Renvois : Décisions
de l'arbitre : #101 - Le 25 août 2003
D É C I S I O N
L'épouse du réclamant, née en août
1919, a reçu deux unités de sang en 1987, donc,
durant la période visée par les recours collectifs
de 1986 à 1990. Selon toutes les indications, elle
ne présentait aucun facteur de risque important connu
avant de recevoir ces unités de sang (pas d'utilisation
de drogues injectables, pas de tatouage, aucune transfusion
de sang avant 1986).
Après 1990, l'épouse du réclamant s'est
avérée positive suite au test de détection
des anticorps du virus de l'hépatite C et elle est
décédée le 24 mai 2000 d'un carcinome
hépatocellulaire et de complications dues à
une défaillance hépatique.
Le conjoint de la personne décédée a
présenté une réclamation à l'Administrateur
du Fonds à titre de représentant personnel d'une
personne décédée infectée par
le VHC, conformément au Régime des transfusés
infectés par le VHC (Annexe A).
Une enquête de retraçage a été
entreprise et on a établi que l'un des donneurs de
1987 avait donné du sang 12 fois de 1993 à janvier
2000 mais que ses tests n'avaient jamais révélé
la présence des anticorps du VHC.
Il a été impossible de retracer l'autre donneur
et la demande d'indemnisation a donc été approuvée.
Une somme de 229 132,84 $ a été versée
au réclamant en avril 2001. La lettre accompagnant
le chèque d'indemnisation contenait un paragraphe qui
se lisait comme suit :
" Veuillez noter que selon les paragraphes 7.01(2)
et 7.05 de la Convention de règlement, l'Administrateur
peut réexaminer en tout temps l'indemnisation payable
à un réclamant. Si l'on établit plus
tard que le réclamant n'a pas droit à d'autres
indemnisations, le réclamant ne sera pas tenu responsable
de tout montant payé à ce jour."
On a subséquemment retracé le deuxième
donneur de 1987 et, selon le rapport de retraçage,
ce donneur s'était avéré négatif
suite à un test en date du 14 février 2002 (ortho
3.0).
Le réclamant a été avisé que
les résultats du retraçage confirmaient que
les deux donneurs s'étaient avérés négatifs
suite au test de détection des anticorps du VHC et
qu'à la lumière d'une telle information, sa
réclamation était rejetée.
On n'a pas demandé au réclamant de remettre
l'indemnisation qui lui avait déjà été
versée.
Le réclamant fait une demande de renvoi de la décision
mentionnée plus haut. On peut résumer ainsi
les raisons de sa demande de renvoi :
· Le VHC ne peut être transmis que par le sang;
· Son épouse avait reçu du sang une seule
fois, soit au cours de la période visée par
les recours collectifs;
· Son épouse menait " une vie saine "
et ne présentait aucun facteur de risque;
· Le réclamant a ajouté qu'il doutait
des tests et de la procédure de retraçage.
Le réclamant a demandé que la question soit
référée à un arbitre pour en arriver
à une décision. Ni l'appelant ni l'avocat représentant
le Fonds n'ont demandé d'audition et la présente
décision est donc rendue en fonction du dossier complet
de réclamation, ainsi que des présentations
écrites faites par le Conseiller du Fonds.
Le fait que la personne directement infectée ait reçu
deux (2) unités de sang durant la période est
reconnu. Il n'y a certainement aucune preuve indiquant que
la victime avait reçu du sang avant 1996. Le médecin
traitant confirme qu'il n'y avait aucun " facteur de
risque " connu, comme l'utilisation de drogues injectables
ou de tatouage et qu'en effet, toutes les preuves indiquent
que la victime avait, pour utiliser les termes du réclamant,
une vie saine. La peine du réclamant était compréhensible,
surtout lorsqu'on considère que lui et son épouse
étaient mariés depuis 58 ans et qu'on peut soupçonner
que la requête d'arbitrage est beaucoup plus une question
de principe que d'argent.
Le soussigné, tout comme l'Administrateur, est tenu
de rendre une décision selon les renseignements fournis
par les parties, mais également et surtout, selon les
dispositions de la Convention de règlement. J'ai examiné
tous les éléments de la présente réclamation,
y compris la procédure de retraçage, pour voir
si une telle réclamation est à l'intérieur
des paramètres de la Convention de règlement.
Il faut tenir compte des sections 3.04(1) et 3.04(2).
3.04(1) Malgré toute autre disposition du présent
régime, si les résultats d'une procédure
d'enquête démontrent (
) qu'aucun des donneurs
ou des unités de sang reçues par une personne
directement infectée (
) au cours de la période
visée par les recours collectifs n'est ou n'était
anti-VHC positif, (
) l'administrateur doit rejeter la
réclamation de cette personne infectée par le
VHC et toutes les réclamations ayant trait à
cette personne infectée par le VHC (
).
Le paragraphe 3.04(2) donne une exception au paragraphe 3.04(1).
Nonobstant les résultats du retraçage, un réclamant
peut prouver qu'il /elle a été infecté(e)
par le VHC pour la première fois par une transfusion
de sang reçue durant la période visée
par les recours collectifs.
La Convention de règlement ne donne pas d'information
relative à la nature de la preuve qui peut réfuter
le résultat du retraçage. La juge arbitre Tanja
Wacyk a jeté un certain éclairage quant à
ce fardeau dans la décision numéro 40 (16 février
2002) :
" À mon avis, le paragraphe 3.04(2) exige
des preuves spécifiques en rapport avec un réclamant
particulier, et qui prouvent que, selon la prépondérance
des probabilités, ce réclamant a été
infecté pour la première fois par le VHC suite
à une transfusion sanguine reçue au Canada au
cours de la période visée par les recours collectifs.."
(parag. 30)
Le réclamant n'a présenté aucune preuve
de ce genre, s'appuyant plutôt sur une déclaration
générale à l'effet qu'il avait des doutes
relativement à la procédure des tests de retraçage
et que sa femme avait vécu une vie saine. Bien que
j'accepte pour les besoins de cette décision que la
personne infectée directement ait mené une "
vie saine ", il n'est certainement pas suffisant d'avoir
des doutes de nature générale au sujet des tests
ou de la procédure d'enquête pour franchir le
seuil imposé par le paragraphe 3.04(2).
Le paragraphe 3.04(1) est clair et il indique à l'Administrateur
de rejeter une réclamation lorsque la procédure
d'enquête démontre que tous les donneurs du sang
reçu par la personne directement infectée au
cours de la période visée par les recours collectifs
ne s'avèrent pas positifs d'après le test. Voilà
les faits de ce cas.
Ma décision doit être basée sur le même
paragraphe et les mêmes faits et j'arrive à la
même conclusion que l'Administrateur, c.-à-d.
que le réclamant n'a pas réussi à démontrer
que son épouse n'a pas été infectée
par le VHC pour la première fois suite à une
transfusion de sang reçue au cours de la période
visée par les recours collectifs. Étant arrivé
à une telle conclusion, je considère qu'il n'est
pas nécessaire de spéculer à savoir si
l'hépatite C aurait pu être contractée
suite à une transfusion d'albumine reçue par
l'épouse du réclamant après la date limite
de 1990. On n'a pu obtenir aucune information sur le bassin
de donneurs de cette albumine et peu importe ma conclusion
concernant une telle transfusion, elle ne peut aider le réclamant
dans la présente cause d'arbitrage. Je confirme donc
la décision de l'Administrateur de refuser l'indemnisation
au réclamant en vertu de la Convention de règlement
relative à l'hépatite C (1986-1990).
Montréal, le 25 août 2003
(S) JACQUES NOLS
Jacques Nols
Arbitre
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