Renvois : Décisions
de l'arbitre : #128 - Le 11 mars 2004
D É C I S I O N
Numéro d'identification de la réclamation
: 1300539
I. QUESTION EN LITIGE
1. Dans cet arbitrage, la question préjudicielle est
de savoir si l'Administrateur a eu raison de refuser une réclamation
dans le cadre du Régime à l'intention des transfusés
infectés par le VHC (le " Régime ")
en se fondant sur l'argument que la réclamante n'avait
pas reçu de transfusion de sang au cours de la période
visée par les recours collectifs d'un donneur ayant
été reconnu anti-VHC positif. La réponse
à cette question repose sur l'existence ou non d' "
éléments probants convaincants " aux termes
du paragraphe 3.04 (2) du Régime, à l'effet
que la réclamante avait été infectée
pour la première fois par le VHC par suite d'une transfusion
de sang reçue au Canada au cours de la période
visée par les recours collectifs, éléments
qui réfuteraient les résultats d'une procédure
d'enquête négative en vertu du paragraphe 3.04(1)
qui indique que l'Administrateur doit rejeter la réclamation.
II. CONTEXTE
2. La réclamante a présenté une demande
d'indemnisation à titre de personne directement infectée
en vertu du Régime approuvé par diverses ordonnances
de cours supérieures du Canada. La première
réclamation a été présentée
en octobre 2000.
3. La réclamation était fondée sur des
faits qui ne sont pas contestés :
(i) la réclamante a reçu plusieurs unités
de sang transfusé en février 1988 au UBC
Health Sciences Centre Hospital (" UBC Hospital "
) où elle a subi une intervention chirurgicale
pour le cancer du côlon; |
(ii) il n'y avait pas eu d'antécédents de
transfusion de sang avant la période visée
par les recours collectifs et d'infection par les virus
de l'hépatite non-A, non-B ou de l'hépatite
C, avant la période visée par les recours
collectifs et de facteurs de risque de virus, tel que
l'utilisation de drogues injectables sans ordonnance; |
(iii) Le Conseiller juridique du Fonds reconnaît
que les seules transfusions que la réclamante a
reçues au cours de sa vie ont été
les transfusions de quatre unités de sang en février
1988; |
(iv) Le Conseiller juridique du Fonds reconnaît
également que la réclamante menait "
une vie saine " : elle était monogame et avait
une relation fidèle avec son conjoint qui était
exempt du virus, elle n'utilisait pas de drogues injectables
illicites, elle n'avait subi aucun perçage corporel
ou tatouage, elle ne recevait pas de dialyse, elle n'avait
jamais été incarcérée et elle
n'avait jamais reçu d'autres produits de sang. |
4. L' Administrateur a institué une enquête de
retraçage dans le cadre du Programme d'avis de litige
(" PAL " ) le 15 janvier 2001. Le PAL est un programme
interne de la Société canadienne du sang ("
SCS " ) au moyen duquel cette dernière effectue
des enquêtes de retraçage sur une base accélérée
conformément aux protocoles sur la procédure
d'enquête approuvés par les tribunaux.
5. Dans le cas de la réclamante, une enquête
de retraçage avait déjà été
instituée en 1998 dans le cadre des lignes directrices
de Santé Canada.
6. Le processus des tribunaux selon lequel la SCS effectue
une enquête de retraçage est le même qu'il
s'agisse du PAL ou non; cependant, le PAL requiert que l'enquête
de retraçage soit complétée dans un délai
de six mois à compter de la date de la demande du Conseiller
juridique du Fonds et il y a un fonds distinct pour le PAL.
L'enquête de retraçage du PAL a été
combinée à celle déjà instituée.
7. L'enquête du PAL s'est terminée au moment
de la lettre du 4 avril 2001 et les résultats des quatre
donneurs des quatre unités du sang transfusé
à la réclamante en février 1988 étaient
tous négatifs.
8. Par lettre en date du 6 juillet 2001, l'Administrateur
a rejeté la réclamation en raison du résultat
négatif de l'enquête de retraçage, sujet
à la présentation d'autres preuves du contraire,
c.-à-d. que nonobstant les résultats de la procédure
d'enquête, la réclamante a été
infectée pour la première fois par le VHC au
cours de la période visée par les recours collectifs.
Cependant, la réclamante est décédée
en mai 2001 pour des causes non reliées au VHC.
9. Le fils de la réclamante a donné suite à
la réclamation à titre de représentant
personnel.
10. Lors du traitement de la réclamation, l'Administrateur
a demandé d'autres renseignements à la SCS.
La SCS a donc émis une lettre détaillée
en date du 15 août 2002 discutant des résultats
de l'enquête de retraçage.
11. Par lettre en date du 24 septembre 2002, l'Administrateur
a communiqué son refus final de la réclamation.
12. La demande de l'examen du refus de la réclamation
par l'Administrateur est soumise à l'arbitrage.
13. Après un certain nombre de conférences préparatoires
à l'audition qui ont donné lieu à certaines
directives et ordonnances préliminaires, une audience
en personne a été tenue le 18 février
2004 à Vancouver, C.-B.
III. PREUVE ET OBSERVATIONS
14. Le fils adulte de la demanderesse était présent
à titre de représentant personnel de la réclamante
et à titre de témoin lors de l'audience. M.
William Ferguson était présent à titre
de Conseiller juridique du Fonds. Les parties ont convenu
d'un certain nombre de points relatifs à la preuve,
bien qu'elles n'étaient pas d'accord sur les inférences
à tirer de la preuve ni sur la conclusion que je devais
tirer de la preuve.
15. Le fait que la réclamante avait été
exposée au virus de l'hépatite C et s'était
avérée positive selon le test de détection
des anticorps du VHC à compter de 1995, n'a certainement
pas été contesté. Il a également
été convenu que la réclamante avait reçu
une transfusion au cours de la période visée
par les recours collectifs et qu'il n'y avait aucune preuve
qu'elle avait reçu des produits de sang avant ou après
la période visée par les recours collectifs.
Le Conseiller juridique du Fonds a convenu que les conditions
de base préalables au droit à l'indemnisation,
dans le cadre du Régime, étaient respectées
: preuve d'une transfusion de sang au Canada au cours de la
période visée par les recours collectifs et
tests positifs de détection des anticorps du VHC provenant
des dossiers appropriés.
16. Il était également clair selon la preuve
(et non contesté par le Conseiller juridique du Fonds)
que la réclamante, née en 1920, avait vécu
une longue vie sans risques connus d'exposition à l'hépatite
C en raison du mode de vie susmentionné.
17. On convient également que, durant sa vie, la réclamante
ne présentait pas de symptômes du VHC et qu'elle
est décédée de causes non reliées
à l'hépatite C. La preuve a également
révélé qu'elle s'était souvent
plainte de son état de santé, ce qui avait donné
lieu à un certain nombre de procédures médicales
et d'interventions chirurgicales avant et après la
chirurgie du côlon en février 1988. Certaines
de ses fiches médicales ont été présentées
comme preuve mais les parties ne disposaient pas de l'ensemble
de ses dossiers médicaux.
18. Il est clair qu'on n'aura jamais la certitude médicale
quant au moment où la réclamante a été
exposée au virus de l'hépatite C. Tout ce qu'on
peut dire avec certitude, selon un rapport de laboratoire
dans les dossiers du médecin de famille de la réclamante,
c'est que la réclamante s'est avérée
anti-VHC positive en avril 1995 et que par conséquent,
selon le témoignage du Dr Kleinman, un spécialiste
en médecine transfusionnelle, la réclamante
avait était exposée au VHC à un moment
donné au cours de sa vie jusqu'à quelques mois
avant avril 1995. Le Dr Kleinman admet que selon les dossiers
médicaux qui lui ont été présentés
pour examen, il attribuerait la source probable de l'infection
de la réclamante à la transfusion de février
1988 malgré l'enquête de retraçage négative.
19. Les dossiers médicaux, bien qu'incomplets, indiquent
que la réclamante avait subi un certain nombre d'interventions
avant sa chirurgie pour le cancer du côlon en 1988.
20. Les dossiers de février 1988 du UBC Hospital, subséquemment
confirmés par des notes dans la fiche médicale
du Dr Belton, indiquent que la réclamante avait subi
des interventions chirurgicales antérieures, y compris
une hystérectomie, l'ablation de la vésicule
biliaire et une appendicectomie. Suite à sa chirurgie
du cancer du côlon en février 1988, elle a également
subi une mastectomie du sein droit et une intervention pour
réparation des hernies. Le Conseiller juridique du
Fonds mentionne également une procédure médicale
appelée sigmoïdoscopie comprenant l'utilisation
d'une sonde exploratoire interne qui a eu lieu le 9 février
1988, procédure évidemment reliée au
cancer du côlon de la réclamante. M. Ferguson
indique que la cause de l'infection par le VHC de la réclamante
est inconnue ou est probablement liée à d'autres
procédures médicales qui comprendraient des
chirurgies, des endoscopies, des tests, des injections, etc.
M. Ferguson a obtenu un certain appui du Dr Kleinman pour
sa présentation. Ce dernier donne des exemples de cas
aux États-Unis et au Canada de patients ayant contracté
l'hépatite C dans un milieu de clinique médical
suite à l'utilisation inappropriée de seringues
pour administrer des médicaments injectables, dans
des unités de dialyse et de membres de l'équipe
chirurgicale infectés. Le Dr Kleinman admet qu'il n'y
a pas de preuve réelle, dans le cas présent,
à l'effet que la réclamante ait contracté
le VHC par le truchement de procédures médicales
: il s'agit d'une autre voie additionnelle possible de transmission
de l'infection qui n'a pas été bien documentée
jusqu'à tout récemment. Le Dr Kleinman conclut
que la cause de l'infection de la réclamante par le
virus de l'hépatite C dans le cas présent est
simplement inconnue.
21. Au nom de la réclamante, on a beaucoup fait appel
aux témoignages de deux médecins qui ont traité
la réclamante au cours des dernières étapes
de sa vie : le Dr Belton, son omnipraticien depuis 1993 et
le Dr Atkinson, un gastro-entérologue qui a traité
la réclamante de septembre 2000 à mai 2001.
Ni l'un ni l'autre n'a été invité comme
témoin lors de l'audience en personne.
22. Dans une lettre en date du 24 octobre 2003, le Dr Atkinson
a exprimé l'avis que la réclamante ne présentait
pas de facteurs de risques d'hépatite C et qu'elle
ne présentait pas de comportement à risques
élevés. Il a déclaré que le seul
facteur de risque aurait été la transfusion
de sang de1988.
23. Le Dr Belton a appuyé la réclamation présentée
pour la première fois en 2000 et il a rempli un formulaire
TRAN 2 en juin 2000. Le Dr Belton a écrit deux lettres
en date du 29 octobre 2003 et du 25 janvier 2004 aux fins
spécifiques du présent arbitrage. Le Dr Belton
est d'avis que la source la plus probable de l'infection de
la réclamante par le virus de l'hépatite C a
été la transfusion de sang de 1988. Selon lui,
la réclamante ne présentait aucun autre facteur
de risque de contracter le virus. Tel que mentionné,
elle n'a pas reçu de dialyse, son conjoint n'était
pas infecté, elle n'a jamais été incarcérée,
elle n'a pris aucune drogue par voie intraveineuse ni par
voie intranasale, elle n'a subi aucun perçage corporel
ou tatouage et elle était monogame et vivait une relation
fidèle avec un conjoint qui était exempt du
virus de l'hépatite C. Le Dr Belton a reconnu qu'elle
avait subi d'autres interventions chirurgicales qui auraient
pu être une source d'exposition au virus; mais il a
estimé qu'il était plus probable qu'elle a contracté
le virus par suite d'une transfusion plutôt que d'un
chirurgien infecté ou d'un instrument chirurgical contaminé.
Je crois que le Dr Kleinman serait d'accord avec le Dr Belton
au sujet de l'enquête de retraçage négative
qui, à son avis, éliminait en fait la transfusion
de sang de l988 comme la source d'infection.
24. Carol Miller, la Coordinatrice responsable des renvois
et des arbitrages au bureau de l'Administrateur, a témoigné.
Elle a examiné le dossier de la réclamation
et a aidé à interpréter certains renseignements
médicaux. Elle a confirmé que la réclamante
avait reçu un total de quatre unités de globules
sanguines concentrées à la UBC Hospital en février
1988 : deux unités le 15 février 1988 lors d'une
transfusion avant l'intervention chirurgicale et deux unités
le 19 février 1988 après l'intervention chirurgicale.
Ces faits sont confirmés dans les dossiers et ne sont
pas contestés.
25. Madame Miller a aidé à l'examen de la lettre
détaillée de la SCS en date du 15 août
2002 décrivant les résultats de la procédure
d'enquête. Le premier donneur (Unité A(1)239101)
avait fait 20 dons de sang, les derniers dons ayant été
vérifiés en avril 1999. Le deuxième don
(Unité A(7)239123) avait également fait 20 dons
de sang avec le dernier don en mars 2000. Un troisième
donneur (Unité A(8)229776) a donné du sang à
sept occasions dont le plus récent en juin 1994. Le
quatrième donneur (Unité A(4)234426) a fait
seulement un don après le don de1988 et ce don a été
fait en mars 2001. Le dossier ne révèle pas
la date exacte de tous les dons subséquents, sauf et
excepté pour le dernier donneur qui a subi un seul
test subséquemment. Cependant, l'enquête de retraçage
confirme que tous les tests de détection se sont avérés
anti-VHC négatifs.
26. Le Dr Kleinman a soumis un rapport en date du 30 décembre
2003 et il a témoigné. Il est un pathologiste
et un spécialiste des transfusions de sang, des maladies
reliées au sang, du dépistage sanguin, de la
collecte de sang et des procédures d'enquête.
Il a présenté un témoignage plutôt
détaillé au cours du contre-interrogatoire sur
le processus de collecte de sang et de fabrication de produits
de sang. Le processus est un système fermé fonctionnant
sous des contrôles de stérilisation rigide. Il
a admis être au courant de cas de sacs fournis par les
fournisseurs contenant des bactéries causant des infections
bactériennes, mais que ce phénomène est
très rare. Il a également admis que comme les
processus comprennent une manutention humaine, il pourrait
y avoir eu des échecs dus à l'erreur humaine.
27. Le Dr Kleinman a également présenté
un témoignage au sujet de quatre raisons théoriques
pouvant expliquer pourquoi les virus de l'hépatite
C et du VIH auraient pu être transmis par une transfusion
de sang, en dépit des tests de détection des
anticorps de ces virus chez ces donneurs. La première
raison est qu'un don peut être fait avant la production
des anticorps (il s'agit de " la fenêtre sérologique
"). En effet, cela éliminerait cette possibilité
dans le présent cas, étant donné que
les quatre donneurs se sont tous avérés VHC
négatifs plusieurs années plus tard, et dans
le cas de trois des donneurs à de multiples occasions.
Une seconde raison théorique pour la transmission est
l'existence de mutations virales qui ne sont pas détectées
par le test des anticorps. Il a admis que cela peut se produire
pour l'infection par le VIH, mais pas dans le cas de l'hépatite
C : toutes les souches virales connues de l'hépatite
sont détectées par les tests EIA (dosage immunoenzymatique)
2.0 ou 3.0, les tests administrés aux donneurs dans
le présent cas. Une troisième raison est l'existence
d'un état de porteur immunosilencieux (immunosilent)
dans lequel le système immunitaire normal des personnes
ne produit pas l'anticorps de l'hépatite C même
si le virus de l'hépatite C est présent dans
leur sang. C'est un phénomène très rare.
Tel que j'ai compris le témoignage du Dr Kleinman,
ce phénomène est si rare qu'en quatre ans de
dépistage, il y a eu seulement trois cas sur huit millions
de donneurs dépistés aux États-Unis et
aucun cas au Canada dans le dépistage de plus de quatre
millions de dons. Une quatrième raison pour la transmission
est l'erreur de laboratoire lors du test de détection
du virus de l'hépatite C. Les études ont indiqué
des erreurs au taux d'environ un à trois cas par 2
000 personnes. Cependant, le Dr Kleinman a déclaré
qu'une erreur lors du test est extrêmement improbable,
étant donné que dans trois des quatre cas, les
donneurs ont été testés à de multiples
occasions et les résultats ont toujours été
négatifs. Il reste donc le quatrième donneur
qui a subi un test une seule fois en 2001. Cependant, à
compter de 2001, les tests de détection ont également
compris les tests d'ARN (acide ribonucléique), un test
de détection du virus. Cependant, le dossier ne contient
aucune preuve de test d'ARN. Pour le test de détection
des anticorps, il me reste donc un taux d'erreur possible
de 1 à trois cas par 2 000 pour le quatrième
donneur.
28. Le Dr Kleinman a également témoigné
au sujet d'une cinquième raison théorique de
transmission des virus par transfusion sanguine, en dépit
de l'administration des tests anti-VHC aux donneurs de sang.
Il a mentionné un phénomène connu comme
étant la séroréversion. Ce phénomène
se produit lorsqu'une personne qui est anti-VHC positive à
moment donné élimine les anticorps de son système.
Apparemment, il n'y a pas eu beaucoup d'étude du phénomène.
Les études existantes sont basées sur un cadre
temporel de 17 à 20 ans après l'exposition.
Il semble que 7 à 15 % des personnes exposées
au VHC l'élimineront de leur système. D'abord,
les personnes éliminent le virus, puis l'anticorps.
Deux tiers des personnes qui contractent le virus ne l'éliminent
jamais et la personne qui contracte le virus sera porteuse
de l'anticorps. Tout ce que le Dr Kleinman peut dire au sujet
des personnes qui éliminent l'anticorps entre, disons
6 et 12 ans, est qu'il n'existe pas vraiment de documentation
à cet effet, mais le pourcentage serait même
inférieur. De plus, le Dr Kleinman a témoigné
que si un donneur a perdu l'anticorps, cette personne aurait
seulement pu être infectieuse durant environ une année,
avant février 1988. Si une personne élimine
le virus, elle le fera rapidement et habituellement dans un
délai d'environ une année. Le Dr Kleinman a
dit qu'il s'agirait là d'un très petit groupe,
groupe qui aurait récemment été infecté
avant février 1988, mais qui aurait rapidement éliminé
le virus.
29. Le Dr Kleinman a témoigné qu'il ne connaissait
pas d'études de personnes ayant vécu le phénomène
de la séroréversion en 13 ans. Il n'y a apparemment
pas d'études à cet égard. Il a indiqué
qu'il s'était passé 13 ans après 1988
dans le cas du quatrième donneur qui a de nouveau été
testé en 2001.
30. En conclusion, le Dr Kleinman a admis qu'il ne pouvait
pas éliminer complètement la séroréversion,
car pour être certain, il faudrait tester les échantillons
de 1988 et, bien sûr, ils ne l'ont jamais été.
Il a seulement pu préciser que ce serait très
improbable, dans le présent cas.
31. On a posé des questions au Dr Kleinman au sujet
d'un article dont il avait été le co-auteur
en 1997 dans la publication " Transfusion Medicine Reviews
" auquel on fait référence dans la décision
numéro 93 d'un juge arbitre en date du16 avril 2003.
Le Dr Kleinman a soutenu que la partie de l'article citée
dans la décision ne portait pas spécifiquement
sur le virus de l'hépatite C mais traitait plutôt
des agents viraux en général. La troisième
raison discutée dans cette citation qui décrit
les raisons expliquant comment la transmission des agents
viraux peut se produire, malgré les tests sanguins
pour détecter l'infection, n'est pas directement pertinente
au virus de l'hépatite C. Dans le présent cas,
on y réfère comme étant la seconde raison
théorique dans son rapport du 30 décembre 2003
où il indique que toutes les souches virales d'hépatite
C connues sont détectées par les tests EIA 2.0
ou 3.0. Les autres trois raisons possibles discutées
dans l'article de 1997 étaient pertinentes au VHC et
il s'agissait spécifiquement de la fenêtre sérologique,
du porteur immunosilencieux et de l'erreur de laboratoire
qui font toutes partie de la preuve dans le cas présent.
32. Un élément intéressant de la décision
numéro 93, non présent dans le présent
cas, est que cette décision portait sur le cas d'un
patient hospitalisé pour intervention chirurgicale
qui a présenté dans un laps de temps très
court, soit environ un mois après la transfusion, les
symptômes d'une infection aiguë du VHC.
IV. DISCUSSION
33. Pour en arriver à ma propre décision, je
m'appuie sur celle de M. le juge Pitfield de la Cour suprême
de la Colombie-Britannique rendue le 9 mai 2003 dans la cause
numéro 53. Un certain nombre d'autres décisions,
y compris celles des causes 68, 54, 86 et 110 ont également
été mentionnées dans les observations.
34. Dans la décision numéro 53, Monsieur le
juge Pitfield a déclaré ce qui suit :
[9] Le paragraphe 3.04(1) s'applique, nonobstant toute
autre disposition de la Convention de règlement,
sauf en ce qui a trait au paragraphe 3.04(2). Le paragraphe
3.04(1) stipule que l'Administrateur doit rejeter une
demande d'indemnisation si l'une ou l'autre de deux conditions
suivantes est satisfaite : le réclamant a reçu
du sang avant le 1er janvier 1986 et l'enquête de
retraçage relative à cette transfusion indique
que le donneur de sang était infecté par
l'anticorps du VHC ou que le réclamant avait reçu
une transfusion ou des transfusions au cours de la période
visée par les recours collectifs et que l'enquête
de retraçage relative à cette transfusion
ou ces transfusions indiquaient que ni le(les) donneur(s)
du sang transfusé au cours de la période
visée par les recours collectifs s'étaient
avérés anti-VHC positifs. |
[10] Le paragraphe 3.04(2) prévoit une exception
au paragraphe 3.04(1). Nonobstant les résultats
du retraçage, un réclamant peut prouver
qu'il a été infecté pour la première
fois par le VHC par suite d'une transfusion de sang reçue
au cours de la période visée par les recours
collectifs. La Convention de règlement ne dit rien
quant à la charge de la preuve applicable et à
la nature de la preuve qui pourrait réfuter les
résultats de l'enquête de retraçage.
|
[11] Il est justifié de faire un certain nombre
d'observations en regard du paragraphe 3.04. D'abord,
la disposition prévue dans la Convention de règlement
pour établir l'admissibilité est qu'une
transfusion infectée a été reçue
durant la période visée par les recours
collectifs. Cependant, la réception d'une transfusion
infectée durant la période visée
par les recours collectifs est insuffisante pour établir
l'admissibilité, si le réclamant a également
reçu une transfusion infectée avant le début
de la période visée par les recours collectifs.
De plus, une personne infectée par le virus de
l'hépatite C est jusqu'à preuve du contraire
inadmissible, si l'enquête de retraçage relative
aux transfusions durant la période visée
par les recours collectifs démontre qu'aucun des
donneurs de ce sang transfusé ne s'est avéré
anti-VHC positif selon le test de détection des
anticorps du VHC. |
[12] Même si les personnes infectées par
le virus de l'hépatite C qui se sont vues refuser
l'indemnisation en raison du paragraphe 3.04 peuvent se
sentir lésées, les dispositions de la Convention
de règlement ont été proposées
par des conseillers juridiques au nom de toutes les parties
et endossées par les tribunaux de surveillance
de la Colombie-Britannique, de l'Ontario et du Québec.
Le protocole d'enquête qui permet au départ
d'établir l'admissibilité a été
endossé par les tribunaux de surveillance. Étant
donné que des tests de détection de la présence
ou de l'absence des anticorps de l'hépatite C n'avaient
pas été effectués durant la période
visée par les recours collectifs, le protocole
a prévu qu'on devait prendre des mesures pour détecter
les donneurs du sang transfusé à un réclamant
durant la période visée par les recours
collectifs, peu importe que ces donneurs aient donné
du sang après la période visée par
les recours collectifs, que ces dons subséquents
aient subi le test de détection des anticorps du
VHC, et que le résultat du test ait été
positif ou négatif. S'il était impossible
de détecter le donneur ou si ce dernier n'avait
pas fait de don de sang à une date ultérieure,
si les résultats du test de détection des
anticorps n'étaient pas disponibles relativement
à ces dons ultérieurs ou si les résultats
du test de détection des anticorps du VHC étaient
positifs, le réclamant était admissible
à une indemnisation. |
[13] Le protocole d'enquête a été
élaboré en s'appuyant sur les recherches
scientifiques à jour. La Convention de règlement
et le protocole ont été approuvés
par des conseillers juridiques au nom des membres des
recours collectifs et des défendeurs et par la
suite par ordonnance des tribunaux. On a établi
que le protocole était le meilleur moyen de relier
l'infection à une transfusion de sang pour laquelle
la Convention de règlement prévoit une indemnisation. |
[14] Alors que la raison principale pour établir
l'admissibilité est la procédure d'enquête,
un réclamant peut présenter des preuves
lors d'un renvoi à l'appui de la réclamation
qu'il a été infecté pour la première
fois durant la période visée par les recours
collectifs, malgré un résultat d'enquête
négatif. À mon avis, le paragraphe 3.04(2)
ne permet pas à un réclamant d'effectuer
sa propre procédure d'enquête. Le paragraphe
prévoit qu'il peut y avoir des preuves qui établiraient
que la source de l'infection, plus probablement que non
ou selon la prépondérance des probabilités,
était une transfusion reçue durant la période
visée par les recours collectifs. Ce n'est pas
la réponse pour un réclamant qui tente de
fournir de telles preuves à l'effet qu'un certain
pourcentage infime de la population peut être infecté
par des sources de VHC inconnues. Si une telle affirmation
était la réponse, un réclamant ne
pourrait jamais réfuter les résultats des
enquêtes de retraçage, parce qu'il ne pourrait
jamais prouver qu'il ne faisait pas partie de ce petit
pourcentage de la population ayant pu être ainsi
infecté. |
[15] La preuve que le réclamant aurait à
présenter lors d'un renvoi comprendrait au moins
les dossiers médicaux personnels et familiaux complets
et des preuves détaillées sur tous les aspects
de son mode de vie, y compris des preuves d'absence de
possibilités d'être infecté par des
seringues ou des injections, peu importe la manière
et le but de sa réception. Les genres de preuves
que j'ai décrits ne visent pas à être
exhaustifs. Ils visent plutôt à indiquer
le processus à suivre lorsqu'on tente de réfuter
le résultat de l'enquête de retraçage.
|
[16] La simple négation par un réclamant
de son passé ou de ses activités personnelles
présentées comme sources possibles de non-transfusion
d'une infection par le VHC ne suffirait pas. Il faudrait
que la fiabilité de l'affirmation subjective de
nature soit vérifiée par un renvoi à
toutes les preuves objectives connues. Une des pièces
comme preuve objective comprend les résultats de
l'enquête de retraçage qui s'appuie sur l'application
du protocole d'enquête approuvé et / ou conforme
à celui-ci. Il faudrait que des preuves objectives
contradictoires soient très persuasives si le résultat
de l'enquête devait être réfuté.
|
35. Tel qu'indiqué par M. le juge Pitfield, une personne
directement infectée est, jusqu'à preuve du
contraire, inadmissible à l'indemnisation si l'enquête
de retraçage démontre qu'aucun des donneurs
de sang, durant la période visée par les recours
collectifs ne s'avère anti-VHC positif. Selon le paragraphe
3.04(1), l'Administrateur n'a aucune discrétion si
l'enquête de retraçage s'avère négative
: la réclamation doit être rejetée. Le
paragraphe 3.04(2) prévoit que le réclamant
a une dernière chance d'admissibilité s'il peut
réunir la preuve permettant de réfuter les résultats
de l'enquête de retraçage. Tel que formulé
par M. le juge Pitfield, le paragraphe 3.04(2) ne permet pas
au réclamant d'effectuer sa propre procédure
d'enquête. Il laisse entendre qu'il pourrait peut-être
y avoir une preuve qui établirait que la source de
l'infection, plus probablement qu'autrement, selon la prépondérance
des probabilités, est une transfusion reçue
au cours de la période visée par les recours
collectifs. Selon M. le juge Pitfield, il faudrait qu'une
preuve contradictoire objective soit très convaincante
pour pouvoir renverser le résultat de l'enquête.
36. La question que je me pose alors est la suivante : suis-je
persuadé, selon la prépondérance des
probabilités, d'avoir la preuve que la réclamante
a été infectée par suite d'une transfusion
reçue en février 1988 au UBC Hospital, nonobstant
l'enquête de retraçage? Selon la réclamante,
la preuve repose sur les observations du Dr Belton et du Dr
Atkinson, le mode de vie exemplaire de la réclamante
et les possibilités de transmission du virus de l'hépatite
C suite à une transfusion de sang, nonobstant les tests
de détection des anticorps du VHC négatifs des
donneurs de sang. Cette preuve est-elle assez convaincante
pour s'acquitter du fardeau de la preuve? Je ne trouve pas
que c'est assez convaincant.
37. Bien que la preuve fournie par le Dr Belton et le Dr Atkinson
ait été utile, ils n'ont pas traité spécifiquement,
dans leurs lettres, de la procédure d'enquête
négative et ils n'ont pas réfuté de quelque
façon la preuve du Dr Kleinman. De plus, bien qu'il
y ait une preuve convaincante du mode de vie exemplaire de
la réclamante, la preuve de son dossier médical
n'excluait pas l'absence de la possibilité d'être
infectée par d'autres procédures médicales,
tel qu'indiqué au paragraphe 20 de la présente
décision. Concernant la preuve du Dr Kleinman, le mieux
que l'on puisse dire au nom de la réclamante, c'est
que le phénomène connu comme étant la
séroréversion ou une erreur possible de test
du quatrième donneur en 2001 est possible. J'accepte
la preuve du Dr Kleinman à l'effet que la possibilité
d'une séroréversion est très peu probable
dans le présent cas. Un taux d'erreur statistique possible
de un sur trois par 2 000 en rapport avec le quatrième
donneur n'est pas, à mon avis, assez convaincant pour
renverser les résultats de l'enquête. Après
avoir soigneusement examiné toute la preuve, je conclus
que la réclamante ne s'est pas acquittée du
fardeau de la preuve requis en vertu du paragraphe 3.04(2)
du Régime pour renverser le résultat d'une enquête
de retraçage négative. Par conséquent,
je maintiens le refus par l'Administrateur de la réclamation.
FAIT à Vancouver, Colombie-Britannique, ce 11e jour
de mars 2004.
___ " Vincent R.K. Orchard_______
Vincent R.K. Orchard, arbitre
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