| Renvois : Décisions 
                    de l'arbitre : #54 - Le 15 août 2002 D É C I S I O N Réclamation no 1300323
 
 I. Question
 
 1. La question qui m'est présentée dans cet 
                    arbitrage est de déterminer si l'Administrateur a eu 
                    raison de rejeter la demande d'indemnisation faite par la 
                    réclamante en raison du fait qu'elle n'avait pas reçu 
                    de sang transfusé durant la période visée 
                    par les recours collectifs d'un donneur reconnu comme étant 
                    porteur des anticorps du VHC.
 
 II. Contexte
 
 2. La réclamante a présenté une demande 
                    d'indemnisation à titre de personne directement infectée 
                    en vertu du Régime à l'intention des transfusés 
                    infectés par le VHC (le " Régime ") 
                    établi par la Convention de règlement relative 
                    à l'hépatite C (1986-1990) (la " Convention 
                    de règlement ") approuvée par une ordonnance 
                    de la Cour suprême de la Colombie-Britannique le 28 
                    octobre 1999. Les modalités de la convention s'appliquent 
                    à travers le Canada et précisent en détails 
                    le processus de réclamation permettant d'établir 
                    et l'admissibilité et la preuve d'admissibilité.
 
 3. Dans une lettre en date du 10 mai 2001, l'Administrateur 
                    a rejeté la réclamation en se basant sur l'absence 
                    de preuve que la réclamante avait été 
                    infectée pour la première fois par le VHC au 
                    moyen d'une transfusion sanguine reçue au Canada au 
                    cours de la période visée par les recours collectifs.
 
 4. La réclamante a demandé de soumettre à 
                    l'arbitrage le refus de sa réclamation par l'Administrateur.
 
 5. Par l'entremise de son représentant autorisé, 
                    la réclamante a demandé une audience en personne 
                    qui a eu lieu le 1er mars et le 14 juin 2002 à Vancouver.
 
 6. À titre d'arbitre et de juge des faits, je dois 
                    fournir les raisons de ma décision. Les raisons de 
                    la décision d'un arbitre, tout comme le motif du jugement 
                    d'un juge, ne visent pas à être une récitation 
                    de toutes les preuves et arguments fournis durant l'arbitrage. 
                    J'ai eu l'avantage de pouvoir compter sur un grand nombre 
                    de preuves écrites et orales et d'arguments écrits 
                    et oraux du représentant de la réclamante et 
                    du Conseiller du Fonds. J'ai soigneusement examiné 
                    toutes les preuves et tous les témoignages en faisant 
                    ma décision. Le fait que je choisisse d'utiliser ou 
                    de faire référence à seulement une partie 
                    des preuves et des arguments ne signifie pas que je n'ai pas 
                    examiné tout ce qui m'a été présenté.
 
 III. Faits
 
 7. La réclamante est infectée par l'hépatite 
                    C. Elle a souffert d'une insuffisance hépatique et 
                    a subi une transplantation hépatique en octobre 1994. 
                    Elle a témoigné lors de l'audience. J'ai constaté 
                    qu'elle était d'une grande honnêteté et 
                    dignité. Elle a été extrêmement 
                    courageuse dans sa lutte contre les ravages d'une terrible 
                    maladie.
 
 8. La réclamante a reçu deux transfusions en 
                    1988 au cours de la période visée par les recours 
                    collectifs. On a présenté la preuve à 
                    l'effet que la réclamante a également reçu 
                    des transfusions après la période visée 
                    par les recours collectifs. La réclamante a témoigné 
                    qu'elle a commencé à se sentir malade après 
                    1988.
 
 9. En 1988, la réclamante a subi une intervention au 
                    dos comprenant un déplacement de disque lombaire aigü 
                    qui a résulté en une discectomie et une laminectomie. 
                    Elle a reçu deux unités de sang lors de la chirurgie 
                    au dos, le ou vers le 29 février 1988. On a identifié 
                    deux donneurs relativement aux transfusions de la réclamante 
                    en 1988.
 
 10. Selon les témoignages médicaux, les facteurs 
                    de risques liés au VHC se sont avérés 
                    négatifs chez la réclamante. Elle et son représentant 
                    ont soutenu que les transfusions sanguines de 1988 étaient 
                    la seule source possible de son infection.
 
 11. En 1998, la réclamante a elle-même entrepris 
                    une procédure d'enquête. Lors du traitement de 
                    la réclamation, l'Administrateur a également 
                    entrepris une enquête qui a été jointe 
                    à celle de la réclamante.
 
 12. La Société canadienne du sang (" SCS 
                    ") a terminé l'enquête dans le cadre d'un 
                    programme connu sous le nom de " Programme d'avis liés 
                    aux recours collectifs ". Les résultats de l'enquête 
                    se sont avérés négatifs dans le cas des 
                    deux donneurs ayant fourni le sang des transfusions en février 
                    1988. On avait vérifié la présence des 
                    anticorps du VHC chez un donneur en avril 1993 dans le cadre 
                    du processus régulier de détection lorsqu'un 
                    individu donne du sang au Canada. Le 4 janvier 2001, on a 
                    vérifié la présence des anticorps du 
                    VHC chez le deuxième donneur dans le cadre du Protocole 
                    d'enquête. La SCS a transmis les résultats de 
                    l'enquête à l'Administrateur en janvier 2001.
 
 13. On a vérifié la présence des anticorps 
                    du VHC selon un test de densité optique. Le test de 
                    détection des anticorps du VHC utilise la méthode 
                    du dosage immonoenzymatique ou sous sa forme généralement 
                    abrégée EIA ou ELISA. Le sang peut aussi faire 
                    l'objet d'un test de détection du virus de l'hépatite 
                    C lui-même connu sous le nom de test ACP. ACP signifie 
                    amplification en chaîne par polymérase. Le test 
                    ACP détecte la présence du virus de l'hépatite 
                    C lui-même dans le sang d'une personne. On détecte 
                    l'acide nucléique (ARN) du virus. On y réfère 
                    également comme TAN ou test des acides nucléiques. 
                    Depuis 1999, on fait un tri des donneurs de sang en utilisant 
                    le test EIA ou celui d'amplification en chaîne par polymérase 
                    (test ACP).
 
 14. La procédure d'enquête a porté sur 
                    les deux unités de sang transfusées à 
                    la réclamante en 1988 auxquelles on a référé 
                    comme unités numérotées 285668 et 229018. 
                    Je réfèrerai au premier donneur comme celui 
                    lié à l'unité 285668, et le deuxième 
                    donneur comme celui lié à l'unité 229018. 
                    On a décrit l'unité 285668 comme cellules rouges, 
                    et l'unité 229018 comme plasma entreposé. Contrairement 
                    au cas du premier donneur pour qui on avait un test du VHC 
                    en dossier, on n'en avait aucun pour le deuxième. Suite 
                    au Protocole d'enquête, la SCS a communiqué avec 
                    le donneur et ce dernier a donné un échantillon 
                    de sang en janvier 2001. Lors de l'audience du 1er mars 2002, 
                    Madame Lindsay Patterson, employée comme coordonnatrice 
                    nationale du programme d'identification et d'enquête 
                    sur les donneurs et les receveurs au bureau central de la 
                    SCS à Ottawa, a témoigné qu'elle ne savait 
                    pas si l'échantillon de sang donné par le deuxième 
                    donneur en janvier 2001 existait toujours. En conséquence, 
                    j'ai donné aux parties l'occasion de demander la réouverture 
                    de l'audience en vue de présenter d'autres témoignages 
                    sur l'enquête touchant le deuxième donneur. La 
                    demande a été faite et d'autres témoignages 
                    furent recueillis le 14 juin 2002.
 
 15. Le 14 juin 2002, Madame Patterson a encore une fois témoigné 
                    comme l'a fait Madame Petra Welsh, gestionnaire de laboratoire 
                    des centres de la SCS de la C.-B. et du Yukon. Madame Welsh 
                    travaille au centre de transfusion de la SCS, rue Oak à 
                    Vancouver. Elle a témoigné que le laboratoire 
                    avait vérifié la présence d'anticorps 
                    du VHC dans un échantillon de sang du deuxième 
                    donneur. Les résultats du test ont été 
                    transmis à la SCS à Ottawa et ont été 
                    incrits au dossier d'enquête. Conformément aux 
                    procédures de fabrication normalisées, on a 
                    vérifié l'échantillon de sang selon la 
                    technique de détection des anticorps EIA et non en 
                    utilisant le test ACP. L'échantillon a été 
                    détruit quelques jours après le test selon les 
                    procédures de fabrication normalisées. On conserve 
                    les échantillons seulement s'il y a réaction.
 
 IV. Le Régime et le Protocole relatif à la 
                    procédure d'enquête
 
 16. Selon le Régime, l'Administrateur détermine 
                    si la source de l'infection de la réclamante par le 
                    VHC a été la transfusion sanguine reçue 
                    au cours de la période visée par les recours 
                    collectifs. Comme prévu au paragraphe 3.04(1) du Régime, 
                    l'Administrateur a entrepris la procédure d'enquête 
                    afin de déterminer si le sang était la source 
                    du VHC.
 
 17. Au paragraphe 1.01 du Régime, on trouve les définitions 
                    suivantes :
 
 " le test de détection des anticorps du VHC 
                    " signifie un test sanguin exécuté au Canada 
                    selon une méthode offerte sur le marché que 
                    l'Administrateur juge acceptable et démontrant la présence 
                    des anticorps du VHC dans le sang d'une personne.
 
 " une procédure d'enquête " 
                    signifie la procédure de recherche et d'enquête 
                    ciblée des donneurs et/ou des unités de sang 
                    reçues par une personne infectée par le VHC.
 
 18. Le paragraphe 3.04(1) stipule que :
 
 si les résultats d'une procédure d'enquête 
                    démontrent 
 qu'aucun des donneurs ou des unités 
                    de sang reçues par une personne directement infectée 
                    
 au cours de la période visée par les 
                    recours collectifs n'est ou n'était pas anti-VHC 
                    positif, sous réserve des dispositions du paragraphe 
                    3.04(2), l'Administrateur doit rejeter la réclamation 
                    de cette personne infectée par le VHC 
. (c'est 
                    nous qui soulignons)
 
 19. Pour résumer, le paragraphe 3.04(2) prévoit 
                    que nonobstant les résultats de la procédure 
                    d'enquête, un réclamant peut affirmer preuve 
                    à l'appui qu'il ou elle était infectée 
                    pour la première fois par le VHC suite à une 
                    transfusion sanguine reçue au Canada au cours de la 
                    période visée par les recours collectifs.
 
 20. Dans le cadre de la Convention de règlement, les 
                    tribunaux ont approuvé un protocole d'enquête. 
                    Une ordonnance de la Cour suprême de la Colombie-Britannique 
                    en date du 28 octobre 1999 décrit la procédure 
                    d'enquête approuvée par les tribunaux. Une ordonnance 
                    de la même cour en date du 14 août 2000 établit 
                    le Protocole relatif à la procédure d'enquête. 
                    En vertu d'une autre ordonnance en date du 6 février 
                    2001, le juge Smith, J. (tel était alors son titre) 
                    a approuvé un protocole portant sur des critères 
                    modifiés de procédure d'enquête tel qu'établis 
                    dans le formulaire annexé à cette ordonnance. 
                    L'annexe 1 définit la procédure d'enquête 
                    comme une recherche ciblée qui peut inclure une recherche 
                    dans les dossiers, une investigation relative à la 
                    période visée par les recours collectifs et/ou 
                    une investigation à la période avant la période 
                    visée par les recours collectifs. Une recherche dans 
                    les dossiers s'entend " de l'étape de la procédure 
                    d'enquête où une recherche est effectuée 
                    afin de faire le rapprochement entre les unités de 
                    sang reçues par une personne infectée par le 
                    VHC à un moment donné et les dossiers de la 
                    Société canadienne du sang (" SCS " 
                    ) et d'Héma-Québec afin de déterminer 
                    si l'état sérologique relativement au VHC 
                    du donneur de certaines ou de la totalité des unités 
                    de sang reçues est connue ". L'investigation relative 
                    à la période visée s'entend " de 
                    l'étape où l'on tente de localiser les donneurs 
                    des unités de sang reçues par une personne infectée 
                    par le VHC, pendant la période visée et, au 
                    besoin, de faire subir des tests aux donneurs pour déterminer 
                    leur état sérologique relativement au VHC ". 
                    (c'est nous qui soulignons)
 
 21. Dans le cas présent, il y a eu une recherche dans 
                    les dossiers pour le premier donneur et une investigation 
                    relative à la période visée pour le deuxième 
                    donneur.
 
 22. Il n'y a rien dans le Protocole relatif à la procédure 
                    d'enquête approuvé par les tribunaux qui exige 
                    directement ou indirectement autre chose qu'une décision 
                    quant à l'état sérologique relativement 
                    au VHC d'un donneur.
 
 23. J'ai lu avec soin le Protocole relatif à la procédure 
                    d'enquête et j'ai conclu que dans ce cas, l'Administrateur 
                    a suivi correctement les procédures requises. Une recherche 
                    dans les dossiers n'a révélé aucune présence 
                    des anticorps du VHC chez le premier donneur en 1993. Une 
                    investigation relative à la période visée 
                    pour le deuxième donneur n'a révélé 
                    aucune présence des anticorps du VHC en 2001. En conséquence, 
                    selon les modalités du Protocole , l'Administrateur 
                    devait rejeter la réclamation.
 
 24. Le paragraphe 17 du Protocole se lit comme suit :
 
 
 PARAGRAPHE 3.04(1) DU RÉGIME - REJET DES RÉCLAMATIONS
 
 17. L'Administrateur doit, après avoir déterminé 
                    conformément au paragraphe 3.04(1) du Régime 
                    ainsi qu'aux alinéas 7(a), 7(d)(i), 8(a), 8(b), 9(a), 
                    9(d)(i), 9(f)(i), 10(a) ou 10(d)(i) du présent protocole 
                    qu'une réclamation doit être rejetée sur 
                    la base des résultats de la procédure d'enquête, 
                    aviser le réclamant que sa réclamation sera 
                    rejetée, à moins que celui-ci ne présente 
                    une preuve additionnelle conformément au paragraphe 
                    3.04(2) du Régime, établissant à la satisfaction 
                    de l'Administrateur que la personne qui prétend être 
                    directement infectée a été infectée 
                    pour la première fois (" preuve de première 
                    infection ") par le VHC par suite d'une transfusion de 
                    sang reçue au Canada au cours de la période 
                    visée et ce, malgré les résultats de 
                    la procédure d'enquête.
 
 
 25. L'Administrateur a avisé la réclamante dans 
                    une lettre en date du 19 mars 2001 que sa demande d'indemnisation 
                    dans le cadre de la Convention de règlement serait 
                    rejetée à moins qu'elle ne puisse fournir une 
                    preuve supplémentaire qu'elle avait d'abord été 
                    infectée par le VHC suite à une transfusion 
                    sanguine reçue au Canada au cours de la période 
                    visée par les recours collectifs. La réclamante 
                    a été avisée que toutes les recherches 
                    de donneurs étaient complètes et que selon les 
                    résultats de l'enquête, les donneurs ou unités 
                    de sang reçues au cours de la période visée 
                    par les recours collectifs s'étaient avérés 
                    VHC négatifs. Subséquemment, l'Administrateur 
                    n'a pas été satisfait d'avoir obtenu d'autres 
                    preuves d'une première infection et en conséquence, 
                    dans une lettre en date du 10 mai 2001, il a rejeté 
                    la réclamation.
 
 26. La réclamante a alors demandé un renvoi 
                    par arbitrage de la décision de l'Administrateur.
 
 V. La preuve
 
 En faveur de la réclamante
 
 27. Tel qu'indiqué précédemment, la réclamante 
                    a présenté un témoignage. Sa preuve en 
                    dit long sur le courage de certaines personnes tentant de 
                    mener une vie productive devant de grandes épreuves. 
                    Elle est une femme admirable. Malheureusement, pour ce qui 
                    est de la question qui m'a été présentée, 
                    sa preuve n'a pas beaucoup aidé.
 
 28. Le Dr Fraser Norrie a présenté un rapport 
                    en date du 6 novembre 2001 et a témoigné au 
                    nom de la réclamante. Le Dr Norrie est un omnipraticien 
                    dédié qui traite un nombre important de patients 
                    atteints du VIH/sida et de l'hépatite C. Il a avoué 
                    qu'il n'était pas un expert sur les questions reliées 
                    au VHC comme l'était le Dr Steven Kleinman, qui a produit 
                    un rapport en date du 14 janvier 2002 et a témoigné 
                    au nom de l'Administrateur comme médecin anatomo-pathologiste 
                    ayant une expertise en médecine transfusionnelle, en 
                    entreposage de sang, en infections et maladies transmises 
                    par transfusions, y compris le VHC. J'ai reconnu que le Dr 
                    Norrie était un expert médical dûment 
                    qualifié ayant un intérêt spécial 
                    en matière de VIH/sida et de VHC.
 
 29. Le Dr Norrie a témoigné qu'il y a une petite 
                    cohorte de personnes qui sont infectées par le virus 
                    mais qui ne contractent pas les anticorps. Il a fait référence 
                    aux patients de sa pratique qui sont infectés par l'hépatite 
                    C et le VIH mais qui se révèlent négatifs 
                    au test de détection des anticorps de l'hépatite 
                    C. Il a aussi fait référence à une lettre 
                    en date du 3 mai 2001 écrite par deux médecins 
                    du British Columbia Centre for Excellence in HIV/Aids à 
                    l'hôpital St. Paul's dans laquelle ces derniers ont 
                    découvert deux patients infectés par le VIH 
                    et l'hépatite C dont les résultats se sont à 
                    maintes reprises avérés VHC négatifs 
                    mais VHC positifs selon le test ACP. De l'avis du Dr Norrie, 
                    dans le cas des enquêtes, on devrait utiliser le test 
                    ACP de même que celui de détection des anticorps.
 
 30. Le Dr Norrie a aussi discuté d'une cohorte de personnes 
                    qui sont peut-être aux toutes premières étapes 
                    du virus mais qui n'ont pas contracté les anticorps. 
                    Je crois savoir que la SCS a examiné les donneurs depuis 
                    1999 en utilisant les deux tests afin de saisir des résultats 
                    qu'on pourrait autrement manquer au cours de cette brève 
                    période de temps.
 
 31. Le Dr Norrie a aussi témoigné au sujet de 
                    la période de temps entre l'infection par le VHC et 
                    l'insuffisance hépatique. Il a témoigné 
                    à l'effet que la période normale de temps est 
                    davantage à l'intérieur d'un écart de 
                    vingt ans mais qu'il n'est pas impossible que la maladie progresse 
                    à l'intérieur d'une période de six ans, 
                    comme cela devrait être le cas dans la présente 
                    situation, si la réclamante avait été 
                    d'abord infectée par le VHC en 1988.
 
 32. Le Dr Norrie a aussi soutenu, lors du contre-interrogatoire, 
                    que dans environ 10 % des cas d'hépatite C, on ne peut 
                    retracer la source d'infection.
 
 33. Quoique j'aie perçu le Dr Norrie comme un médecin 
                    consciencieux et dédié, je n'ai pas trouvé 
                    de preuves particulièrement utiles au sujet du test 
                    ACP, puisque le Régime et le Protocole d'enquête 
                    exigent seulement un test de détection des anticorps 
                    lors de la procédure d'enquête. De plus, la preuve 
                    du Dr Kleinman a fourni une base rationnelle pour utiliser 
                    seulement le test de détection des anticorps pour les 
                    investigations.
 
 En faveur de l'Administrateur
 
 34. Tel qu'indiqué, le Dr Steven Kleinman a témoigné 
                    au nom de l'Administrateur. Son travail professionnel se trouve 
                    davantage dans les domaines de l'épidémiologie 
                    et de la santé publique que dans les soins individuels 
                    aux patients. Il est présentement professeur clinicien 
                    d'anatomie pathologie à la Faculty of Medicine, de 
                    l'University of British Columbia et scientifique adjoint à 
                    la SCS. Il a été consultant auprès d'organismes 
                    transfusionnels, d'hôpitaux, des gouvernements et de 
                    l'industrie. J'ai reconnu le Dr Kleinman à titre d'expert 
                    en maladies reliées au sang, en tests de dépistage 
                    sanguin, en collecte de sang et en procédures d'enquête.
 
 35. Le Dr Kleinman a témoigné au sujet de la 
                    période normale de temps pour qu'une personne contracte 
                    une maladie du foie à un stade avancé après 
                    infection par le VHC. Il a dit qu'il serait très inhabituel 
                    qu'une personne ait une telle maladie en six ans, mais il 
                    n'a pas voulu dire que cela ne pouvait se produire. Il a témoigné 
                    que statistiquement, il est plus probable qu'une personne 
                    ait la maladie du foie à un stade avancé après 
                    vingt ans d'infection qu'après six ans. Il a fait référence 
                    à des recherches scientifiques à l'effet que 
                    seulement 5 % des personnes qui ont contracté la maladie 
                    du foie à un stade avancé suite au VHC l'ont 
                    contracté à l'intérieur d'une période 
                    aussi courte que 10 ans après la date d'infection. 
                    Cette preuve du Dr Kleinman soulève l'importante possibilité 
                    que la réclamante ait été infectée 
                    par le virus de l'hépatite C avant 1986 et plus probablement 
                    durant les années 1970. Le Dr Kleinman a aussi noté 
                    que même si on n'avait pu trouver aucun autre facteur 
                    de risque lié à l'hépatite C dans le 
                    cas présent, le US Centre for Disease Control and Prevention 
                    affirme qu'on ne trouve aucun facteur de risque dans 10 % 
                    des cas d'hépatite C.
 
 36. Le Dr Kleinman a de plus précisé qu'il est 
                    médicalement certain que les donneurs, dans le cas 
                    présent, ne pouvaient pas avoir été aux 
                    premières étapes de l'infection par le VHC sans 
                    avoir produit des anticorps, car ils se sont avérés 
                    subséquemment VHC négatifs. Le Dr Kleinman a 
                    aussi indiqué qu'on effectue des enquêtes relatives 
                    à l'hépatite C afin d'établir si un donneur 
                    de sang ait pu avoir été infecté ou non 
                    par le virus de l'hépatite C à un moment donné 
                    dans le passé, peut-être de manière à 
                    transmettre l'infection à un receveur au moyen d'une 
                    transfusion sanguine. Souvent comme dans le cas présent, 
                    la vérification d'un échantillon de suivi d'un 
                    ancien donneur de sang aura lieu un certain nombre d'années 
                    après l'incident de transfusion en question. On a administré 
                    un test au premier donneur cinq ans après la transfusion 
                    en question. On a administré un test au deuxième 
                    donneur treize ans plus tard. Selon le Dr Kleinman, le test 
                    de détection des anticorps de l'hépatite C révèle 
                    une réaction du système immunitaire de la personne 
                    infectée à l'exposition au virus de l'hépatite 
                    C. Cette réaction se produit généralement 
                    en l'espace des quelques premiers mois après l'exposition 
                    au virus. Lorsqu'une telle réaction se produit, elle 
                    est durable et durera plusieurs décennies et probablement 
                    toute la vie chez la vaste majorité des gens.
 
 37. Le Dr Kleinman a aussi déclaré que les anticorps 
                    de l'hépatite C persisteront tant chez les personnes 
                    qui demeurent infectées par l'hépatite C que 
                    chez celles dont le système immunitaire a réussi 
                    à enrayer l'infection virale de l'hépatite C. 
                    Le Dr Kleinman a aussi fourni la preuve que plusieurs études 
                    à long terme ont démontré que le test 
                    de détection des anticorps de l'hépatite C indique 
                    plus efficacement que le test ACP la présence d'une 
                    infection antérieure de l'hépatite C. Ces études 
                    démontrent qu'entre 20 à 45 % des personnes 
                    reconnues avoir été infectées préalablement 
                    par le VHC se révèleront porteurs des anticorps 
                    du VHC mais exempts du virus selon le test ACP environ 17 
                    à 23 ans après la première infection.
 
 38. Le Dr. Kleinman a aussi témoigné que plusieurs 
                    versions du test de détection des anticorps de l'hépatite 
                    C ont été homologués depuis 1990. On 
                    a homologué chaque version seulement après avoir 
                    validé la fiabilité des résultats.
 
 39. Le Dr Kleinman a aussi examiné les résultats 
                    du test de détection des anticorps dans le cas présent 
                    et il a confirmé qu'ils étaient clairement négatifs 
                    et qu'ils avaient été interprétés 
                    correctement.
 
 40. Le Dr Kleinman a aussi déclaré que le taux 
                    de donneurs immunodéprimés VHC positifs et exempts 
                    des anticorps est de un sur 7,7 millions. Même s'il 
                    n'y avait pas de dépistage du VHC en 1988, il y en 
                    avait pour le VIH. Les deux donneurs en question n'auraient 
                    pas été infectés par le VIH.
 
 41. Dans son rapport en date du 14 janvier 2002, le Dr Kleinman 
                    a tiré les conclusions suivantes :
 
 
 1. La possibilité que l'un des deux donneurs de sang 
                    VHC négatifs ait transmis l'hépatite C à 
                    l'appelante au moment de leurs dons antérieurs de sang 
                    est extrêmement éloignée. Selon les données 
                    que l'on trouve dans les documents, la fréquence de 
                    contagion d'un donneur de sang (c.-à-d. VHC positif 
                    selon le test ACP) tout en étant exempt des anticorps 
                    du VHC est d'environ un sur 7,7 millions.
 
 2. Si l'infection s'était produite à la suite 
                    de ces transfusions à l'appelante au début de 
                    1988, le temps d'absorption à partir du début 
                    de l'infection par l'hépatite C jusqu'à la transplantation 
                    hépatique aurait été de moins de sept 
                    ans. Il s'agit là d'un temps d'absorption hautement 
                    inhabituel. L'apparition de l'insuffisance hépatique 
                    en 1994 serait plus conforme à une date d'infection 
                    avant 1986.
 
 3. L'absence d'une source identifiable d'infection par l'hépatite 
                    C ne signifie pas par défaut que l'hépatite 
                    C ait été acquise par suite d'une transfusion 
                    sanguine.
 
 
 42. D'autres témoins en faveur de l'Administrateur 
                    comprenaient (i) Carol Miller, la coordonnatrice des appels 
                    de l'Administrateur et une infirmière autorisée 
                    depuis plus de 20 ans; et tel que mentionné, (ii) Lindsay 
                    Patterson, de la SCS et (iii) Madame Petra Welsh, gestionnaire 
                    de laboratoire du centre de transfusion de la SCS à 
                    Vancouver. Les preuves fournies par ces trois témoins 
                    collectivement, me convainquent que l'Administrateur et la 
                    SCS ont suivi les procédures et les protocoles requis 
                    lors des procédures d'enquête portant sur la 
                    réclamante, à savoir que les donneurs ayant 
                    fourni le sang transfusé au cours de la période 
                    visée par les recours collectifs étaient exempts 
                    des anticorps du VHC.
 
 VI. Juridiction/Autorité
 
 43. Selon la Convention de règlement, le rôle 
                    de l'Administrateur est d'administrer les modalités 
                    et conditions du Régime. L'Administrateur n'a pas le 
                    pouvoir discrétionnaire d'autoriser une indemnisation, 
                    lorsque la preuve d'admissibilité n'existe pas. L'Administrateur 
                    n'a pas le pouvoir de modifier ou d'ignorer les modalités 
                    et conditions du Régime. À titre d'arbitre, 
                    ma juridiction est également limitée. Je suis 
                    également lié aux modalités et conditions 
                    de la Convention de règlement ainsi que du Régime 
                    et des protocoles approuvés par les tribunaux. Je ne 
                    peux certainement pas prendre de décision qui leur 
                    soit contraire ou les modifier, même si je pensais qu'elles 
                    comportaient des lacunes.
 
 44. Dans une décision du juge-arbitre John Sanderson, 
                    c.r., confirmée par le juge Pitfield de la Cour suprême 
                    de la Colombie-Britannique dans l'affaire du Régime 
                    à l'intention des transfusés infectés 
                    par le VHC de la Convention de règlement relative au 
                    VHC (1986-1990) concernant la réclamation no 1300430, 
                    la décision 908 de la CSCB de 2002, le juge-arbitre 
                    a déclaré ce qui suit :
 
 Les mots utilisés dans l'article 3.04(1) du 
                    Régime sont clairs et non ambigus à l'effet 
                    que l'Administrateur " . . . doit refuser la réclamation 
                    . . ." dans de telles circonstances. L'Administrateur 
                    doit administrer le Régime selon les modalités 
                    de ce dernier. L'Administrateur n'est pas autorisé 
                    à modifier ou à ignorer les modalités 
                    du Régime. De la même manière, lorsqu'un 
                    juge-arbitre est appelé à examiner une décision 
                    de l'Administrateur, il doit appliquer les dispositions pertinentes 
                    du Régime aux circonstances individuelles du réclamant 
                    mais il ne peut ni en modifier ni en ignorer les dispositions.
 VII. Analyse
 45. En fin de compte, le représentant de la réclamante 
                    ne pouvait qu'argumenter que, dans le cas présent, 
                    la procédure d'enquête était insatisfaisante 
                    et non fiable, qu'il y avait preuve pour réfuter le 
                    résultat de l'enquête en vertu du paragraphe 
                    3.04(2) et qu'il faudrait effectuer les tests ACP à 
                    partir des échantillons obtenus dans le cadre de la 
                    procédure d'enquête.
 
 46. Je peux comprendre que la réclamante et son représentant 
                    ont dû éprouver une certaine frustration lorsqu'ils 
                    ont dû traiter avec certains organismes administratifs 
                    qui ont des règles établies et des procédures 
                    standards d'opération, dont certaines ne sont pas disponibles 
                    à l'examen du public. De plus, je peux comprendre qu'il 
                    peut y avoir un certain montant de frustration et de doute 
                    lorsque les résultats des enquêtes et des tests 
                    de sang des donneurs sont fournis sans documents-source. Cependant, 
                    tel que rédigés présentement, le Régime 
                    et les protocoles ne requièrent pas la production de 
                    documents- source.
 
 47. Dans le cas présent, je suis convaincu que l'Administrateur 
                    a correctement suivi les procédures d'enquête 
                    approuvées par les tribunaux, y compris le Protocole 
                    d'enquête approuvé par le tribunal.
 
 48. Je suis également convaincu que, selon toutes les 
                    preuves fournies, les résultats du test des anticorps 
                    de l'hépatite C sont valides et fiables.
 
 49. Le Protocole d'enquête requiert que, conformément 
                    au sous-paragraphe 3.04(1) du Régime, l'Administrateur 
                    rejette une réclamation lorsque les renseignements 
                    découlant de l'enquête indiquent que les donneurs 
                    du sang reçu par une personne prétendant être 
                    directement infectée au cours de la période 
                    visée par les recours collectifs ne sont pas VHC positifs. 
                    L'Administrateur a donc rejeté la réclamation 
                    dans le cas présent. Le rejet était sujet au 
                    droit de la réclamante de fournir la preuve réfutant 
                    les résultats de la procédure d'enquête 
                    tel que stipulé au paragraphe 3.04(2) du Régime.
 
 50. Je suis d'accord avec les commentaires de l'arbitre Wacyk, 
                    qui a rendu la décision dans le cas de la réclamation 
                    no 1402149 du 16 février 2002 en Ontario :
 
 [Traduction]
 
 [Le paragraphe] 3.04(2) stipule qu'il faut une preuve 
                    spécifique relativement à un réclamant 
                    particulier et qui prouve, selon la prépondérance 
                    des probabilités que le réclamant a d'abord 
                    été infecté par le VHC à la suite 
                    d'une transfusion sanguine reçue au Canada durant la 
                    période visée par les recours collectifs.
 
 51. Dans le cas présent, il n'y avait aucune preuve 
                    probante à l'effet que les résultats négatifs 
                    du test de détection des anticorps du VHC, obtenus 
                    suite à la recherche dans les dossiers au sujet du 
                    premier donneur et à l'investigation relative à 
                    la période visée au sujet du deuxième 
                    donneur étaient non valides ou non fiables. L'absence 
                    de tests ACP est non pertinente, étant donné 
                    le libellé du Régime et du Protocole d'enquête.
 
 52. De plus, la preuve scientifique n'appuie pas l'affirmation 
                    de la réclamante à l'effet qu'elle a dû 
                    d'abord avoir été infectée par les transfusions 
                    sanguines en 1988. Comme l'a indiqué le Dr Kleinman 
                    dans son rapport en date du 14 janvier 2002 :
 
 [Traduction] Les donneurs de sang ne sont probablement pas 
                    immunodéprimés, étant donné qu'ils 
                    ont réussi l'entrevue de donneur de sang et se sont 
                    avérés VIH négatifs lors du test. Ces 
                    conclusions de tests relatifs à l'hépatite C 
                    chez les donneurs de sang indiquent que, bien qu'il soit possible, 
                    selon le test ACP, qu'un individu doté d'un système 
                    immunitaire probablement normal s'avère VHC positif, 
                    les anticorps négatifs de l'hépatite C au-delà 
                    de l'intervalle prévue de 2 à 3 mois, cette 
                    conclusion est extrêmement rare (selon les données 
                    publiées par l'American Red Cross, on estime que sa 
                    fréquence est de 1 sur 7,7 millions de dons vérifiés).
 
 53. Il y a aussi la preuve du Dr Kleinman, acceptée 
                    par le Dr Norrie, à savoir que dans 10 % des cas d'hépatite 
                    C, on ne peut retracer la source de l'infection.
 
 54. De plus, les deux experts ont témoigné que 
                    la date de l'insuffisance hépatique indique généralement 
                    que l'infection de la réclamante se serait produite 
                    beaucoup plus tôt qu'en 1988, quoique ni l'un ni l'autre 
                    ne pouvait entièrement écarter la possibilité 
                    d'une infection à une date ultérieure.
 
 55. À mon avis, après avoir examiné toute 
                    la preuve, la réclamante est très loin d'avoir 
                    pu démontrer, selon la prépondérance 
                    des probabilités, qu'elle avait d'abord été 
                    infectée par le VHC suite à une transfusion 
                    sanguine reçue au Canada au cours de la période 
                    visée par les recours collectifs. Selon les faits présentés 
                    dans le cas présent, je dois conclure que l'Administrateur 
                    a correctement établi que la réclamante n'avait 
                    pas droit à l'indemnisation en vertu de la Convention 
                    de règlement.
 
 56. Je maintiens le refus, par l'Administrateur, de la demande 
                    d'indemnisation de la réclamante.
 
 Fait à Vancouver, le 15e jour du mois d'août 
                    2002.
 
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 Vincent R.K. Orchard,
 Arbitre
 
  
                    
                    						
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