Renvois : Décisions
homologuées par le juge arbitre : #93 - Le 16 avril 2003
Décision du juge arbitre relative
aux coûts - le 17 décembre 2003
D É C I S I O N
1000367 est née en 1932. À l'âge de 56
ans, elle a été admise à l'Hôpital
Civic d'Ottawa pour une chirurgie cardiaque. Le 6 juillet
1988, elle a reçu une transfusion d'une seule unité
de sang. Environ un mois plus tard, elle a été
admise à l'Hôpital général de Belleville
où on a diagnostiqué une hépatite aiguë
(non-A, non-B).
Pour être admissible à une indemnisation en vertu
du Régime à l'intention des transfusés
infectés par le VHC, la personne directement infectée
doit avoir reçu une transfusion de sang durant la période
visée par les recours collectifs d'un donneur qui est
reconnu comme étant infecté par le virus de
l'hépatite C. La transfusion a eu lieu durant la période
visée par les recours collectifs.
La procédure de la Société canadienne
du sang (" SCS ") est d'effectuer une enquête
de retraçage de l'unité transfusée. Les
résultats de cette enquête ont été
résumés dans une lettre datée du 8 juin
2000 de la SCS qui affirme que 1000367 avait reçu 1
unité de globules rouges en 1988 et que le test avait
établi que le donneur de cette unité avait obtenu
des résultats négatifs au VHC. D'autres tests
du donneur ont continué à indiquer des résultats
négatifs. L'Administrateur a rejeté la réclamation
en se basant sur ces résultats. En outre, l'Administrateur
a conclu que le décès de 1000367 n'a pas été
causé par son infection par le VHC.
Il y a deux ensembles d'avis médicaux contradictoires
à prendre en ligne de compte. Le Dr Ashok Khanna d'Orlando,
Floride, était le médecin traitant au moment
du décès. Trois courtes lettres du Dr Khanna
indiquent :
Lettre datée du 25 mai 2000
La présente atteste que [1000367] que j'ai soignée
à l'Hôpital Sandlake était gravement malade
et souffrait de tumeurs multiples au foie et aux poumons.
Une copie du rapport de pathologie chirurgicale de l'Hôpital
général de Belleville datée du 08/25/88
démontrant une hépatite virale aiguë et
le rapport du Dr J. Heathcote de la clinique du foie de l'Hôpital
Toronto Western daté du 10/18/90 qui soutien que le
test de détection de l'hépatite C s'était
avéré positif ainsi que ma copie de sa dernière
radiographie pulmonaire à l'Hôpital de Belleville
datée du 05/12/94 qui indiquaient que ses poumons étaient
clairs m'ont amené à conclure que le carcinome
hépatocellulaire a commencé au niveau de son
foie et s'est répandu dans ses poumons.
Il n'y avait, sans aucun doute, aucune évidence physique
de cirrhose du foie. Malheureusement dû à la
condition de faiblesse de la malade, nous avons été
incapables d'effectuer une biopsie du foie.
La malade avait souffert depuis 1988 d'une hépatite
C transfusée par injection et c'est ce qui a causé
la détérioration rapide de son état de
santé. Elle a été admise à l'Hôpital
Sandlake le 03/17/96 et elle est décédée
durant son transfert au Canada par avion le 03/21/96.
Lettre en date du 26 juillet 2001
Objet : [1000367]
J'ai visité la malade susmentionnée à
Hôpital Sandlake le 17 mars 1996. Elle souffrait d'une
hépatopathie décompensée tel que manifestée
par un déréglage de l'enzyme hépatique,
coagulopathie et apparence d'ictère. Une scanographie
a révélé de nombreuses tumeurs métastatiques
au niveau du foie qui se sont inévitablement propagées
dans ses poumons. Tout ceci est par conséquent dû
à son hépatite C et sa cirrhose du foie qui
ont causé un carcinome hépatocellulaire. À
mon avis, elle a reçu du sang infecté, ce qui
a causé son hépatite C et par suite son décès
prématuré.
Troisième lettre
J'écris cette lettre au sujet de [1000367] que j'ai
traitée à l'Hôpital Sandlake en 1996.
La patiente à l'époque était gravement
malade. Elle souffrait d'hépatite C et d'insuffisance
respiratoire. Infectée par une hépatite C chronique
au moment de son admission elle a été diagnostiquée
comme étant atteinte d'un cancer métastatique.
Notre intention à ce moment était de procéder
à une biopsie de l'organe du foie cible mais dû
à la gravité de son hépatopathie décompensée,
nous n'avons pu effectuer la biopsie. Si nous avions fait
la biopsie à l'époque, nous aurions pu détecter
des preuves d'hépatite C et de cirrhose (étant
donné que nous avons pu palper aucune hypertrophie
du foie - la cirrhose cause un rétrécissement
du foie). Je crois que l'hépatite C chronique s'était
transformée en un carcinome hépatocellulaire
et ensuite répandue dans ses poumons. J'avais examiné
les notes du Dr Kleinman et autres notes de médecins.
Je ne suis pas d'accord avec l'avis du Dr Kleinman car, avant
sa venue à Orlando, il n'y avait aucun rapport de maladie
des poumons, alors qu'elle souffrait d'hépatite C qui,
je crois, a été la cause de son décès.
Le Dr Russell Scott dit que 1000367 a souffert d'hépatite
due à une transfusion et qu'elle ne souffrait pas d'hépatite
avant son séjour à l'Hôpital Civic d'Ottawa.
Le Dr William Depew du département de médecine
(Gastroentérologie) de l'Université Queen's
conclut qu'il est raisonnable que 1000367 ait contracté
l'hépatite C par suite de la transfusion sanguine.
Il a également indiqué que de 15 à 20
% des personnes infectées le sont d'une source qu'on
ne peut déterminer. La date où elle a contracté
l'hépatite C est presque précisément
lors de sa chirurgie cardiaque en juillet 1988. Le Dr Lietaer
et le Dr Heathcote étaient d'avis que l'hépatite
était secondaire à sa transfusion de sang. Dans
son résumé du rapport de congé de l'hôpital,
le Dr Robertson était d'avis que l'hépatite
était reliée à une transfusion.
Donc, six médecins - Khanna, Depew, Scott, Lietaer,
Heathcote et Robinson - croient que la transfusion était
la cause de l'hépatite.
Du côté de la défense, le Dr Diaz-Mitoma
et le Dr Kleinman étaient d'un autre avis, bien que
ni l'un ni l'autre n'aient jamais examiné la patiente.
Le protocole d'enquête prévu dans le Régime
indique que, selon le Dr P. Lesley, directeur médical
adjoint de la SCS, les tests étaient négatifs
et ne comprenaient aucun résultat de laboratoire indiquant
la présence de l'hépatite C.
Il est important pour moi que deux médecins traitants,
le Dr Khanna et le Dr Depew, aient trouvé une preuve
d'ictère et aient conclu que le carcinome s'était
propagé du foie aux poumons.
Le Dr Steven Kleinman a témoigné au nom de
l'Administrateur. Il est professeur clinique de pathologie
à la Faculté de médecine de l'Université
de Colombie-Britannique et scientifique adjoint pour la SCS.
Je le reconnais à titre d'expert sur les maladies reliées
au sang, les tests de dépistage sanguins et le retraçage
des receveurs. La Société canadienne du sang
a conclu qu'il n'y a pas de résultat de laboratoire
à l'appui d'une infection par l'hépatite C du
produit sanguin transfusé.
L'Administrateur a refusé la réclamation en
raison du fait qu'il n'y avait pas de preuve à l'effet
que la réclamante avait été infectée
pour la première fois par le VHC par suite d'une transfusion
de sang reçue au Canada au cours de la période
visée par les recours collectifs. Je reconnais que
l'Administrateur a correctement basé sa décision
sur la procédure d'enquête lorsqu'il a rejeté
la réclamation. Cependant, selon le paragraphe 3.04(2),
le réclamant peut toujours prouver qu'il a droit à
une réclamation nonobstant une enquête de retraçage
négative.
Le Dr Kleinman est le coauteur d'un article en date de juillet
1997 qui a paru dans " Transfusion Medicine Reviews "
et qui disait ce qui suit :
[Traduction libre] " Bien qu'on vérifie si chaque
unité de sang donnée comporte des preuves d'infection
provenant d'agents viraux spécifiques, il y a au moins
quatre raisons qui peuvent expliquer pourquoi la transmission
de ces agents viraux peut toujours se produire. La principale
raison est que le donneur obtient des résultats de
tests de laboratoire négatifs aux premières
étapes de l'infection, que l'on connaît comme
étant la fenêtre sérologique. Un second
facteur qui contribue au risque d'infection transmise lors
d'une transfusion pour certains agents est l'existence de
l'état de porteur chronique où le donneur asymptomatique
sur le plan clinique s'avèrera constamment négatif
lors d'un don diagnostic biologique. Troisièmement,
la diversité biologique de l'agent viral peut être
assez importante pour que les tests de dépistage de
laboratoire ne soient pas en mesure de détecter certains
donneurs infectieux qui hébergent une variante génétique
atypique particulière. Un quatrième facteur
qui contribue théoriquement à une infection
possiblement transmise par une transfusion est l'erreur de
laboratoire lors de l'exécution des tests de dépistage;
cependant, étant donné le faible taux de prévalence
de donneurs infectés et le degré de précision
élevé des tests automatisés, on estime
que de telles erreurs se produisent extrêmement rarement.
Je m'empresse de noter que les faits du présent cas
ne se situent pas dans la " fenêtre sérologique."
Il me semble que c'est parce qu'ils en étaient conscients
que ceux qui ont rédigé le Régime ont
inclus le paragraphe 3.04(2).
Dans le cas présent, il n'y a pas d'autres facteurs
de risque que celui de la transfusion. Il semble n'y avoir
aucune autre explication de la présence de l'hépatite
C, à part la transfusion.
Je reconnais les preuves des médecins traitants à
l'effet que la transfusion a causé l'infection. J'accueille
ce renvoi avec dépens.
Ce serait de la négligence de ma part de ne pas féliciter
les deux conseillers juridiques pour leur excellente plaidoirie.
FAIT à Toronto ce 16e jour d'avril 2003.
L'honorable Robert S. Montgomery, c. r.
Juge arbitre
Décision du juge arbitre relative
aux coûts - le 17 décembre 2003
CAUSE DE RENVOI PORTANT SUR
UNE DÉCISION DE L'ADMINISTRATEUR
EN VERTU DU RÈGLEMENT À L'INTENTION
DES TRANSFUSÉS INFECTÉS PAR LE VHC (1986-1990)
ENTRE :
LA RÉCLAMATION NUMÉRO I000367
DE LA PROVINCE D'ONTARIO
-ET-
L'ADMINISTRATEUR DU RÈGLEMENT
DES RECOURS COLLECTIFS RELATIFS À L'HÉPATITE
C
CONSEILLERS JURIDIQUES :
Philip P. Healey
pour le réclamant
Carolyn J. Horkins
Conseillère juridique représentant l'Administrateur
DÉCISION RELATIVE AUX COÛTS
À titre de juge arbitre en vertu du Règlement
relatif à l'hépatite C, ma seule compétence
se limite à la Convention de règlement.
L'Annexe C du Régime à l'intention des transfusés
infectés par le VHC précise les pouvoirs du
juge arbitre et traite spécifiquement des coûts
:
1. Pouvoirs du juge arbitre
Un juge arbitre aura le pouvoir :
(g)
d'accorder des dépens, conformément
au tarif devant être établi par les
tribunaux.
Un juge arbitre ou un arbitre n'a aucune compétence
d'accorder des dépens au-delà du tarif indiqué.
Le tarif maximum admissible est de 1 700 $. J'accorde donc
des dépens de 1 700 $.
Il n'y a aucune compétence d'accorder des frais de
voyage pour les visites au bureau de l'Administrateur. J'accorde
200 $ pour les frais reliés à l'audience.
Fait à Toronto, ce 17e jour de décembre 2003.
Signature sur le document original
___________________________________
Monsieur le juge Robert S. Montgomery, c.r.
Juge arbitre
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