Renvois : Décisions
homologuées par le juge arbitre : #83 - Le 17 mars 2003
D E C I S I O N
A. Contexte
1. En mai 2000, le réclamant a soumis une demande d'indemnisation
comme personne directement infectée dans le cadre du
Régime à l'intention des transfusés infectés
par le VHC (le " Régime ") établi
en vertu de la Convention de règlement relative à
l'hépatite C (1986-1990) (la " Convention de règlement
").
2. Par lettre en date du 25 septembre 2002, l'Administrateur
a rejeté la réclamation parce que le réclamant
n'avait pas fourni de preuves suffisantes à l'effet
qu'il avait reçu une transfusion de sang entre le 1er
janvier 1986 et le 1er juillet 1990 (la " période
visée par les recours collectifs ").
3. Par avis de renvoi en date du 27 septembre 2002, le réclamant
a demandé qu'un juge arbitre soit saisi du refus de
sa réclamation par l'Administrateur. Dans le paragraphe
4 de son avis de renvoi, le réclamant a indiqué
qu'il souhaitait que la décision de l'Administrateur
soit examinée pour les raisons suivantes :
" J'estime que la décision a été
prise il y a longtemps et ils ont pris leur temps pour le
dire. "
4. Les deux parties ont renoncé au droit à une
audition orale et ont accepté qu'une décision
d'un juge arbitre soit basée sur un examen des arguments
écrits et des documents versés au dossier de
réclamation du Centre des réclamations relatives
à l'hépatite C (1986-1990) (le " Centre
des réclamations "). J'ai examiné les observations
écrites et les dossiers.
B. Faits
5. Je résume les faits pertinents à partir des
preuves suivantes :
(a) Le réclamant est infecté par l'hépatite
C;
(b) Sur le formulaire de renseignements généraux
à l'intention du réclamant en date du 9 mai
2000, le réclamant a indiqué qu'il croyait avoir
été infecté par le virus de l'hépatite
C lors d'une transfusion sanguine reçue au Canada entre
le 1er janvier 1986 et le 1er juillet 1990. Sur le même
formulaire, il a indiqué qu'il avait reçu une
transfusion sanguine une seule fois durant sa vie (Dossier
des renvois, p.100 à103);
(c) Sur le formulaire du dossier des transfusions sanguines,
le réclamant a affirmé qu'il croyait avoir reçu
une transfusion à l'hôpital Montford à
Ottawa en avril 1987 lors d'un traitement orthopédique
(fracture fixation) (Dossier des renvois, p.92);
(d) Le formulaire du médecin traitant, en date du 17
mai 2000 et signé par le Dr Gidon Frame indiquait que
le réclamant avait reçu une transfusion sanguine
durant la période du 1er janvier 1986 au 1er juillet
1990. Le Dr Frame a indiqué plus loin que le réclamant
avait les antécédents de facteurs de risque
suivants relativement au virus de l'hépatite C : des
transfusions sanguines en dehors de la période du 1er
janvier 1986 au 1er juillet 1990, incarcération et
tatouages (Dossier des renvois, p.87 à 91);
(e) Les dossiers médicaux fournis par le réclamant
à l'appui de sa réclamation n'ont pas fourni
de preuves de transfusions sanguines (Dossier des renvois,
pp. 109 à 205);
(f) En réponse à la procédure d'enquête
faite par le Centre des réclamations, l'Hôpital
Montford a confirmé qu'il n'avait trouvé aucune
indication de transfusions sanguines dans le dossier du patient
durant la période du 13 avril 1962 au 25 janvier 1989
(Dossier des renvois, p.222);
(g) En réponse à une enquête supplémentaire
par le Centre des réclamations, le Dr Frame a répondu
que sa réponse sur le formulaire de réclamation
à l'effet que le réclamant avait reçu
une transfusion sanguine durant la période du 1er janvier
1986 au 1er juillet 1990, avait été fournie
suite à un rapport oral par le réclamant (Dossier
des renvois, p.224);
(h) Il n'y a aucune documentation dans le dossier de la réclamation
indiquant que le réclamant avait reçu une transfusion
sanguine durant la période du 1er janvier 1986 au 1er
juillet 1990.
C. Position des parties
Réclamant
6. Tant dans sa demande de renvoi que dans ses arguments écrits,
le réclamant s'est plaint du fait que l'Administrateur
avait tardé à lui faire parvenir sa décision.
Il mentionne plusieurs exemples où le Centre des réclamations
a demandé d'autres renseignements afin d'évaluer
sa réclamation, demandes auxquelles il s'est plié
en coopérant dans toute la mesure du possible.
7. Le réclamant est en très mauvaise santé
et a été avisé par ses médecins
de cesser de travailler et d'accepter les prestations d'invalidité.
Il soutient qu'il n'est pas en position de donner suite aux
demandes de renseignements pour ce qui est de l'Ontario et
qu'il ne peut se souvenir de tous les renseignements pertinents.
Il soutient qu'il devrait être indemnisé suite
aux difficultés auxquelles il a dû faire face
en tentant de fournir des preuves à sa réclamation.
L'Administrateur
8. Dans ses arguments écrits, M. Callaghan, Conseiller
du Fonds pour l'Administrateur, explique que le retard concernant
le traitement de la réclamation était inévitable
et était principalement dû au manque d'information
touchant la transfusion mentionnée par le réclamant.
9. M. Callaghan soutient que le Régime requiert qu'un
réclamant ait reçu une transfusion durant la
période visée par les recours collectifs, qu'il
fournisse des preuves que la transfusion a eu lieu durant
la période visée par les recours collectifs
et qu'il ait été infecté par le VHC.
Par la suite, l'Administrateur doit s'assurer que le réclamant
a d'abord été infecté suite à
une transfusion sanguine reçue au cours de la période
visée par les recours collectifs et non d'une autre
source.
10. Étant donné que le réclamant n'a
pas réussi à fournir de preuve qu'il avait reçu
une transfusion durant la période visée par
les recours collectifs, le Centre des réclamations
a entrepris une enquête afin de déterminer si
le réclamant avait en fait reçu une transfusion.
M. Callaghan soutient qu'étant donné que les
enquêtes effectuées à l'hôpital
Montford n'avait pas indiqué de transfusion sanguine,
l'Administrateur a, à juste titre, refusé la
réclamation du réclamant.
D. Analyse
12.Le libellé du Régime précise quelles
personnes sont admissibles à une indemnisation et comment
elles peuvent prouver l'admissibilité. Pour être
admissible à une indemnisation et pour être reconnu
comme personne directement infectée, le réclamant
doit d'abord démontrer qu'il a reçu une transfusion
sanguine durant la période visée par les recours
collectifs en fournissant " des dossiers démontrant
que le réclamant a reçu une transfusion sanguine
au Canada au cours de la période visée par les
recours collectifs " ou, d'autre part, " une preuve
corroborante et indépendante des souvenirs personnels
du réclamant
". L'article 3 du Régime
intitulé " Preuve exigée aux fins d'indemnisation
" prévoit ce qui suit :
3.01 Réclamation par une personne directement infectée
1. Quiconque prétend être une personne directement
infectée doit remettre à l'administrateur un
formulaire de demande établi par l'administrateur accompagné
des documents suivants :
a) des dossiers médicaux, cliniques, de laboratoire,
d'hôpital, de la Société canadienne de
la Croix-Rouge, de la Société canadienne du
sang ou d'Héma-Québec démontrant que
le réclamant a reçu une transfusion de sang
au Canada au cours de la période visée par les
recours collectifs;
b) un rapport de test de détection des anticorps du
VHC, un rapport de test ACP ou un rapport de test semblable
à l'égard du réclamant;
c) une déclaration solennelle du réclamant,
indiquant
i) qu'il n'a jamais utilisé de drogues intraveineuses
sans ordonnance,
ii) qu'à sa connaissance, il n'était pas infecté
par le virus de l'hépatite non A non B ou le VHC avant
le 1er janvier 1986,
iii) l'endroit où le réclamant a reçu
pour la première fois une transfusion de sang au Canada
au cours de la période visée par les recours
collectifs, et
iv) le lieu de résidence du réclamant, tant
au moment où il a reçu pour la première
fois une transfusion de sang au Canada au cours de la période
visée par les recours collectifs qu'au moment de la
remise de la demande aux termes des présentes.
2. Malgré les dispositions du paragraphe 3.01(1)a),
si un réclamant ne peut se conformer aux dispositions
du paragraphe 3.01(1)a), il doit remettre à l'administrateur
une preuve corroborante et indépendante des souvenirs
personnels du réclamant ou de toute personne qui est
membre de la famille du réclamant, établissant
selon la prépondérance des probabilités
qu'il a reçu une transfusion de sang au Canada au cours
de la période visée par les recours collectifs.
13.Le réclamant a le fardeau de prouver qu'il a reçu
une transfusion sanguine durant la période visée
par les recours collectifs.
14. L'hôpital Montford a confirmé qu'il n'avait
aucune indication de transfusion sanguine dans le dossier
du patient durant la période du 13 avril 1962 au 25
janvier 1989. Le réclamant n'a pas fourni d'autre preuve
de transfusion. En effet, le réclamant s'est souvenu
d'une seule transfusion, probablement en 1987. Le Dr Frame
a mentionné des transfusions en dehors de la période
visée par les recours collectifs, mais il n'y avait
aucun document médical prouvant qu'il y avait eu transfusion.
15.Même si les autres facteurs de risque indiqués
par le Dr Frame pouvaient constituer une autre source d'infection
en dehors de la portée d'une indemnisation en vertu
de la Convention de règlement, il n'y avait également
aucune preuve portant sur ces facteurs de risque supplémentaires.
De toute manière, je n'ai pas à les prendre
en considération pour rendre ma décision.
16.Selon toutes les preuves et tous les documents fournis
dans le cadre de cette réclamation, je conclus que
le réclamant n'a pas fourni la preuve requise par le
paragraphe 3.01 afin d'établir qu'il avait été
infecté suite à une transfusion sanguine durant
la période visée par les recours collectifs.
Il a échoué dans sa tentative de franchir le
premier seuil en vue d'établir son droit à une
indemnisation.
17.Dans la mesure où le réclamant demande une
indemnisation fondée sur le temps écoulé
entre sa demande d'indemnisation et la décision de
l'Administrateur, une telle période de temps ne peut
pas aider le réclamant lorsque la preuve du droit d'indemnisation
requise n'existe pas. Ni l'Administrateur ni un juge arbitre
n'a la discrétion d'accorder une indemnisation à
des personnes infectées par le VHC qui ne peuvent démontrer
qu'elles ont reçu une transfusion sanguine durant la
période visée par les recours collectifs.
18.En conclusion, je déclare que l'Administrateur a
correctement établi que le réclamant n'a pas
droit à une indemnisation en vertu du Régime.
Décision
19. En conséquence, je déclare que le refus
de la réclamation par l'Administrateur doit être
maintenu.
FAIT à Vancouver, en Colombie-Britannique ce 17e jour
de mars 2003.
" Vincent R.K. Orchard "
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Vincent R.K. Orchard, juge arbitre
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