposé
aucun document supplémentaire, comme par exemple, des
dossiers de santé antérieurs, et il n'a également
pas demandé du temps pour le faire ou de l'aide du
juge arbitre.
[20] Sous couverture d'une lettre datée du 13 juin
2003, la Conseillère juridique du Fonds a fourni une
copie d'une lettre datée du 30 mai 2003 de Lindsay
Patterson, Gestionnaire du Programme de médecine transfusionnelle
de la SCS à Carol Miller, Cordonnatrice des demandes
de renvoi et d'arbitrage du Centre des réclamations
relatives à l'hépatite C (1986-1990). La lettre
de la SCS a été reçue à titre
de preuve comme Pièce 3, étant donné
qu'elle a été déposée lors de
l'audience et comprend ce qui suit :
Vous avez demandé que la SCS vous fournisse des renseignements
supplémentaires sur les donneurs reliés aux
unités transfusées au réclamant ci-haut
mentionné.
En s'acquittant de son obligation de fournir des renseignements
sur l'enquête de retraçage à l'Administrateur
du Fonds, la SCS ne compromettra pas les droits de confidentialité
de ses donneurs en matière de renseignements personnels.
La SCS a l'obligation de protéger la confidentialité
de ses donneurs et a enchâssé ces principes dans
sa politique d'accès à l'information et de
protection de la vie privée.
Les donneurs de la SCS s'attendent que la SCS maintienne la
confidentialité de leurs renseignements personnels.
La suffisance de l'approvisionnement en sang serait menacée
si la SCS violait les droits des donneurs à la confidentialité,
car ces bénévoles cesseraient probablement de
donner du sang .
Par ailleurs, la SCS reconnaît que le résultat
de l'enquête de retraçage de la SCS dans le présent
cas a été un facteur considéré
par l'Administrateur du Fonds pour prendre sa décision
et que comme tel, l'enquête est sous examen dans le
renvoi.
Santé Canada requiert que la SCS, et la Société
canadienne de la Croix-Rouge ("SCCR") avant elle,
interdise de façon permanente à tout donneur
ayant subi un test de contrôle positif relié
à l'anticorps de l'hépatite C (" anti-VHC
) de donner du sang dans l'avenir, peu importe si ce donneur
s'avère positif ou négatif lors du test de confirmation.
Comme vous le savez, la SCCR avait mis en uvre la première
génération des tests anti-VHC (EIS 1.0) à
compter de juillet 1990 et la deuxième génération
de test anti-VHC (EIZ 2) à compter de juin 1992.
Voici une liste qui indique le nombre de dons effectués
par les donneurs spécifiques associés aux numéros
des unités en question.
Numéro d'unité |
Nombre de dons |
|
722934 |
22 |
*Test du VHC - EIA 2.0 |
726693 |
2 |
|
722889 |
30 |
|
726709 |
1 |
|
722791 |
24 |
*Test du VHC - EIA 2.0 |
726736 |
1 |
|
Chacun de ces dons subséquents a
été testé en fonction de divers marqueurs
de maladies transmissibles, y compris l'anti-VHC. Aucun
de ces tests de contrôle anti-VHC subséquents
n'a été positif. Le résultat des
tests les plus récents que la SCS a en dossier
sur ces donneurs a été fourni dans les derniers
rapports mis à jour de la SCS sur l'enquête
de retraçage |
[21] Le 12 août 2003, le juge arbitre a reçu
une lettre de madame Horkins datée du 5 août
2003 qui comprenait un rapport de Dr Steven Kleinman daté
du 5 août 2003. Celui-ci a été fourni
dans le but d'aider le réclamant dans sa compréhension
de la fiabilité du test des donneurs, peu importe qu'on
utilise le test EIA 2 ou 3. Madame Horkins a exprimé
le point de vue que l'Administrateur rendait le rapport du
Dr Kleinman disponible, nonobstant le fait que ce dernier
n'avait aucune obligation de prouver la fiabilité de
ces tests qui font partie de la procédure d'enquête
approuvée par les tribunaux. Le rapport du Dr Kleinman
a été reçu à titre de preuve comme
Pièce 4, comme s'il avait été déposé
lors de l'audience. Plutôt que de paraphraser le rapport
du Dr Kleinman, il est joint intégralement à
la présente décision. Le juge arbitre a écrit
aux deux parties le 14 août 2003, invitant le réclamant
à présenter tout document ou toute observation
supplémentaire qu'il pouvait obtenir avant le 28 août
et a informé les parties que la décision serait
prise en fonction des documents en main à cette date.
Le réclamant n'a présenté aucune autre
observation.
C. Analyse
[22] Voici les constatations substantielles des faits dans
la présente cause :
(a) Le réclamant est infecté par l'hépatite
C.
(b) La source probable d'une telle infection n'a pas été
établie lors de la preuve.
(c) Bien que le réclamant ait reçu une transfusion
de six unités de globules rouges concentrées
au St. Paul's Hospital, à Saskatoon, en décembre
1989, la procédure de retraçage a démontré
que dans chaque cas, le donneur s'était avéré
négatif suite au test de détection des anticorps
du VHC, en utilisant les tests les plus avancés disponibles
au moment pertinent, notamment les tests de détection
du VHC, l'EIA 2.0 et l'EIA 3.0 respectivement.
(d) Le réclamant n'a reçu aucun autre produit
de sang lors du séjour à l'hôpital avant
ou après la chirurgie de décembre 1989.
(e) En conséquence, bien que le réclamant ait
établi qu'il avait reçu une transfusion de produits
de sang à Saskatoon durant la période visée
par les recours collectifs, il n'a pas été en
mesure d'établir qu'aucun des donneurs de tels produits
était infecté par le virus.
[23] Il n'y a aucune preuve indiquant que l'Administrateur
n'a pas suivi le protocole approuvé par les tribunaux
comprenant les critères des procédures d'enquête
pour les personnes directement infectées. Après
avoir suivi le protocole, il se devait d'appliquer les dispositions
du texte du Régime qui stipule ce qui suit :
3.04 Procédure d'enquête |
|
(1) Malgré toute autre disposition du présent
régime, si les résultats d'une procédure
d'enquête démontrent
qu'aucun des donneurs
ou des unités de sang reçues par une personne
directement infectée ou une personne directement
infectée
au cours de la période visée
par les recours collectifs n'est ou n'était anti-VHC
positif, sous réserve des dispositions du paragraphe
3.04(2), l'administrateur doit rejeter la réclamation
|
|
(2) Le réclamant peut prouver que la personne
directement infectée
été infectée
pour la première fois par le VHC par suite d'une
transfusion de sang reçue au Canada au cours de
la période visée par les recours collectifs
en dépit des résultats de la procédure
d'enquête. Il est précisé pour
plus de certitude que les frais d'obtention de la preuve
visant à réfuter les résultats d'une
procédure d'enquête sont à la charge
du réclamant, sauf décision contraire d'un
juge arbitre, d'un arbitre ou d'un tribunal.[C'est nous
qui soulignons] |
[24] À cet égard, le juge arbitre est conscient
d'autres décisions pouvant avoir une influence sur
cette question, y compris les suivantes :
Décision confirmée du juge arbitre
no 29 - Le 6 février 2002, John P. Sanderson,
c.r., juge arbitre, tel que maintenue le 14 juin 2002
par la décision d'un tribunal ayant compétence
dans les recours collectifs (Monsieur le juge Pitfield). |
|
Décision de l'arbitre no 54 - Le 15 août
2002, Vincent R.K. Orchard, arbitre |
|
Décision confirmée du juge arbitre
no 79 - Le 14 janvier 2003, Daniel Shapiro, c.r. |
|
Décision de l'arbitre no 66 - Le 1er novembre
2002, Daniel Shapiro, c.r. |
[25] La Conseillère du Fonds a candidement reconnu
que jusqu'à présent, il n'y avait eu aucun cas
d'arbitre ou de juge arbitre ou des tribunaux permettant au
réclamant de " prouver qu'il avait été
infecté par le VHC par suite d'une transfusion de sang
reçue au Canada au cours de la période visée
par les recours collectifs, nonobstant les résultats
de la procédure d'enquête ".
[26] Il est nécessaire d'examiner soigneusement la
décision de monsieur le juge Pitfield dans la Convention
de règlement relative à l'hépatite C
Réclamation no 1300593, 2003 CSCB 739. Les paragraphes
suivants portent sur les questions examinées dans le
présent dossier :
[13] Le protocole d'enquête a été
élaboré en s'appuyant sur les recherches
scientifiques à jour. La Convention de règlement
et le protocole ont été approuvés
par des conseillers juridiques au nom des membres des
recours collectifs et des défendeurs et par la
suite, par ordonnance des tribunaux. On a établi
que le protocole était le meilleur moyen de relier
l'infection à une transfusion de sang pour laquelle
la Convention de règlement prévoit une indemnisation. |
|
[14] Alors que la raison principale pour établir
l'admissibilité est la procédure d'enquête,
un réclamant peut présenter des preuves
lors d'un renvoi à l'appui de la réclamation
qu'il a été infecté pour la première
fois durant la période visée par les recours
collectifs, malgré un résultat d'enquête
négatif. À mon avis, le paragraphe 3.04(2)
ne permet pas à un réclamant d'effectuer
sa propre procédure d'enquête. Le paragraphe
prévoit qu'il peut y avoir des preuves qui établiraient
que la source de l'infection, plus probablement que non
ou selon la prépondérance des probabilités,
était une transfusion reçue durant la période
visée par les recours collectifs. Ce n'est pas
la réponse pour un réclamant qui tente de
fournir de telles preuves à l'effet qu'un certain
pourcentage infime de la population peut être infecté
par des sources de VHC inconnues. Si une telle affirmation
était la réponse, un réclamant ne
pourrait jamais réfuter les résultats des
enquêtes de retraçage, parce qu'il ne pourrait
jamais prouver qu'il ne faisait pas partie de ce petit
pourcentage de la population ayant pu être ainsi
infecté. |
|
[15] La preuve que le réclamant aurait à
présenter lors d'un renvoi comprendrait au moins
les dossiers médicaux personnels et familiaux complets
et des preuves détaillées sur tous les aspects
de son mode de vie, y compris des preuves d'absence de
possibilités d'être infecté par des
seringues ou des injections, peu importe la manière
et le but de sa réception. Les genres de preuves
que j'ai décrits ne visent pas à être
exhaustifs. Ils visent plutôt à indiquer
le processus à suivre lorsqu'on tente de réfuter
le résultat de l'enquête de retraçage.
|
|
[16] La simple négation par un réclamant
de son passé ou de ses activités personnelles
présentées comme sources possibles de non-
transfusion d'une infection par le VHC ne suffirait pas.
Il faudrait que la fiabilité de l'affirmation subjective
de nature soit vérifiée par un renvoi à
toutes les preuves objectives connues. Une des pièces
comme preuve objective comprend les résultats de
l'enquête de retraçage qui s'appuie sur l'application
du protocole d'enquête approuvé et / ou conforme
à celui-ci. Il faudrait que des preuves objectives
contradictoires soient très persuasives si le résultat
de l'enquête devait être réfuté. |
|
[17] Dans le cas présent, le réclamant
n'a fourni aucune preuve de quelque sorte à l'Administrateur,
au juge arbitre ou en présentant cette requête,
qui permettrait de réfuter les résultats
négatifs de l'enquête de retraçage.
[C'est nous qui soulignons] |
[27] Lors de son argumentation, madame Horkins a été
invitée à nous dire quelles circonstances pourraient,
de son point de vue, respecter l'approche de la " preuve
matérielle concluante " établie par monsieur
le juge Pitfield. Elle a donné comme exemple la situation
où un réclamant en excellente santé selon
ses antécédents médicaux pleinement documentés
a reçu un seul don de sang où des signes d'infections
comme une jaunisse ou une fonction hépatique élevée
tel que détectée par des tests seraient apparus
peu de temps après la transfusion. Il a été
reconnu que certaines personnes (pas toutes) démontrent
des signes de VHC aigus. En outre, le réclamant aurait
à fournir un dossier médical complet indiquant
l'absence de possibilité d'infection provenant d'autres
sources.
[28] Dans le cas présent, le juge arbitre a initié
un processus consécutif à l'audience en vue
d'obtenir des renseignements médicaux supplémentaires,
afin d'avoir tout mis en oeuvre pour s'assurer qu'il avait
examiné toutes les possibilités permettant au
réclamant de bénéficier de ses droits
à l'indemnisation. On s'est dit préoccupé
lors de l'audience quant à la fiabilité du test
GEN 2 et quant au nombre des unités de sang transfusé
reçu, chacune augmentant théoriquement le risque
de transmission du VHC. Toutefois, malheureusement pour le
réclamant, les renseignements contenus dans le dossier
du Dr T. n'a pas du tout pu aider le réclamant à
défendre sa position, puisqu'il n'y avait aucune preuve
des nombreux hôpitaux et médecins que le réclamant
avait visités plus tôt dans sa vie. Il y a eu
preuve d'une appendicectomie antérieure et d'autres
possibilités d'infection, bien qu'aucune source définitive
d'infection n'ait été établie comme preuve.
La lettre du 30 mai 2003 de la SCS qui résume les nombreux
dons de la part de quatre des six donneurs, et en particulier,
les 22 et 24 dons respectivement de chacun des donneurs testés
au moyen du GEN 2 dissiperont, nous l'espérons, quelques-unes
des préoccupations du réclamant. Néanmoins,
ils donnent plus de poids à la fiabilité et
à la validité de l'application de la procédure
d'enquête dans ce cas particulier.
[29] En conclusion, il n'y a tout simplement eu aucune preuve
médicale contradictoire convaincante ou autre présentée
par le réclamant pouvant répondre aux exigences
du test Pitfield, afin de permettre à un juge arbitre
de conclure que le réclamant avait " réfuté
les résultats de la procédure d'enquête
".
[30] Ce résultat doit être particulièrement
frustrant et perturbateur pour le réclamant, car non
seulement a-t-il établi qu'il a reçu des produits
de sang au cours de la période visée par les
recours collectifs lors d'un séjour au St. Paul's Hospital
à Saskatoon en décembre 1989, mais effectivement,
il a pu établir également que les produits de
sang lui ont été transfusés et enfin,
qu'il avait appris que sa réclamation avait été
approuvée. N'eût-il été pour la
preuve fournie par la SCS, à la 11e heure, il aurait
reçu son paiement initial et sa réclamation
aurait été approuvée. Toutefois, malheureusement
pour le réclamant, selon l'analyse finale, il n'a pu
établir que les cellules concentrées reçues
au St Paul's Hospital étaient infectées par
le VHC. Le nombre d'unités de sang transfusé,
accompagné du fait qu'il y avait six donneurs distincts,
n'ont servi qu'à augmenter à juste titre la
croyance du réclamant qu'il y avait eu erreur dans
les tests des donneurs. En effet, l'allégation du réclamant
à l'effet que les chances d'erreur aient augmenté
avec chaque donneur additionnel a un certain mérite
au départ. Étant donné le nombre de donneurs
distincts impliqués dans le présent dossier,
si le test avait été le GEN 1, les arguments
du réclamant auraient eu plus d'autorité. Toutefois,
étant donné le poids combiné des arguments
non contredits du Dr Kleinman quant à la fiabilité
des tests GEN 2 et GEN 3, de la lettre de la SCS du 30 mai
2003, des nombreux tests de plusieurs des donneurs et du cadre
de la procédure d'enquête approuvée par
le tribunal, la position du réclamant ne peut prévaloir.
[31] La preuve du réclamant a été fournie
de la façon la plus candide et la plus directe. Il
n'y a pas lieu de douter de la sincérité de
sa croyance qu'il avait contracté le VHC suite aux
transfusions reçues au St. Paul's Hospital. Néanmoins,
il n'y a pas de preuve adéquate permettant de répondre
au test énoncé par monsieur le juge Pitfield,
de manière à permettre d'infirmer les conclusions
de ce processus. Le juge arbitre est satisfait que le Centre
ne cherchait pas des façons de rejeter la réclamation
du réclamant, mais au contraire, a coopéré
pleinement afin de s'assurer d'explorer pleinement toutes
les possibilités d'indemnisation disponibles au réclamant
en vertu du Régime. Bien que la façon dont les
événements se sont déroulés ait
été tout naturellement troublante pour le réclamant,
le fait que le chèque a été réquisitionné
démontre en outre la bonne foi du Centre dans l'administration
de cette réclamation.
[32] L'appel doit être rejeté. Le réclamant
n'a pas droit à une indemnisation. L'Administrateur
a l'obligation d'évaluer chaque réclamation
et de déterminer s'il existe ou non la preuve d'indemnisation
requise. L'Administrateur n'a pas la discrétion d'accorder
une indemnisation lorsque la preuve requise n'existe pas.
La suffisance du Fonds dépend de l'examen pertinent
par l'Administrateur de chaque réclamation et de sa
décision du droit ou non du réclamant à
l'indemnisation. Dans le même ordre d'idées,
le juge arbitre n'a pas l'autorité requise de modifier,
d'élargir ou d'ignorer les dispositions de la Convention
de règlement ou du Régime ou d'en étendre
ou d'en modifier la couverture, y compris l'inversion de la
charge de la preuve contenue au paragraphe 3.04(2) du texte
du Régime.
D. Décision
[33] Après avoir soigneusement examiné la Convention
de règlement, le Régime, les ordonnances du
tribunal et le témoignage de vive voix ainsi que la
preuve documentaire rendue, le refus de l'Administrateur de
la demande d'indemnisation du réclamant est par la
présente maintenu.
Fait à Saskatoon, Saskatchewan, ce 4e jour de septembre
2003.
________________________________
DANIEL SHAPIRO, c.r., arbitre certifié
Juge arbitre
Rapport du Dr Steven Kleinman à
la Conseillère juridique du Fonds
Test de détection des anticorps du VHC subi par les
donneurs de sang
Le 5 août 2003
Mes titres et qualités pour rendre une opinion sur
l'administration du test des anticorps du VHC aux donneurs
de sang sont les suivants :
· Formation spécialisée dans le domaine
de la médecine transfusionnelle (entreposage du sang),
y compris un certificat décerné par l'American
Board of Pathology pour cette discipline.
· Responsabilités de travail préalable
comme Directeur médical de l'American Red Cross Blood
Services de la région du Sud de la Californie et Codirecteur
de la médecine transfusionnelle au UCLA Medical Centre.
· Compétences spéciales dans le domaine
des infections transmises par transfusions ainsi que démontrées
par sept années d'expérience comme Président
de l'American Association of Blood Banks Transfusion Transmitted
Disease Committee, par ma participation comme principal investigateur
dans plusieurs études de recherche à grande
échelle parrainées par le gouvernement des États-Unis
sur les infections transmises par transfusions et par ma publication
de nombreux articles scientifiques revus par mes pairs ainsi
que des chapitres d'ouvrages portant sur les infections et
maladies transmises par transfusions (y compris l'hépatite
C).
Test de détection des anticorps du VHC
Le test de détection des anticorps de l'hépatite
C (également connus sous leur forme abrégée
de VHC) a été breveté à la fois
aux fins de dépistage et de diagnostic du sang par
Santé Canada. Plusieurs versions du test ont été
brevetées, y compris la version 1 ou ELISA 1 (mise
en place pour le retraçage des donneurs de sang au
Canada (vers juillet 1990), la version 2 ou ELISA 2 (mise
en place vers juillet 1992), et la version 3 ou ELISA 3 (mise
en place vers juin 1996).
La première version du test des anticorps de l'hépatite
C (désignée ELISA 1) utilisait une seule protéine
recombinante de l'hépatite C. La deuxième version
du test des anticorps (ELISA 2) utilisait plusieurs protéines
supplémentaires de l'hépatite C dans le système
de test, permettant ainsi de détecter des anticorps
dirigés contre plusieurs produits de gènes viraux
plutôt que contre seulement un antigène viral.
La troisième version du test de l'anticorps (ELISA
3) utilise un antigène supplémentaire et a reformulé
certains antigènes utilisés dans ELISA 2.
Les données sur le rendement d'ELISA 2 comparé
à ELISA 1 indiquent une réactivité beaucoup
plus élevée en utilisant ELISA 2. Plusieurs
sources différentes de données indiquent que
le test ELISA 1 ne détectait que de 60 à 80
% des infections dues à l'hépatite C par rapport
à celles détectées par ELISA 2. [1,2]
Contrairement à ELISA 1, il y a de nombreux rapports
qui documentent la réactivité élevée
des essais ELISA 2 et ELISA 3 pour détecter l'infection
due à l'hépatite C. [2-7]. Certains articles
font état de tests de réactivité de 100
% [2,3] alors que d'autres indiquent que la réactivité
de l'essai ELISA 3 est légèrement plus élevée
que celle d'ELISA 2. [4]
Il a été extrêmement difficile de déterminer
précisément la réactivité des
essais ELISA 2 et ELISA 3, car leur rendement est tellement
similaire et parce qu'il n'y a pas d'exemple idéal
pour diagnostiquer l'infection due au VHC. Les différentes
études indiquent des réactivités légèrement
différentes pour ces essais; la réactivité
indiquée dans les rapports de recherche pour chacune
de ces versions d'ELISA varie en fonction de la population
utilisée pour évaluer les tests. Par conséquent,
la plupart des rapports de synthèse ne fournissent
pas de comparaisons directes entre la réactivité
des essais ELISA 2 ou ELISA 3, mais précisent plutôt
que leurs réactivités sont relativement équivalentes.
En outre, les insertions de la FDA sur les produits pour les
deux essais ne font pas mention de réactivité
des tests, probablement en raison de l'absence d'une méthode
exacte pour la mesurer.
Le consensus de base de ces rapports est qu'il y a seulement
de très petites différences de rendement entre
ELISA 3 et ELISA 2. Les données sur le rendement d'ELISA
3 comparées à ELISA 2 indiquent une légère
hausse de réactivité dans certains scénarios
de tests spécifiques. Il y a une hausse de réactivité
au début de l'infection due à l'hépatite
C (détection précoce de conversion sérologique
chez certains patients), une détection améliorée
des anticorps chez les malades immunosuppressifs, une spécificité
améliorée (moins de faux résultats positifs),
et une réactivité légèrement meilleure
à détecter l'anticorps dans les infections chroniques.
En conclusion, les publications de recherche disponibles appuient
le fait que les spécialistes du domaine s'accordent
à dire que les essais ELISA 2 et ELISA 3 ont une réactivité
élevée pour diagnostiquer l'infection due à
l'hépatite C.
Deux études récentes ont porté sur certains
aspects spécifiques du rendement d'ELISA 2 et ELISA
3 chez des populations des donneurs de sang. [8, 9] La première
étude est pertinente à la transmission du VHC
par transfusion de sang, c.-à-d. la fréquence
selon laquelle l'essai ELISA 3 détecte un donneur qui
s'avère négatif selon l'essai ELISA 2 et dont
le sang contient le virus de l'hépatite C (et est donc
potentiellement contagieux). L'étude porte sur 5,5
millions de dons vérifiés dans 13 centres de
banques de sang des États-Unis après la mise
en place du test de dépistage de routine des donneurs
en 1999 au moyen du HCV RNA. [8] Les investigateurs ont déterminé
que ce phénomène se produit à un taux
d'environ 1 sur 200 000 dons. L'interprétation de ces
données est qu'avant la mise en place du HCV RNA en
1999, il y aurait eu un cas sur 200 000 transfusions où
le test du VHC selon l'essai ELISA 2 n'aurait pas détecté
l'infection du VHC alors que le test du VHC selon l'essai
ELISA 3 l'aurait détectée. Ces données
indiquent qu'il s'est produit une légère hausse
au niveau de la sécurité du sang avec la mise
en place du test ELISA 3. Cependant, ces données ne
sont pas directement pertinentes à la question de l'utilisation
de l'essai ELISA 2 plutôt que l'essai ELISA 3 dans les
enquêtes de retraçage.
La deuxième étude porte sur la question de la
capacité des deux essais de détecter les infections
passées dues au VHC chez les donneurs de sang. Dans
cette étude, 501 dons (sur un total approximatif de
292 000 dons testés avec ELISA-3) qui avaient été
confirmés anti-VHC positifs selon l'essai ELISA 3,
lorsque ce test a été utilisé pour la
première fois dans le système de retraçage
des donneurs de sang, ont été testés
de nouveau en utilisant l'essai ELISA 2. [9] Les auteurs ont
découvert que 15 de ces 501 dons (2,99 %) étaient
négatifs avec ELISA 2; ELISA 2 avait détecté
>97 % des dons positifs selon ELISA 3. En d'autres mots,
dans le cas où l'anticorps du VHC avait été
démontré par l'essai ELISA 3 chez un donneur,
l'anticorps n'avait pas été détecté
par l'essai ELISA 2 dans seulement 3 % des cas. Cette étude
différait de la première étude décrite
ci-dessus en ce sens que tous les 15 résultats positifs
selon l'essai ELISA 3/et négatifs selon l'essai ELISA
2 se retrouvaient parmi les donneurs négatifs du test
HCV RNA qui seraient très peu susceptibles de transmettre
le VHC.
Il faut être très prudent dans la façon
de faire une extrapolation des données de la dernière
étude décrite ci-dessus dans le cas du scénario
de l'enquête de retraçage, étant donné
que celle-ci représente une circonstance différente
de la question examinée dans cette étude. L'énoncé
à l'effet que si l'essai ELISA 3 est positif, l'essai
ELISA 2 sera négatif dans 3 % des cas (qui est la conclusion
de l'étude sur les donneurs de sang décrite
ci-dessus) ne signifie pas la même chose que l'énoncé
à savoir que si l'essai ELISA 2 est négatif,
alors l'essai ELISA 3 sera positif dans 3 % des cas. Ce dernier
énoncé est la situation qu'on nous demande d'évaluer
dans les cas d'enquête de retraçage donnant des
résultats négatifs selon l'essai ELISA 2. Selon
moi, il serait beaucoup plus probable qu'un test ELISA 2 négatif
dans une enquête de retraçage représente
une absence de l'anticorps du VHC par opposition à
l'anticorps détectable seulement par ELISA 3. Par conséquent,
je crois que la différence de 3 % dans le retraçage
indiquée dans l'étude des donneurs de sang représente
la probabilité maximale de cette occurrence dans le
scénario de l'enquête de retraçage. Cependant,
il se peut très bien que la probabilité soit
beaucoup moins que 3 % qu'un résultat négatif
de retraçage avec ELISA 2 donne un résultat
positif avec ELISA 3.
Un résumé récent du rendement actuel
des tests de l'anticorps du VHC utilisés par un spécialiste
reconnu des tests du VHC a été présenté
lors d'une conférence du US National Institutes of
Health Consensus Conference: Management of Hepatitis C: 2002.
Au sujet des tests EIA pour détecter le VHC (EIA et
ELISA sont deux abréviations différentes pour
le même test), le conférencier a écrit
" l'anti-VHC est typiquement détecté en
utilisant les essais immunoenzymatiques de deuxième
ou de troisième génération qui détectent
des mélanges d'anticorps de divers épitopes
du VHC. La spécificité actuelle des tests EIA
disponibles pour l'anticorps du VHC est plus élevée
que 99 %. Leur réactivité est plus difficile
à déterminer en l'absence d'un exemple idéal
plus sensible. Les tests anti-VHC EIA détectent les
anticorps chez plus de 99 pour cent des patients immunosuppressifs
détectables selon le HCV RNA. " [5] En d'autres
mots, l'infection due au VHC peut être diagnostiquée
en utilisant les tests ELISA avec succès dans 99 cas
sur 100. C'est un rendement extrêmement élevé
pour un essai de laboratoire.
Références
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assays for detection of antibody to the hepatitis C virus.
Hepatology 1992: 15:350-353
2. Bresters D, Cuypers HTM, Reesink HW et al. Enhanced sensitivity
of a second generation ELISA for antibody to Hepatitis C virus.
Vox Sang 1992; 62:213-217
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and specificity of three third-generation anti-hepatitis C
virus ELISAs. Vox Sang 1995; 69:14-17
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NIH Consensus Conference: Management of Hepatitis C: 2002
abstract program book available on the Web at http://consensus.nih.gov/cons/116/1l6cdc_
intro.htm
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7. Germer JL, Zein NN. Advances in the molecular diagnosis
of Hepatitis C and their clinical implications. Mayo Clinic
Proc 2001; 76:911-920
8. Galel SA, Strong DM, Tegtmeier GE et al. Comparative yield
of HCV RNA testing in blood donors screened by 2.0 versus
3.0 antibody assays. Transfusion
2002; 42:1507-13
9. Impact of HCV 3.0 EIA relative to HCV 2.0 EIA on blood
donor screening. Tobler LH, Stramer SL, Lee SR et al. Transfusion
2003 (in press)
Dr. Steven Kleinman
Professeur de pathologie clinique
Université de la Colombie Britannique
Vancouver, C.- B.
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