Renvois : Décisions
de l'arbitre : #54 - Le 15 août 2002
D É C I S I O N
Réclamation no 1300323
I. Question
1. La question qui m'est présentée dans cet
arbitrage est de déterminer si l'Administrateur a eu
raison de rejeter la demande d'indemnisation faite par la
réclamante en raison du fait qu'elle n'avait pas reçu
de sang transfusé durant la période visée
par les recours collectifs d'un donneur reconnu comme étant
porteur des anticorps du VHC.
II. Contexte
2. La réclamante a présenté une demande
d'indemnisation à titre de personne directement infectée
en vertu du Régime à l'intention des transfusés
infectés par le VHC (le " Régime ")
établi par la Convention de règlement relative
à l'hépatite C (1986-1990) (la " Convention
de règlement ") approuvée par une ordonnance
de la Cour suprême de la Colombie-Britannique le 28
octobre 1999. Les modalités de la convention s'appliquent
à travers le Canada et précisent en détails
le processus de réclamation permettant d'établir
et l'admissibilité et la preuve d'admissibilité.
3. Dans une lettre en date du 10 mai 2001, l'Administrateur
a rejeté la réclamation en se basant sur l'absence
de preuve que la réclamante avait été
infectée pour la première fois par le VHC au
moyen d'une transfusion sanguine reçue au Canada au
cours de la période visée par les recours collectifs.
4. La réclamante a demandé de soumettre à
l'arbitrage le refus de sa réclamation par l'Administrateur.
5. Par l'entremise de son représentant autorisé,
la réclamante a demandé une audience en personne
qui a eu lieu le 1er mars et le 14 juin 2002 à Vancouver.
6. À titre d'arbitre et de juge des faits, je dois
fournir les raisons de ma décision. Les raisons de
la décision d'un arbitre, tout comme le motif du jugement
d'un juge, ne visent pas à être une récitation
de toutes les preuves et arguments fournis durant l'arbitrage.
J'ai eu l'avantage de pouvoir compter sur un grand nombre
de preuves écrites et orales et d'arguments écrits
et oraux du représentant de la réclamante et
du Conseiller du Fonds. J'ai soigneusement examiné
toutes les preuves et tous les témoignages en faisant
ma décision. Le fait que je choisisse d'utiliser ou
de faire référence à seulement une partie
des preuves et des arguments ne signifie pas que je n'ai pas
examiné tout ce qui m'a été présenté.
III. Faits
7. La réclamante est infectée par l'hépatite
C. Elle a souffert d'une insuffisance hépatique et
a subi une transplantation hépatique en octobre 1994.
Elle a témoigné lors de l'audience. J'ai constaté
qu'elle était d'une grande honnêteté et
dignité. Elle a été extrêmement
courageuse dans sa lutte contre les ravages d'une terrible
maladie.
8. La réclamante a reçu deux transfusions en
1988 au cours de la période visée par les recours
collectifs. On a présenté la preuve à
l'effet que la réclamante a également reçu
des transfusions après la période visée
par les recours collectifs. La réclamante a témoigné
qu'elle a commencé à se sentir malade après
1988.
9. En 1988, la réclamante a subi une intervention au
dos comprenant un déplacement de disque lombaire aigü
qui a résulté en une discectomie et une laminectomie.
Elle a reçu deux unités de sang lors de la chirurgie
au dos, le ou vers le 29 février 1988. On a identifié
deux donneurs relativement aux transfusions de la réclamante
en 1988.
10. Selon les témoignages médicaux, les facteurs
de risques liés au VHC se sont avérés
négatifs chez la réclamante. Elle et son représentant
ont soutenu que les transfusions sanguines de 1988 étaient
la seule source possible de son infection.
11. En 1998, la réclamante a elle-même entrepris
une procédure d'enquête. Lors du traitement de
la réclamation, l'Administrateur a également
entrepris une enquête qui a été jointe
à celle de la réclamante.
12. La Société canadienne du sang (" SCS
") a terminé l'enquête dans le cadre d'un
programme connu sous le nom de " Programme d'avis liés
aux recours collectifs ". Les résultats de l'enquête
se sont avérés négatifs dans le cas des
deux donneurs ayant fourni le sang des transfusions en février
1988. On avait vérifié la présence des
anticorps du VHC chez un donneur en avril 1993 dans le cadre
du processus régulier de détection lorsqu'un
individu donne du sang au Canada. Le 4 janvier 2001, on a
vérifié la présence des anticorps du
VHC chez le deuxième donneur dans le cadre du Protocole
d'enquête. La SCS a transmis les résultats de
l'enquête à l'Administrateur en janvier 2001.
13. On a vérifié la présence des anticorps
du VHC selon un test de densité optique. Le test de
détection des anticorps du VHC utilise la méthode
du dosage immonoenzymatique ou sous sa forme généralement
abrégée EIA ou ELISA. Le sang peut aussi faire
l'objet d'un test de détection du virus de l'hépatite
C lui-même connu sous le nom de test ACP. ACP signifie
amplification en chaîne par polymérase. Le test
ACP détecte la présence du virus de l'hépatite
C lui-même dans le sang d'une personne. On détecte
l'acide nucléique (ARN) du virus. On y réfère
également comme TAN ou test des acides nucléiques.
Depuis 1999, on fait un tri des donneurs de sang en utilisant
le test EIA ou celui d'amplification en chaîne par polymérase
(test ACP).
14. La procédure d'enquête a porté sur
les deux unités de sang transfusées à
la réclamante en 1988 auxquelles on a référé
comme unités numérotées 285668 et 229018.
Je réfèrerai au premier donneur comme celui
lié à l'unité 285668, et le deuxième
donneur comme celui lié à l'unité 229018.
On a décrit l'unité 285668 comme cellules rouges,
et l'unité 229018 comme plasma entreposé. Contrairement
au cas du premier donneur pour qui on avait un test du VHC
en dossier, on n'en avait aucun pour le deuxième. Suite
au Protocole d'enquête, la SCS a communiqué avec
le donneur et ce dernier a donné un échantillon
de sang en janvier 2001. Lors de l'audience du 1er mars 2002,
Madame Lindsay Patterson, employée comme coordonnatrice
nationale du programme d'identification et d'enquête
sur les donneurs et les receveurs au bureau central de la
SCS à Ottawa, a témoigné qu'elle ne savait
pas si l'échantillon de sang donné par le deuxième
donneur en janvier 2001 existait toujours. En conséquence,
j'ai donné aux parties l'occasion de demander la réouverture
de l'audience en vue de présenter d'autres témoignages
sur l'enquête touchant le deuxième donneur. La
demande a été faite et d'autres témoignages
furent recueillis le 14 juin 2002.
15. Le 14 juin 2002, Madame Patterson a encore une fois témoigné
comme l'a fait Madame Petra Welsh, gestionnaire de laboratoire
des centres de la SCS de la C.-B. et du Yukon. Madame Welsh
travaille au centre de transfusion de la SCS, rue Oak à
Vancouver. Elle a témoigné que le laboratoire
avait vérifié la présence d'anticorps
du VHC dans un échantillon de sang du deuxième
donneur. Les résultats du test ont été
transmis à la SCS à Ottawa et ont été
incrits au dossier d'enquête. Conformément aux
procédures de fabrication normalisées, on a
vérifié l'échantillon de sang selon la
technique de détection des anticorps EIA et non en
utilisant le test ACP. L'échantillon a été
détruit quelques jours après le test selon les
procédures de fabrication normalisées. On conserve
les échantillons seulement s'il y a réaction.
IV. Le Régime et le Protocole relatif à la
procédure d'enquête
16. Selon le Régime, l'Administrateur détermine
si la source de l'infection de la réclamante par le
VHC a été la transfusion sanguine reçue
au cours de la période visée par les recours
collectifs. Comme prévu au paragraphe 3.04(1) du Régime,
l'Administrateur a entrepris la procédure d'enquête
afin de déterminer si le sang était la source
du VHC.
17. Au paragraphe 1.01 du Régime, on trouve les définitions
suivantes :
" le test de détection des anticorps du VHC
" signifie un test sanguin exécuté au Canada
selon une méthode offerte sur le marché que
l'Administrateur juge acceptable et démontrant la présence
des anticorps du VHC dans le sang d'une personne.
" une procédure d'enquête "
signifie la procédure de recherche et d'enquête
ciblée des donneurs et/ou des unités de sang
reçues par une personne infectée par le VHC.
18. Le paragraphe 3.04(1) stipule que :
si les résultats d'une procédure d'enquête
démontrent
qu'aucun des donneurs ou des unités
de sang reçues par une personne directement infectée
au cours de la période visée par les
recours collectifs n'est ou n'était pas anti-VHC
positif, sous réserve des dispositions du paragraphe
3.04(2), l'Administrateur doit rejeter la réclamation
de cette personne infectée par le VHC
. (c'est
nous qui soulignons)
19. Pour résumer, le paragraphe 3.04(2) prévoit
que nonobstant les résultats de la procédure
d'enquête, un réclamant peut affirmer preuve
à l'appui qu'il ou elle était infectée
pour la première fois par le VHC suite à une
transfusion sanguine reçue au Canada au cours de la
période visée par les recours collectifs.
20. Dans le cadre de la Convention de règlement, les
tribunaux ont approuvé un protocole d'enquête.
Une ordonnance de la Cour suprême de la Colombie-Britannique
en date du 28 octobre 1999 décrit la procédure
d'enquête approuvée par les tribunaux. Une ordonnance
de la même cour en date du 14 août 2000 établit
le Protocole relatif à la procédure d'enquête.
En vertu d'une autre ordonnance en date du 6 février
2001, le juge Smith, J. (tel était alors son titre)
a approuvé un protocole portant sur des critères
modifiés de procédure d'enquête tel qu'établis
dans le formulaire annexé à cette ordonnance.
L'annexe 1 définit la procédure d'enquête
comme une recherche ciblée qui peut inclure une recherche
dans les dossiers, une investigation relative à la
période visée par les recours collectifs et/ou
une investigation à la période avant la période
visée par les recours collectifs. Une recherche dans
les dossiers s'entend " de l'étape de la procédure
d'enquête où une recherche est effectuée
afin de faire le rapprochement entre les unités de
sang reçues par une personne infectée par le
VHC à un moment donné et les dossiers de la
Société canadienne du sang (" SCS "
) et d'Héma-Québec afin de déterminer
si l'état sérologique relativement au VHC
du donneur de certaines ou de la totalité des unités
de sang reçues est connue ". L'investigation relative
à la période visée s'entend " de
l'étape où l'on tente de localiser les donneurs
des unités de sang reçues par une personne infectée
par le VHC, pendant la période visée et, au
besoin, de faire subir des tests aux donneurs pour déterminer
leur état sérologique relativement au VHC ".
(c'est nous qui soulignons)
21. Dans le cas présent, il y a eu une recherche dans
les dossiers pour le premier donneur et une investigation
relative à la période visée pour le deuxième
donneur.
22. Il n'y a rien dans le Protocole relatif à la procédure
d'enquête approuvé par les tribunaux qui exige
directement ou indirectement autre chose qu'une décision
quant à l'état sérologique relativement
au VHC d'un donneur.
23. J'ai lu avec soin le Protocole relatif à la procédure
d'enquête et j'ai conclu que dans ce cas, l'Administrateur
a suivi correctement les procédures requises. Une recherche
dans les dossiers n'a révélé aucune présence
des anticorps du VHC chez le premier donneur en 1993. Une
investigation relative à la période visée
pour le deuxième donneur n'a révélé
aucune présence des anticorps du VHC en 2001. En conséquence,
selon les modalités du Protocole , l'Administrateur
devait rejeter la réclamation.
24. Le paragraphe 17 du Protocole se lit comme suit :
PARAGRAPHE 3.04(1) DU RÉGIME - REJET DES RÉCLAMATIONS
17. L'Administrateur doit, après avoir déterminé
conformément au paragraphe 3.04(1) du Régime
ainsi qu'aux alinéas 7(a), 7(d)(i), 8(a), 8(b), 9(a),
9(d)(i), 9(f)(i), 10(a) ou 10(d)(i) du présent protocole
qu'une réclamation doit être rejetée sur
la base des résultats de la procédure d'enquête,
aviser le réclamant que sa réclamation sera
rejetée, à moins que celui-ci ne présente
une preuve additionnelle conformément au paragraphe
3.04(2) du Régime, établissant à la satisfaction
de l'Administrateur que la personne qui prétend être
directement infectée a été infectée
pour la première fois (" preuve de première
infection ") par le VHC par suite d'une transfusion de
sang reçue au Canada au cours de la période
visée et ce, malgré les résultats de
la procédure d'enquête.
25. L'Administrateur a avisé la réclamante dans
une lettre en date du 19 mars 2001 que sa demande d'indemnisation
dans le cadre de la Convention de règlement serait
rejetée à moins qu'elle ne puisse fournir une
preuve supplémentaire qu'elle avait d'abord été
infectée par le VHC suite à une transfusion
sanguine reçue au Canada au cours de la période
visée par les recours collectifs. La réclamante
a été avisée que toutes les recherches
de donneurs étaient complètes et que selon les
résultats de l'enquête, les donneurs ou unités
de sang reçues au cours de la période visée
par les recours collectifs s'étaient avérés
VHC négatifs. Subséquemment, l'Administrateur
n'a pas été satisfait d'avoir obtenu d'autres
preuves d'une première infection et en conséquence,
dans une lettre en date du 10 mai 2001, il a rejeté
la réclamation.
26. La réclamante a alors demandé un renvoi
par arbitrage de la décision de l'Administrateur.
V. La preuve
En faveur de la réclamante
27. Tel qu'indiqué précédemment, la réclamante
a présenté un témoignage. Sa preuve en
dit long sur le courage de certaines personnes tentant de
mener une vie productive devant de grandes épreuves.
Elle est une femme admirable. Malheureusement, pour ce qui
est de la question qui m'a été présentée,
sa preuve n'a pas beaucoup aidé.
28. Le Dr Fraser Norrie a présenté un rapport
en date du 6 novembre 2001 et a témoigné au
nom de la réclamante. Le Dr Norrie est un omnipraticien
dédié qui traite un nombre important de patients
atteints du VIH/sida et de l'hépatite C. Il a avoué
qu'il n'était pas un expert sur les questions reliées
au VHC comme l'était le Dr Steven Kleinman, qui a produit
un rapport en date du 14 janvier 2002 et a témoigné
au nom de l'Administrateur comme médecin anatomo-pathologiste
ayant une expertise en médecine transfusionnelle, en
entreposage de sang, en infections et maladies transmises
par transfusions, y compris le VHC. J'ai reconnu que le Dr
Norrie était un expert médical dûment
qualifié ayant un intérêt spécial
en matière de VIH/sida et de VHC.
29. Le Dr Norrie a témoigné qu'il y a une petite
cohorte de personnes qui sont infectées par le virus
mais qui ne contractent pas les anticorps. Il a fait référence
aux patients de sa pratique qui sont infectés par l'hépatite
C et le VIH mais qui se révèlent négatifs
au test de détection des anticorps de l'hépatite
C. Il a aussi fait référence à une lettre
en date du 3 mai 2001 écrite par deux médecins
du British Columbia Centre for Excellence in HIV/Aids à
l'hôpital St. Paul's dans laquelle ces derniers ont
découvert deux patients infectés par le VIH
et l'hépatite C dont les résultats se sont à
maintes reprises avérés VHC négatifs
mais VHC positifs selon le test ACP. De l'avis du Dr Norrie,
dans le cas des enquêtes, on devrait utiliser le test
ACP de même que celui de détection des anticorps.
30. Le Dr Norrie a aussi discuté d'une cohorte de personnes
qui sont peut-être aux toutes premières étapes
du virus mais qui n'ont pas contracté les anticorps.
Je crois savoir que la SCS a examiné les donneurs depuis
1999 en utilisant les deux tests afin de saisir des résultats
qu'on pourrait autrement manquer au cours de cette brève
période de temps.
31. Le Dr Norrie a aussi témoigné au sujet de
la période de temps entre l'infection par le VHC et
l'insuffisance hépatique. Il a témoigné
à l'effet que la période normale de temps est
davantage à l'intérieur d'un écart de
vingt ans mais qu'il n'est pas impossible que la maladie progresse
à l'intérieur d'une période de six ans,
comme cela devrait être le cas dans la présente
situation, si la réclamante avait été
d'abord infectée par le VHC en 1988.
32. Le Dr Norrie a aussi soutenu, lors du contre-interrogatoire,
que dans environ 10 % des cas d'hépatite C, on ne peut
retracer la source d'infection.
33. Quoique j'aie perçu le Dr Norrie comme un médecin
consciencieux et dédié, je n'ai pas trouvé
de preuves particulièrement utiles au sujet du test
ACP, puisque le Régime et le Protocole d'enquête
exigent seulement un test de détection des anticorps
lors de la procédure d'enquête. De plus, la preuve
du Dr Kleinman a fourni une base rationnelle pour utiliser
seulement le test de détection des anticorps pour les
investigations.
En faveur de l'Administrateur
34. Tel qu'indiqué, le Dr Steven Kleinman a témoigné
au nom de l'Administrateur. Son travail professionnel se trouve
davantage dans les domaines de l'épidémiologie
et de la santé publique que dans les soins individuels
aux patients. Il est présentement professeur clinicien
d'anatomie pathologie à la Faculty of Medicine, de
l'University of British Columbia et scientifique adjoint à
la SCS. Il a été consultant auprès d'organismes
transfusionnels, d'hôpitaux, des gouvernements et de
l'industrie. J'ai reconnu le Dr Kleinman à titre d'expert
en maladies reliées au sang, en tests de dépistage
sanguin, en collecte de sang et en procédures d'enquête.
35. Le Dr Kleinman a témoigné au sujet de la
période normale de temps pour qu'une personne contracte
une maladie du foie à un stade avancé après
infection par le VHC. Il a dit qu'il serait très inhabituel
qu'une personne ait une telle maladie en six ans, mais il
n'a pas voulu dire que cela ne pouvait se produire. Il a témoigné
que statistiquement, il est plus probable qu'une personne
ait la maladie du foie à un stade avancé après
vingt ans d'infection qu'après six ans. Il a fait référence
à des recherches scientifiques à l'effet que
seulement 5 % des personnes qui ont contracté la maladie
du foie à un stade avancé suite au VHC l'ont
contracté à l'intérieur d'une période
aussi courte que 10 ans après la date d'infection.
Cette preuve du Dr Kleinman soulève l'importante possibilité
que la réclamante ait été infectée
par le virus de l'hépatite C avant 1986 et plus probablement
durant les années 1970. Le Dr Kleinman a aussi noté
que même si on n'avait pu trouver aucun autre facteur
de risque lié à l'hépatite C dans le
cas présent, le US Centre for Disease Control and Prevention
affirme qu'on ne trouve aucun facteur de risque dans 10 %
des cas d'hépatite C.
36. Le Dr Kleinman a de plus précisé qu'il est
médicalement certain que les donneurs, dans le cas
présent, ne pouvaient pas avoir été aux
premières étapes de l'infection par le VHC sans
avoir produit des anticorps, car ils se sont avérés
subséquemment VHC négatifs. Le Dr Kleinman a
aussi indiqué qu'on effectue des enquêtes relatives
à l'hépatite C afin d'établir si un donneur
de sang ait pu avoir été infecté ou non
par le virus de l'hépatite C à un moment donné
dans le passé, peut-être de manière à
transmettre l'infection à un receveur au moyen d'une
transfusion sanguine. Souvent comme dans le cas présent,
la vérification d'un échantillon de suivi d'un
ancien donneur de sang aura lieu un certain nombre d'années
après l'incident de transfusion en question. On a administré
un test au premier donneur cinq ans après la transfusion
en question. On a administré un test au deuxième
donneur treize ans plus tard. Selon le Dr Kleinman, le test
de détection des anticorps de l'hépatite C révèle
une réaction du système immunitaire de la personne
infectée à l'exposition au virus de l'hépatite
C. Cette réaction se produit généralement
en l'espace des quelques premiers mois après l'exposition
au virus. Lorsqu'une telle réaction se produit, elle
est durable et durera plusieurs décennies et probablement
toute la vie chez la vaste majorité des gens.
37. Le Dr Kleinman a aussi déclaré que les anticorps
de l'hépatite C persisteront tant chez les personnes
qui demeurent infectées par l'hépatite C que
chez celles dont le système immunitaire a réussi
à enrayer l'infection virale de l'hépatite C.
Le Dr Kleinman a aussi fourni la preuve que plusieurs études
à long terme ont démontré que le test
de détection des anticorps de l'hépatite C indique
plus efficacement que le test ACP la présence d'une
infection antérieure de l'hépatite C. Ces études
démontrent qu'entre 20 à 45 % des personnes
reconnues avoir été infectées préalablement
par le VHC se révèleront porteurs des anticorps
du VHC mais exempts du virus selon le test ACP environ 17
à 23 ans après la première infection.
38. Le Dr. Kleinman a aussi témoigné que plusieurs
versions du test de détection des anticorps de l'hépatite
C ont été homologués depuis 1990. On
a homologué chaque version seulement après avoir
validé la fiabilité des résultats.
39. Le Dr Kleinman a aussi examiné les résultats
du test de détection des anticorps dans le cas présent
et il a confirmé qu'ils étaient clairement négatifs
et qu'ils avaient été interprétés
correctement.
40. Le Dr Kleinman a aussi déclaré que le taux
de donneurs immunodéprimés VHC positifs et exempts
des anticorps est de un sur 7,7 millions. Même s'il
n'y avait pas de dépistage du VHC en 1988, il y en
avait pour le VIH. Les deux donneurs en question n'auraient
pas été infectés par le VIH.
41. Dans son rapport en date du 14 janvier 2002, le Dr Kleinman
a tiré les conclusions suivantes :
1. La possibilité que l'un des deux donneurs de sang
VHC négatifs ait transmis l'hépatite C à
l'appelante au moment de leurs dons antérieurs de sang
est extrêmement éloignée. Selon les données
que l'on trouve dans les documents, la fréquence de
contagion d'un donneur de sang (c.-à-d. VHC positif
selon le test ACP) tout en étant exempt des anticorps
du VHC est d'environ un sur 7,7 millions.
2. Si l'infection s'était produite à la suite
de ces transfusions à l'appelante au début de
1988, le temps d'absorption à partir du début
de l'infection par l'hépatite C jusqu'à la transplantation
hépatique aurait été de moins de sept
ans. Il s'agit là d'un temps d'absorption hautement
inhabituel. L'apparition de l'insuffisance hépatique
en 1994 serait plus conforme à une date d'infection
avant 1986.
3. L'absence d'une source identifiable d'infection par l'hépatite
C ne signifie pas par défaut que l'hépatite
C ait été acquise par suite d'une transfusion
sanguine.
42. D'autres témoins en faveur de l'Administrateur
comprenaient (i) Carol Miller, la coordonnatrice des appels
de l'Administrateur et une infirmière autorisée
depuis plus de 20 ans; et tel que mentionné, (ii) Lindsay
Patterson, de la SCS et (iii) Madame Petra Welsh, gestionnaire
de laboratoire du centre de transfusion de la SCS à
Vancouver. Les preuves fournies par ces trois témoins
collectivement, me convainquent que l'Administrateur et la
SCS ont suivi les procédures et les protocoles requis
lors des procédures d'enquête portant sur la
réclamante, à savoir que les donneurs ayant
fourni le sang transfusé au cours de la période
visée par les recours collectifs étaient exempts
des anticorps du VHC.
VI. Juridiction/Autorité
43. Selon la Convention de règlement, le rôle
de l'Administrateur est d'administrer les modalités
et conditions du Régime. L'Administrateur n'a pas le
pouvoir discrétionnaire d'autoriser une indemnisation,
lorsque la preuve d'admissibilité n'existe pas. L'Administrateur
n'a pas le pouvoir de modifier ou d'ignorer les modalités
et conditions du Régime. À titre d'arbitre,
ma juridiction est également limitée. Je suis
également lié aux modalités et conditions
de la Convention de règlement ainsi que du Régime
et des protocoles approuvés par les tribunaux. Je ne
peux certainement pas prendre de décision qui leur
soit contraire ou les modifier, même si je pensais qu'elles
comportaient des lacunes.
44. Dans une décision du juge-arbitre John Sanderson,
c.r., confirmée par le juge Pitfield de la Cour suprême
de la Colombie-Britannique dans l'affaire du Régime
à l'intention des transfusés infectés
par le VHC de la Convention de règlement relative au
VHC (1986-1990) concernant la réclamation no 1300430,
la décision 908 de la CSCB de 2002, le juge-arbitre
a déclaré ce qui suit :
Les mots utilisés dans l'article 3.04(1) du
Régime sont clairs et non ambigus à l'effet
que l'Administrateur " . . . doit refuser la réclamation
. . ." dans de telles circonstances. L'Administrateur
doit administrer le Régime selon les modalités
de ce dernier. L'Administrateur n'est pas autorisé
à modifier ou à ignorer les modalités
du Régime. De la même manière, lorsqu'un
juge-arbitre est appelé à examiner une décision
de l'Administrateur, il doit appliquer les dispositions pertinentes
du Régime aux circonstances individuelles du réclamant
mais il ne peut ni en modifier ni en ignorer les dispositions.
VII. Analyse
45. En fin de compte, le représentant de la réclamante
ne pouvait qu'argumenter que, dans le cas présent,
la procédure d'enquête était insatisfaisante
et non fiable, qu'il y avait preuve pour réfuter le
résultat de l'enquête en vertu du paragraphe
3.04(2) et qu'il faudrait effectuer les tests ACP à
partir des échantillons obtenus dans le cadre de la
procédure d'enquête.
46. Je peux comprendre que la réclamante et son représentant
ont dû éprouver une certaine frustration lorsqu'ils
ont dû traiter avec certains organismes administratifs
qui ont des règles établies et des procédures
standards d'opération, dont certaines ne sont pas disponibles
à l'examen du public. De plus, je peux comprendre qu'il
peut y avoir un certain montant de frustration et de doute
lorsque les résultats des enquêtes et des tests
de sang des donneurs sont fournis sans documents-source. Cependant,
tel que rédigés présentement, le Régime
et les protocoles ne requièrent pas la production de
documents- source.
47. Dans le cas présent, je suis convaincu que l'Administrateur
a correctement suivi les procédures d'enquête
approuvées par les tribunaux, y compris le Protocole
d'enquête approuvé par le tribunal.
48. Je suis également convaincu que, selon toutes les
preuves fournies, les résultats du test des anticorps
de l'hépatite C sont valides et fiables.
49. Le Protocole d'enquête requiert que, conformément
au sous-paragraphe 3.04(1) du Régime, l'Administrateur
rejette une réclamation lorsque les renseignements
découlant de l'enquête indiquent que les donneurs
du sang reçu par une personne prétendant être
directement infectée au cours de la période
visée par les recours collectifs ne sont pas VHC positifs.
L'Administrateur a donc rejeté la réclamation
dans le cas présent. Le rejet était sujet au
droit de la réclamante de fournir la preuve réfutant
les résultats de la procédure d'enquête
tel que stipulé au paragraphe 3.04(2) du Régime.
50. Je suis d'accord avec les commentaires de l'arbitre Wacyk,
qui a rendu la décision dans le cas de la réclamation
no 1402149 du 16 février 2002 en Ontario :
[Traduction]
[Le paragraphe] 3.04(2) stipule qu'il faut une preuve
spécifique relativement à un réclamant
particulier et qui prouve, selon la prépondérance
des probabilités que le réclamant a d'abord
été infecté par le VHC à la suite
d'une transfusion sanguine reçue au Canada durant la
période visée par les recours collectifs.
51. Dans le cas présent, il n'y avait aucune preuve
probante à l'effet que les résultats négatifs
du test de détection des anticorps du VHC, obtenus
suite à la recherche dans les dossiers au sujet du
premier donneur et à l'investigation relative à
la période visée au sujet du deuxième
donneur étaient non valides ou non fiables. L'absence
de tests ACP est non pertinente, étant donné
le libellé du Régime et du Protocole d'enquête.
52. De plus, la preuve scientifique n'appuie pas l'affirmation
de la réclamante à l'effet qu'elle a dû
d'abord avoir été infectée par les transfusions
sanguines en 1988. Comme l'a indiqué le Dr Kleinman
dans son rapport en date du 14 janvier 2002 :
[Traduction] Les donneurs de sang ne sont probablement pas
immunodéprimés, étant donné qu'ils
ont réussi l'entrevue de donneur de sang et se sont
avérés VIH négatifs lors du test. Ces
conclusions de tests relatifs à l'hépatite C
chez les donneurs de sang indiquent que, bien qu'il soit possible,
selon le test ACP, qu'un individu doté d'un système
immunitaire probablement normal s'avère VHC positif,
les anticorps négatifs de l'hépatite C au-delà
de l'intervalle prévue de 2 à 3 mois, cette
conclusion est extrêmement rare (selon les données
publiées par l'American Red Cross, on estime que sa
fréquence est de 1 sur 7,7 millions de dons vérifiés).
53. Il y a aussi la preuve du Dr Kleinman, acceptée
par le Dr Norrie, à savoir que dans 10 % des cas d'hépatite
C, on ne peut retracer la source de l'infection.
54. De plus, les deux experts ont témoigné que
la date de l'insuffisance hépatique indique généralement
que l'infection de la réclamante se serait produite
beaucoup plus tôt qu'en 1988, quoique ni l'un ni l'autre
ne pouvait entièrement écarter la possibilité
d'une infection à une date ultérieure.
55. À mon avis, après avoir examiné toute
la preuve, la réclamante est très loin d'avoir
pu démontrer, selon la prépondérance
des probabilités, qu'elle avait d'abord été
infectée par le VHC suite à une transfusion
sanguine reçue au Canada au cours de la période
visée par les recours collectifs. Selon les faits présentés
dans le cas présent, je dois conclure que l'Administrateur
a correctement établi que la réclamante n'avait
pas droit à l'indemnisation en vertu de la Convention
de règlement.
56. Je maintiens le refus, par l'Administrateur, de la demande
d'indemnisation de la réclamante.
Fait à Vancouver, le 15e jour du mois d'août
2002.
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Vincent R.K. Orchard,
Arbitre
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