Renvois : Décisions
non homologuées par le juge-arbitre : #62 - Le 10 octobre
2002
D É C I S I O N
DÉCISION ARBITRALE
Le réclamant est résident de l'Ontario et la
réclamation porte le no 1400532.
HISTORIQUE
1. Le réclamant a 18 ans et souffre d'incapacité
à 40 % en raison de sa maladie. Son niveau de maladie
a été d'abord établi au niveau 3. Subséquemment,
il a été haussé au niveau 4. Aux termes
du paragraphe 4.03 du Régime à l'intention des
hémophiles infectés par le VHC, une personne
infectée reconnue qui s'acquittait normalement de tâches
domestiques à son domicile est admissible à
une indemnisation pour perte de services à domicile
jusqu'à concurrence de 20 heures par semaine à
12 $ l'heure.
2. Le formulaire de demande d'indemnisation dans le cadre
de ce paragraphe comprend huit catégories : le magasinage,
les repas, la lessive, le nettoyage, les activités
d'entretien ménager, les activités financières,
les soins d'enfants et " autres ". La mère
du réclamant qui était alors sa représentante
personnelle a réclamé un total de neuf heures
et demie par semaine, y compris deux heures pour le magasinage
pour des effets personnels, d'autres fournitures et du matériel
scolaire, etc. Toutes ces réclamations ont été
approuvées par l'Administrateur et aucune d'elles n'est
contestée.
3. De plus, sous la catégorie " autres ",
une réclamation a été soumise totalisant
17 heures par semaine pour conduire le réclamant à
l'école et le ramener à la maison. Le réclamant
est inscrit à un programme spécial en arts en
12e année à l'école secondaire. Une seule
école, située à 45 minutes de son domicile,
offre ce programme. Le réclamant souffre de fatigue
et de problèmes particuliers le matin. Il a eu de nombreux
problèmes d'absentéisme dus à sa fatigue
constante. Il ne peut pas fonctionner normalement. Sa mère
a estimé que le fait de le conduire à l'école
et de le ramener à la maison était essentiel
à sa participation scolaire. En conséquence,
elle a demandé une indemnisation de 45 minutes pour
le conduire à l'école et de 45 minutes pour
le ramener à la maison, deux trajets qu'elle doit répéter
le soir. Aucune question n'a été soulevée
quant au bien-fondé de ces trajets en raison de la
maladie du réclamant.
4. L'Administrateur a rejeté la réclamation
pour deux raisons. D'abord, l'Administrateur maintient qu'aux
termes du paragraphe 4.03, seuls les services normalement
rendus par la personne infectée pouvaient constituer
des services domestiques. Comme les tâches domestiques
étaient effectuées non par le réclamant
mais par la mère de ce dernier, il n'avait aucun droit
à l'indemnisation. La deuxième raison du rejet
de la réclamation était que le fait de conduire
ne constituait pas une " tâche domestique "
à domicile.
5. La section pertinente de la convention est le paragraphe
4.03 ci-dessous :
4.03 Indemnisation pour perte des services domestiques
(1) Chaque personne reconnue infectée par le VHC qui
s'acquittait normalement des tâches domestiques à
son domicile :
(a) qui choisit de se faire verser l'indemnisation pour perte
de ces services en lieu et place des 30 000 $ aux termes du
paragraphe
4.01(3) ou
(b) qui remet à l'Administrateur :
(i) une preuve démontrant qu'elle a vu se constituer
un tissu fibreux dans les espaces portes du foie ou avec des
brides fibreuses formant un pont vers d'autres espaces portes
ou vers les veines centro - lobulaires mais sans formation
de nodules ni régénérescence de nodules
(c.-à-d. des fibres formant un pont);
(ii) la preuve dont il est fait mention au paragraphe 4.01(1)d);
ou
(iii) la preuve dont il est fait mention au paragraphe 4.01(1)e);
et qui remet à l'Administrateur une preuve satisfaisant
ce dernier que son infection par le VHC a entraîné
son incapacité de s'acquitter de ses tâches domestiques,
se verra verser l'indemnisation pour perte de ces services.
(2) Le montant de l'indemnisation pour perte des services
domestiques aux termes du paragraphe 4.03(1) est de 12 $ l'heure
jusqu'à concurrence de 240 $ par semaine.
(3) Par dérogation à toute disposition des
présentes, la personne reconnue infectée par
le VHC ne peut réclamer l'indemnisation de la perte
de revenu et l'indemnisation pour perte des services domestiques
pour la même période.
6. La disposition vise à fournir une indemnisation
maximale de 240 $ par semaine aux personnes infectées
qui normalement effectuent les tâches domestiques à
leur domicile mais qui ne peuvent le faire en raison de leur
maladie. Un réclamant ne peut faire une réclamation
d'indemnisation pour perte des services à domicile
et, en même temps, une réclamation pour perte
de revenu. Selon ma compréhension de la position de
l'Administrateur, la disposition n'indemnise que les personnes
infectées pour perte des services qu'elles fournissaient
normalement. En conséquence, l'Administrateur a conclu
que, comme le réclamant ne se rendait pas normalement
à l'école dans une voiture qu'il conduisait
lui-même, le fait qu'une autre personne le conduisait
à l'école n'était pas indemnisable. Le
deuxième argument est le fait que la tâche de
conduire à l'école n'était pas en soi
une tâche domestique et, par conséquent, n'était
pas admissible, même si elle était normalement
effectuée par la personne infectée.
DÉCISION
7. En arrivant à une décision dans le cas présent,
j'ai conservé à l'esprit que le but du document
de la Convention est l'indemnisation de réclamants
admissibles à des bénéfices, comme c'est
sans aucun doute le cas du présent réclamant.
Clairement, le but de ce paragraphe était d'accorder
des bénéfices aux personnes infectées.
Ainsi, j'interprèterais la Convention comme étant
un document qui vise à accorder des bénéfices
au groupe infecté comme dans la décision de
la Cour suprême du Canada dans Canada (Procureur général)
c. Abrahams, [1983] 1 R.C.S. 2 et Hills c. Canada [1988] 1
R.C.S. 513. Dans le cadre de l'interprétation de la
loi relativement à cette cause, (ici, bien entendu,
j'interprète un contrat, non une loi), la Cour a déclaré
qu'il fallait interpréter librement les dispositions
sur l'admissibilité lorsque le but de la loi est d'accorder
des bénéfices à un groupe particulier,
et par conséquent, de donner une interprétation
étroite aux dispositions de non-admissibilité.
Je pense que cette approche est appropriée dans les
présentes circonstances, quoique je reconnais que dans
la situation présente, les faits ne sont d'aucune façon
identiques à ceux des cas que j'ai cités.
8. La première question est de savoir si le fait de
conduire un enfant à l'école constitue "
une tâche domestique à domicile ". Évidemment,
en décidant si une tâche domestique est en général
une tâche effectuée " à son domicile
", l'Administrateur était d'avis que cela peut
comprendre des activités qui n'ont pas lieu au domicile,
et qui ont lieu à l'extérieur du domicile. Ainsi,
par exemple, le fait de magasiner pour faire les épiceries
et pour " d'autres " articles, (catégories
spécifiquement énumérées sur le
formulaire de demande), et qui évidemment amène
la personne à sortir de son domicile, est clairement
considéré par l'Administrateur comme une tâche
domestique " à domicile ". De plus, le magasinage
approuvé n'est pas seulement du magasinage en rapport
avec le domicile, mais du magasinage qui, en général,
vise les achats normaux de la personne infectée. Dans
le présent cas, l'Administrateur a approuvé
deux heures par semaine pour le magasinage à l'extérieur
du domicile que la personne infectée effectuait normalement,
parce qu'il constituait " des tâches domestiques
à son domicile " aux termes de ce paragraphe.
9. La question est alors de savoir si oui ou non les tâches
domiciliaires normales d'un adolescent à son domicile
comprend l'acte de se rendre à l'école. Il peut
y avoir certaines exceptions, mais on s'attend normalement
à ce qu'un jeune de 17 ans en 12e année se rende
à l'école et en revienne de façon autonome.
Au cours des premières années de l'enfance et
même de l'adolescence, les parents ou les tuteurs peuvent,
en général, faire des arrangements de transport
scolaire pour leur enfant, mais il est certainement normal
qu'au moment où les adolescents fréquentent
l'école secondaire (et généralement,
beaucoup plus tôt), ils ne dépendent pas d'autres
personnes à domicile pour les conduire à l'école.
Le fait que l'adolescent se rende à l'école
à pied, en empruntant un moyen de transport public
ou en conduisant une voiture n'est pas pertinent. Dans le
cas présent, on ne conteste pas que le réclamant
était responsable de se rendre à l'école,
mais qu'il était maintenant transporté en raison
de sa fatigue et de sa maladie. Il est clair d'après
le formulaire même de l'Administrateur, qu'il faudrait
comprendre et interpréter le terme " tâches
domestiques à son domicile " en fonction des buts
de la disposition. Non seulement le formulaire comprend-il
la catégorie du magasinage, laquelle, comme je l'ai
déjà indiqué, a lieu, à vrai dire,
à l'extérieur du domicile, mais il comprend
une catégorie " autre " qui reconnaît
que les catégories énumérées dans
le formulaire ne comprendront pas chaque activité domestique
effectuée à domicile permettant au réclamant
d'avoir droit à une indemnisation.
10. Pour ces raisons, je conclus que le fait de se rendre
à l'école secondaire et de retourner à
domicile était une tâche domestique normale de
la personne infectée à la maison. En raison
de sa maladie, le réclamant ne peut voyager de façon
autonome, que ce soit au moyen des services de transport public
ou autrement. Ainsi, le fait que quelqu'un d'autre le conduise
à l'école est un service indemnisable. Cependant,
même s'il est peut-être nécessaire pour
la personne qui conduit le réclamant de retourner à
la maison ou d'aller ailleurs après ce voyage à
l'école, et puis, subséquemment retourner à
l'école pour aller chercher le réclamant, seulement
le voyage vers et de retour de l'école que le réclamant
fait lui-même est indemnisable aux termes du paragraphe.
Je conclus également que seules les activités
qu'effectuerait elle-même la personne infectée
sont indemnisables. Par conséquent, le temps consacré
par le chauffeur pour revenir de l'école à la
maison et retourner à l'école pour aller chercher
le réclamant n'est pas indemnisable. Par conséquent,
pour ce qui est des trois heures par jour réclamées
dans le cas présent, seulement une heure et demie par
jour, c.-à-d. le voyage à l'école et
le voyage de retour que le réclamant aurait lui-même
fait, est indemnisable pour un total de 7,5 heures par semaine.
11. Je demeure disponible pour répondre à toute
question résultant de la mise en uvre de cette
décision.
FAIT à Toronto ce 10e jour d'octobre 2002.
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C. Michael Mitchell
Juge-arbitre
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