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Renvois : Décisions homologuées par le juge arbitre : #151 - Le 25 juin 2004

Décision du tribunal compétent en matière de recours collectifs - le 15 décembre 2004

D É C I S I O N

La réclamante a présenté une demande d'indemnisation à titre de personne directement infectée dans le cadre du régime à l'intention des transfusés infectés par le VHC.

Dans une lettre du 29 août 2002, l'administrateur du règlement des recours collectifs a refusé la réclamation, avisant la réclamante qu'elle n'avait pas fourni suffisamment de preuve à l'effet qu'elle avait reçu du sang au cours de la période du recours.

La réclamante a présenté une demande de renvoi, demandant que la décision de l'administrateur soit révisée par un juge-arbitre. C'est à ce titre que j'étudie la présente demande de renvoi.

La réclamante a demandé une audition orale et une première date avait été retenue pour l'audition, soit le 18 février 2003. Le procureur de la réclamante ayant demandé une remise et ayant annoncé plusieurs témoins (dont certains auraient à être entendus à l'aide d'un interprète), deux (2) jours ont été fixés pour telle audition, soit les 4 et 5 novembre 2003. La réclamante, alors représentée par un nouveau procureur, a demandé une nouvelle remise, et l'audition de ce renvoi a finalement eu lieu, à Montréal, les 23 et 24 février 2004.

J'avais jugé utile de procéder, avant l'audition, à un appel conférence avec le procureur de la réclamante et le conseiller juridique du Fonds, dans l'espoir de circonscrire le débat, mais un total de dix (10) témoins ont quand même dû témoigner, dont sept (7) pour la réclamante.

Dans la demande de renvoi, la réclamante disait souhaiter que la décision de l'administrateur soit révisée parce que le dossier de l'Hôpital de St. Mary avait été altéré et que certains documents avaient été détruits. Elle annonçait une expertise d'écriture sur le dossier médical et une preuve testimoniale «pour établir pourquoi et comment le dossier médical a été altéré». Le procureur de la réclamante a choisi de ne pas faire entendre de témoin quant à l'expertise d'écriture, mais une longue preuve a été présentée quant aux autres éléments de la demande de renvoi.

Je me dois d'analyser ces témoignages et les documents déposés pour voir si la réclamante a pu rencontrer le fardeau qui était le sien selon l'article 3.01(2) du régime.

La réclamante a été hospitalisée, en avril 1988, au Centre Hospitalier de St. Mary, à Montréal, pour donner naissance à son deuxième enfant. En raison d'un problème de pré-éclampsie et de ce qui est décrit au dossier comme «détresse fœtale», l'on a procédé à une césarienne. L'enfant, de sexe masculin, est né dans la nuit du 20 au 21 avril 1988, vers 01h30 du matin. Le dossier obstétrical indique la perte de 900 cc de sang lors de la césarienne.

Le dossier du Centre Hospitalier de St. Mary n'indique pas que la réclamante a reçu quelque transfusion que ce soit.

La réclamante a témoigné longuement sur divers sujets. Concernant son séjour au centre hospitalier, je retiens qu'elle nous dit s'être réveillée, après son accouchement par césarienne, vers 03h00 dans la nuit, et avoir réalisé qu'elle recevait alors une transfusion de sang.

Elle nous dit aussi avoir reçu la visite d'une amie dans la matinée, puis d'une autre amie le lendemain, probablement vers l'heure du midi.

Elle a témoigné longuement pour faire état de problèmes qu'elle aurait eus avec un médecin qui l'a suivie en 1999 et 2000, Dr. V., lequel lui aurait dit, le temps venu de présenter une demande d'indemnisation au Fonds, qu'il avait la preuve qu'elle avait bel et bien reçu une transfusion, mais qu'il ne lui donnerait pas accès à cette preuve si elle ne remplissait pas certaines conditions. Madame la réclamante explique que ces conditions étaient principalement reliées à des questions administratives découlant d'un accident de travail qu'elle avait eu quelque temps auparavant. Cette histoire de menaces et de conditions à respecter a été niée de façon ferme et sans équivoque par le Dr V. qui a témoigné à la demande du procureur du Fonds.

La réclamante a longuement témoigné sur les circonstances de l'une de ses visites chez le Dr V., alors que ce dernier lui aurait remis copie de son dossier à l'Hôpital de St. Mary. Or, la réclamante affirme que le Dr V. aurait cherché à lui cacher quelque chose en photocopiant de façon négligente ou fautive ce qui est devenu la page 273 du dossier, au bas de laquelle on retrouve les mots «hemaetology report – blood bank». Analysant cette page 273, j'estime que tout ce qu'elle indique est que la personne ayant fait la photocopie à partir de l'original, à l'Hôpital de St. Mary, avait omis de soulever un feuillet d'hématologie avant de copier la feuille suivante. L'on sait que la copie du dossier avait été transmise par le Centre Hospitalier de St. Mary au Dr V. en avril 2000 et qu'il n'a jamais eu en sa possession l'original du dossier. S'il y avait un problème de photocopie, tel problème ne venait pas du Dr V., mais plutôt du centre hospitalier.

À tout événement, cette question de la fameuse page 273 ne me paraît pas significative dans le présent cas. La nouvelle copie du dossier de la réclamante, à St. Mary (pièce F-4) est identique quant à tout ses éléments pertinents, à la copie remise à l'origine à la réclamante, si ce n'est que la fameuse page 273 a maintenant été copiée comme il se doit en feuillets distincts, aucun d'entre eux n'étant indicatif de quelque transfusion.

La réclamante a nié que ce soit sa signature qui paraisse aux pages 38 (correction au formulaire Tran 3), 39 (Tran 4, autorisation de commencer la procédure d'enquête), 41 (Gen 5, autorisation de divulguer des renseignements), 42 (Gen 6, autorisation de divulguer des renseignements) et 67 (lettre du 30 août 2000 adressée à qui de droit à l'Hôpital de St. Mary), ajoutant même à l'audition que cette dernière signature était illisible; par ailleurs, elle reconnaît d'emblée sa signature à la page 45 (laquelle est une demande de résumé du dossier de la Clinique Everett – Métro St-Michel du 21 juin 2000.

La signature de la page 45 me paraît identique à celle paraissant aux pages 29, 38,39, 41 et 42 ou encore aux pages 37, 68, 71, 109 ou 110 du dossier. La page 37 me paraît significative en ce que la signature, identique à toutes les autres, est attestée par quelqu'un qui a signé comme commissaire à l'assermentation, et je cite l'attestation:

«J'atteste que le formulaire de déclaration a été lu en ma présence au déclarant, que le déclarant semblait l'avoir compris, et que le déclarant a signé la déclaration ou placé sa marque en ma présence.»

La partie déclarante est identifiée à la page qui précède (page 36 du dossier du Centre des réclamations) comme étant la réclamante à notre présente demande de renvoi. Le commissaire à l'assermentation n'a pas été appelé à témoigner devant moi.

Toujours sur cette question de signature, un fils de la réclamante, aujourd'hui âgé de 20 ans, a reconnu la signature de sa mère sur un document (pièce F-1), que l'on sait être d'avril 2000 et encore une fois, telle signature me paraît semblable à toutes les autres mentionnées ci-haut.

Tout en étant conscient des difficultés de langage et du fait qu'un témoignage traduit du vietnamien au français peut perdre de la spontanéité et certaines nuances, et conscient que je suis de ce qui peut être des différences culturelles, le témoignage de la réclamante m'a paru rempli d'exagérations, de demi-vérités et d'affirmations qui sont demeurées non corroborées ou encore qui ont été purement contredites.

Ceci m'amène à la pièce D-1 qui nous a été présentée comme étant un journal (et sa traduction du vietnamien au français) écrit par la réclamante d'abord le 26 avril 1988 (soit 5 jours après la naissance), puis complété en mai 1988. La traduction qui nous en a été faite parle effectivement de perte de presque 2 litres de sang et d'une transfusion sanguine faite à 01h40 le 21 avril 1988 et le 22 avril 1988.

J'ai lu avec attention la version française qui nous a été présentée de ce qui est appelé le «journal de bord» de la réclamante et l'interprète officiant lors de l'audition nous en a fait une nouvelle interprétation verbale. Ce document, qui ne saurait avoir la force probante d'un écrit authentique ni semi-authentique, doit être analysé à la lumière de tous les autres documents et de tous les autres témoignages. Malheureusement, il est présenté dans un contexte où le témoignage de la réclamante est loin de me satisfaire et de me convaincre, et où les faits rapportés au dossier hospitalier (aucune évidence de transfusion, perte sanguine de 900 cc, etc.) contredisent ce qui est écrit à la pièce D-1. Les explications à savoir quand ce document a été préparé et dans quel contexte m'ont paru peu convaincantes, et je n'accepte pas ce document comme ayant une valeur probante plus grande que le témoignage même de la réclamante.

Le dossier de St. Mary me paraît complet et ne donne aucune indication qu'il y a eu une transfusion de sang. D'ailleurs, il m'est impossible de ne pas souligner le fait que je retrouve, aux notes de nursing, depuis la nuit du 21 avril jusqu'à la fin de la journée du 22 avril, quelque 22 annotations comme quoi la réclamante recevait d'abord 2 solutés puis un seul soluté. Il me paraît important de noter que dans les premières heures après la naissance, la réclamante recevait, selon le dossier hospitalier, un soluté dans chaque bras ( note de 03h00, 05h00, 07h10; l'on parle aussi de 2 solutés dans une note du 21 avril, à 15h00).

Que les infirmiers et infirmières aient pris soin de faire 22 annotations fort détaillées concernant les solutés, mais n'aient rien écrit concernant une ou même deux transfusions de sang que madame prétend avoir reçues, dépasserait l'entendement.

L'article 3.01(2) nous dit que si un réclamant ne peut se conformer aux dispositions du paragraphe 3.01(1)a (i.e. établir par des dossiers médicaux, cliniques, de laboratoire, d'hôpital… qu'il a reçu une transfusion de sang durant la période visée), il peut présenter une preuve corroborante établissant selon la prépondérance des probabilités qu'il a reçu une transfusion de sang au cours de la période visée. L'article 3.01(2) ajoute que cette preuve doit être indépendante des souvenirs personnels du réclamant ou de toute personne qui est membre de la famille du réclamant.

Plusieurs autres personnes sont donc venues témoigner pour la réclamante:

* Dr Ly (médecin-traitant de madame)

Il a confirmé qu'à sa connaissance, la réclamante ne faisait pas usage de drogues intra-veineuses sans prescription et que les autres membres de la famille de la réclamante étaient négatifs quant au VHC. Il a apporté peu de renseignements quant à la source possible de la contamination chez la réclamante.

* Deux amies de la réclamante

Elles ont témoigné tour à tour pour faire part de leurs souvenirs de leur visite respective à la réclamante lors de son séjour au centre hospitalier.

La première de ces dames nous dit avoir visité la réclamante les 21 et 22 avril, vraisemblablement tôt le matin (vers 08h00 du matin, dit-elle). Elle dit avoir remarqué le 21 avril un sac de sérum et un sac de sang.

Or, tel que mentionné plus haut, les notes au dossier pour 07h10 le matin du 21 avril nous disent:

«… IV (R) arm 1000cc 2/3 – 1/3 c 40u Syntocinon infusing @ 50 cc has 800 cc TBA. IV (L) arm M/L 1000 2/3 – 1/3 all TBA. IV 1000 2/3 – ¼ c 10g MgSO4 has 600 cc TBA»

Je n'ai pas à commenter le témoignage de cette première amie autrement qu'en disant que je préfère les notes contemporaines préparées par le nursing à un témoignage par ailleurs assez flou rendu 16 ans après les faits.

* Quant à la deuxième amie, elle affirme tantôt être venue le matin à 08h00, tantôt dans l'après-midi, soit le 21, soit le 22 avril. Elle dit se souvenir que la réclamante ne recevait au moment de sa visite qu'un seul sac, ajoutant que vaguement, elle avait vu de la couleur rougeâtre, mélangée avec du blanc. J'estime que ce témoin, sans doute de bonne foi, ne nous a rien donné permettant d'établir que la réclamante recevait une transfusion.

La réclamante a aussi fait entendre son ex-conjoint lequel a témoigné de façon colorée et remplie de bonhomie.

Monsieur explique que son épouse a reçu une première transfusion à 01h40 (pour une durée d'environ 3 heures) dans la nuit du 21 avril, puis un autre sac le matin du 22 avril. Il explique aussi que les transfusions de sang et un soluté étaient tous deux donnés dans le bras gauche de la réclamante. Il continue en décrivant la visite des deux (2) amies de la réclamante, les situant à des moments incompatibles avec le témoignage de celles-ci.

J'interprète la restriction imposée par le «indépendante des souvenirs…de toute personne qui est membre de la famille» de l'article 3.01(2) comme voulant dire que si seuls des membres de la famille témoignent, ce n'est pas en soi une preuve suffisante et acceptable. Par ailleurs, s'il y a une telle preuve indépendante, cette preuve s'ajoutera au témoignage des membres de la famille, ajoutant ainsi du poids à ces témoignages. Ici, j'estime d'une part qu'il n'y a pas de témoignage probant de personnes indépendantes, et d'autre part, le témoignage de M. le conjoint m'a paru incompatible avec le dossier hospitalier et les autres témoignages qu'il cherchait à corroborer.

La réclamante a aussi fait témoigner ses deux fils.

Le fils aîné, maintenant âgé de vingt (20) ans est venu faire état de visites où il aurait accompagné sa mère chez le Dr V., en janvier, avril et juin 2000. Il explique que le médecin à qui madame demandait copie de son dossier était tellement fâché, faisait les copies tellement rapidement, que certaines feuilles se sont empilées les unes par-dessus les autres, cherchant ainsi je présume à expliquer la fameuse page 273 du dossier hospitalier. Encore une fois, je ne vois pas dans cette feuille 273 une question importante, mais on y a fait référence à plusieurs moments lors de l'audition. Les explications suggérées par le fils dans son témoignage défient toute logique puisque seulement les feuillets originaux auraient pu s'empiler pour produire la feuille 273, (donc lors de la copie originale au centre hospitalier). À tout événement, les états d'âme du Dr V., qu'il ait été de bonne humeur ou en rogne lorsqu'il a reçu la visite de la réclamante, ne me paraissent pas pertinents.

Quant au témoignage du fils cadet, son témoignage paraît plus relié à ses conversations avec son frère aîné et avec son père qu'à ses véritables souvenirs. À tout événement, ses explications des rencontres de la réclamante avec le Dr V. sont contredites par Dr V. lui-même et, encore une fois, toute cette question ne me paraît pas pertinente.

Le médecin-traitant de madame, Dr V., a témoigné à l'effet que même s'il avait noté en avril 2000 qu'il n'y avait pas de mention de transfusions au Centre Hospitalier de St. Mary, il a néanmoins signé le formulaire Tran 2 en juin 2000, sur la base de la déclaration de madame, expliquant que la réclamation était ainsi faite de bonne foi et que c'était au comité de prendre la décision qui s'imposait. Il nie avoir fait quelques menaces à madame et affirme n'avoir jamais dit à la réclamante qu'il détenait la preuve qu'elle avait été contaminée par une transfusion.

Dr V. m'a paru témoigner de façon franche et sans parti pris.

L'archiviste du Centre Hospitalier de St. Mary, madame Laviolette, a aussi témoigné. Elle confirme que le dossier tel que présentement constitué lui paraît complet, que tel dossier n'a pas été épuré par le centre hospitalier, qu'il n'y a aucune indication que le Dr V. soit venu consulter le dossier au centre hospitalier ou qu'il ait eu en quelque temps que ce soit l'original en sa possession, et enfin, que le dossier ne contient aucune évidence de transfusion. Elle complète son témoignage en disant que «ce n'est pas un dossier incomplet».

Le conseiller juridique du Fonds a aussi fait témoigner un représentant de l'administrateur, monsieur Antonin Fortier, lequel s'est décrit comme étant évaluateur des réclamations des recours collectifs de l'hépatite C. M. Fortier a expliqué le cheminement d'un dossier de réclamations auprès du Centre et expliqué comment la décision des membres vérificateurs avait été prise dans le présent cas. Le procureur de la réclamante a soulevé le fait que l'administrateur se devait d'être plus ouvert auprès des réclamants et les inciter, le cas échéant, à présenter une preuve selon l'article 3.01(2). Je partage les vues de Me Latour à ce sujet mais je doute que même si la réclamante avait présenté toute sa preuve avant la décision finale de l'administrateur, que la décision aurait été différente. La réclamante a su, avec l'aide des divers avocats qu'elle a consulté durant la vie de ce dossier, présenter une preuve détaillée; malheureusement, cette preuve ne me paraît pas satisfaire aux dispositions de l'article 3.01(2).

J'ai revu mes notes par ailleurs fort détaillées de tous les témoignages et relu également les documents déposés de part et autre et je suis satisfait que la réclamante ne s'est pas déchargée de son fardeau d'établir qu'elle avait effectivement reçu une transfusion durant la période visée

J'en arrive à cette conclusion malgré le travail acharné du procureur de la réclamante et son plaidoyer fort bien présenté. Je me dois d'ailleurs de remercier tant le procureur de la réclamante que l'avocate représentant le Fonds pour leur préparation et l'aide qu'ils m'ont apporté à faire l'analyse du présent cas.

Après avoir examiné toute la preuve, j'en arrive donc à la conclusion que l'administrateur a correctement établi que la réclamante n'avait pas droit à l'indemnisation en vertu de la convention de règlement. Je maintiens la décision de l'administrateur et je rejette la demande de renvoi.

Montréal, le 25 juin 2004

Jacques Nols
Juge-Arbitre

D É C I S I O N  du tribunal compétent en matière de recours collectifs - le 15 décembre 2004

 

Déni de responsabilité