Renvois : Décisions
homologuées par le juge arbitre : #115 - Le 16 novembre
2003
D É C I S I O N
1. Il s'agit d'un réclamant résidant en Ontario.
2. Ce renvoi porte sur quatre points distincts qui sont traités
séparément ci-après.
1. INDEMNISATION POUR FRAIS REMBOURSABLES
3. La première réclamation constitue un renvoi
daté du 29 avril 2001 qui porte sur le refus de menues
dépenses engagées par la personne infectée,
sa mère et son père, lorsque le psychologue
traitant l'adolescent infecté âgé de 16
ans a recommandé qu'il participe à une séance
de la National Haemophiliac Foundation à Anaheim, en
Californie. Le réclamant infecté est également
un hémophile. En rédigeant sa recommandation,
le psychologue a noté que la personne infectée
avait participé à ces séances dans le
passé et qu'elles avaient été "
utiles comme soutiens émotifs et sociaux pour son traitement
et son attitude psychologique ". Dans une autre note
en date du 21 décembre 2000, le psychologue a noté
qu'il avait fourni des services psychologiques à la
personne infectée et à la famille pendant trois
ans et dont le but principal était de " renforcer
le mécanisme d'adaptation de X afin de réduire
les effets psychologiques de la divulgation éventuelle
à ce dernier de son problème d'hépatite
". La mère de la personne infectée a indiqué
qu'elle avait cherché des séances semblables
pour son fils qui auraient lieu plus près du domicile,
mais que ces séances n'étaient pas disponibles.
4. On a présenté un certificat attestant que
la personne infectée et ses parents avaient participé
à la réunion annuelle à Anaheim du 9
au 11 novembre 2000, et que la réunion comprenait une
séance de 6 heures et demie sur l'hépatite C
destinée aux hémophiles. La mère du réclamant
a indiqué qu'elle et son mari avaient participé
à des séances pour adultes alors que son fils
participait à celles pour adolescents. Les séances
pour jeunes de 16 à 18 ans comprenaient un certain
nombre de séances générales sur l'instauration
de la confiance, sur la planification de la carrière
et des études, sur l'exploration de choix personnels
de soins de santé, sur les questions que les adolescents
ne se sentent pas à l'aise de discuter avec leurs parents,
ainsi qu'une séance portant notamment sur " l'hépatite
et les adolescents ".
5. Dans le cas présent, les frais d'inscription et
les repas ont été payés par l'Haemophilia
Society, et aucune réclamation n'a été
soumise à cet égard. La réclamation comprenant
trois billets d'avion à destination de la Californie
totalisant 1 350 $ CAN, et trois nuits à l'hôtel
totalisant 186,30 $US.
6. L'Administrateur a présenté une lettre du
professeur et doyen de la Division des maladies infectieuses
de l'Université d'Ottawa. Sur cette question, le Dr
Garber a déclaré :
" Il serait peut-être important d'examiner les
besoins psychologiques, l'incapacité de travailler
dans le contexte d'enfants atteints d'hémophilie afin
d'établir dans quelle mesure il existe un problème
additionnel lié à l'hépatite C. Il est
très clair que les camps pour hémophiles sont
établis afin de renseigner et de donner du soutien,
car les jeunes hémophiles ont plusieurs questions reliées
à leur maladie chronique. Il n'y a aucun doute que
le fait d'être VHC positif est un fardeau additionnel,
mais il semble qu'on met trop d'accent sur l'hépatite
C...
Avant tout, le camp visait clairement les questions d'hémophilie,
avec seulement 6 heures et demie des séances du camp
portant sur l'hépatite C. On peut certainement obtenir
de l'information locale sur l'hépatite en Ontario et
au Québec. On ne peut considérer le voyage en
Californie comme un " traitement généralement
reconnu ". En outre, bien que recommandé par le
psychologue, il arrive assez fréquemment qu'un fournisseur
de soins primaires appuie la demande de la famille, cependant,
cela ne justifie pas que les dépenses soient généralement
reconnues ou nécessaires. À mon avis, un voyage
en Californie est un traitement exceptionnel, et ne répond
pas aux critères de financement (ou ne le justifie
pas) ".
7. Le réclamant a soutenu que le traitement constituait
une dépense remboursable recommandée par le
psychologue, et qu'elle était donc raisonnable et également,
qu'il n'y avait aucun autre traitement semblable disponible
dans la région d'Ottawa. On a reconnu que lorsque l'adolescent
infecté suivait son traitement, ses parents étaient
présents afin de pouvoir bénéficier d'un
avis médical approfondi sur l'hépatite C, ce
qui ne peut être fourni en autant de détails
et pendant une période aussi prolongée dans
un bureau médical à Ottawa. De plus, on a soutenu
que l'adolescent infecté âgé de 16 ans
ne pouvait être laissé seul.
8. Du côté de l'Administrateur, on a soutenu
que les frais remboursables encourus ne répondaient
pas au test de caractère raisonnable selon l'article,
et même si les frais étaient raisonnables, ils
n'étaient pas attribuables à la recherche d'un
avis médical ou d'une médication ou d'un traitement
généralement reconnu lié à l'infection
de la personne infectée. On a souligné que la
personne infectée recevait un traitement à Ottawa
de spécialistes médicaux et d'un psychologue.
Selon les documents de la conférence, les séances
d'information s'adressaient aux hémophiles et ne visaient
pas l'hépatite C. L'Administrateur s'est appuyé
sur l'avis du Dr Garber, indiqué plus haut, et a indiqué
qu'il se préoccupait beaucoup du fait que la présentation
et l'approbation de frais non raisonnables en rapport avec
ce genre de questions pouvaient mener à de multiples
réclamations et affecter la position financière
du Fonds.
DÉCISION
9. Dans ce cas, les arguments des parties s'appuyaient sur
le paragraphe 4.07 de la Convention. En passant, je note que
le paragraphe 4.07 indiqué ci-dessous porte sur l'indemnisation
des frais remboursables alors que le paragraphe 4.06 porte
sur l'indemnisation de traitement et de médication
non assurés.
" 4.07 Indemnisation des frais remboursables
La personne reconnue infectée par le VHC qui remet
à l'administrateur une preuve satisfaisant ce dernier
qu'elle a engagé ou engagera par suite de son infection
par le VHC des frais remboursables qui ne sont pas recouvrables
par le réclamant ou en son nom aux termes de tout régime
public ou privé d'assurance maladie a le droit de se
faire rembourser tous les frais raisonnables ainsi engagés,
aux conditions suivantes :
(a) les frais remboursables comprendront i) les frais
de déplacement,
hôtels, repas, téléphones et autres
frais semblables attribuables à l'obtention d'avis
médicaux ou de médicaments ou traitements
généralement reconnus par suite de son infection
par le VHC et ii) les frais médicaux engagés
pour établir une réclamation; et |
(b) le montant des frais ne peut dépasser le
montant indiqué à cet égard dans
les lignes directrices des règlements pris en vertu
de la Loi sur la gestion des finances publiques
(Canada). " |
On n'a présenté aucun argument à l'effet
que l'indemnisation pour frais remboursables n'était
pas payable dans le cas présent, parce que la recommandation
ne provenait pas d'un médecin mais plutôt d'un
psychologue, et qu'elle pouvait ou non avoir été
un traitement médical ou un traitement médical
requis. En bref, on a présenté le cas en fonction
du fait que si la recommandation du psychologue était
raisonnable et que si le traitement était généralement
reconnu, alors, la réclamation pouvait être payée.
10. Le paragraphe 4.07 stipule qu'on peut indemniser une
personne infectée pour ses frais remboursables. Son
libellé ne s'applique pas à un tuteur ou aux
parents ou aux membres de la famille qui sont tous des termes
définis dans le paragraphe 1.01 de la Convention. En
outre, le paragraphe 6.03 stipule que les autres membres de
la famille d'une personne infectée par le VHC ont droit
uniquement à des réclamations en vertu des paragraphes
6.01 et 6.02 (ou, à sa place, du paragraphe 5.01(2)
ou (3)), et n'ont pas droit à des réclamations
ou à une indemnisation additionnelle ou autre.
11. À mon avis par conséquent, la seule indemnisation
payable, s'il y a lieu, dans le cas présent, est à
la personne infectée. Ni le psychologue ni le médecin
retenu par l'Administrateur devant fournir des avis à
ce dernier concernant la réclamation n'ont témoigné
devant moi ou n'ont été sujets à un contre-interrogatoire.
À sa face même, la recommandation du psychologue
à l'effet que l'adolescent infecté de 16 ans
participe à la séance de la National Haemophilic
Foundation a clairement été faite en se basant
sur le fait que cela s'était fait dans le passé
et que cela s'était avéré utile comme
soutien émotif et social pour son traitement et son
attitude psychologique. Ainsi, la participation de la personne
infectée n'a pas été recommandée
parce qu'il s'agissait d'une chose agréable ou bonne
à faire, mais plutôt parce qu'elle était
utile au traitement. De plus, selon le psychologue, le "
but principal de l'offre de services de psychologue était
de renforcer le mécanisme d'adaptation de l'adolescent
de 16 ans afin de minimiser les effets psychologiques de la
divulgation éventuelle à ce dernier qu'il était
atteint d'hépatite ".
12. À mon avis, on ne doit pas accorder beaucoup d'importance
à l'opinion du Dr Garber, car elle ne s'appuie pas
sur un examen ou une compréhension directe de la recommandation
du psychologue. Rien n'indique que le Dr Garber ou l'Administrateur
a procédé à un examen à cet égard,
et de toute manière, je note en passant que comme médecin,
le Dr Garber n'est pas psychologue. En outre, la note du Dr
Garber à l'effet que le camp était principalement
axé sur l'hémophilie, avec une séance
de seulement 6 heures et demie sur l'hépatite C, a
clairement été énoncée sans tenir
compte du fait que l'adolescent infectée de 16 ans
a participé à un camp distinct de celui des
adultes où les questions d'hémophilie et les
problèmes d'hépatite C ont tous deux été
abordés. De toute manière, je ne suis pas convaincu
que la question de l'importance accordée à l'hépatite
C lors du camp soit pertinente dans les circonstances particulières
du présent cas. Il semble ici qu'il y a un problème
psychologique important dû au fait que l'adolescent
ait de la difficulté à accepter le fait qu'il
souffre d'hépatite C en plus de son hémophilie.
Cela semble être au cur de la prestation des services
psychologiques au cours d'une période de trois ans
offerts à cet adolescent. À mon avis, toute
l'expérience et tout cet exercice recommandés
au nom de l'adolescent infecté semblent au cur
du problème qui le confronte.
13. Au sujet de la preuve du Dr Garber, je note également
que sa conclusion ne s'appuie sur aucune preuve évidente,
à savoir que même si " l'hépatite
C est un fardeau additionnel " dans les circonstances
du présent cas, " il semble qu'on ait trop souligné
l'hépatite C ". À défaut de toute
interaction entre l'expert ou l'Administrateur et l'adolescent
infecté ou le psychologue, on ne doit accorder que
très peu d'importance à une telle conclusion
de ce médecin dans la présente cause.
14. Normalement, j'aurais ignoré les frais remboursables,
afin d'éliminer les portions reliées à
l'hémophilie et/ou afin d'établir une certaine
allocation raisonnable entre l'hémophilie et l'hépatite
C. Cependant, dans les circonstances particulières
du cas présent et étant donné d'abord
le fondement de la recommandation de la participation de l'adolescent
infecté et étant donné également
le caractère raisonnable des montants réclamés
en cause, je pense que la réclamation des frais d'hôtel
qui auraient probablement été engagés
par une ou par trois personnes, (il n'y avait aucuns autres
frais additionnels, étant donné qu'ils ont occupé
une seule et même chambre) devrait être pleinement
remboursée et un billet d'avion devrait également
être remboursé.
15. On s'est dit préoccupé quant au danger
de trop étendre le remboursement de frais remboursables
et de traitements en dehors du pays. Le présent cas
n'ouvre pas la possibilité " d'avalanches de poursuites
". D'abord, les montants réclamés sont
très minimes et raisonnables dans les circonstances,
limités comme ils le sont à un billet d'avion
de 450 $CAN et à une chambre d'hôtel aux coûts
de 630 $US. Deuxièmement, il n'y a eu aucune preuve
dans le présent cas à l'effet qu'il y ait eu
un traitement semblable disponible pour l'adolescent infecté
dans la région ou ailleurs dans un endroit plus près
du domicile. Troisièmement, les circonstances psychologiques
particulières de ce réclamant spécifique
étaient uniques et probablement comparativement rares,
étant donné qu'il souffrait d'hémophilie,
et que maintenant, il devait s'adapter aux pressions psychologiques
liées à son hépatite C. Quatrièmement,
dans le présent cas, le traitement était spécifiquement
recommandé par le psychologue, en raison des problèmes
psychologiques très particuliers de ce réclamant,
et bien qu'il aurait été préférable
que le psychologue donne plus de détails, et que ce
dernier aurait dû élaborer davantage sur les
circonstances particulières ayant justifié sa
recommandation, dans d'autres cas portant sur des réclamations
plus importantes, il faudrait probablement fournir des preuves
plus élaborées afin de respecter le test préliminaire
du caractère raisonnable. Également, il faudrait
peut-être fournir plus de détails sur le traitement
particulier recommandé, et sur son bien-fondé.
À cet égard, cependant, il faut se rappeler
qu'il s'agit d'un processus qui se veut expéditif pour
résoudre les réclamations et les montants réclamés
étaient minimes.
16. Par conséquent, dans les circonstances particulières
du présent cas, j'enjoins que la personne infectée
soit remboursée pour les frais d'un seul billet d'avion
ainsi que les frais totaux de l'hôtel qui ont été
payés en argent américain.
3. PERTE DE SALAIRE
17. La mère du réclamant a présenté
une réclamation pour perte de salaire reliée
aux rendez-vous médicaux. Elle soutient que si les
pertes ne peuvent être réclamées que par
la victime et non les parents, la situation devrait être
différente dans le cas d'un mineur. En outre, dans
sa dernière présentation, la mère du
réclamant indique qu'elle ne comprend pas pourquoi
la victime n'a pas été remboursée pour
perte de services à compter de l'âge de 14 ans,
ni pourquoi l'Administrateur n'a pas défrayé
la perte de services des parents.
18. L'Administrateur soutient que le Régime ne prévoit
pas de remboursement pour perte de revenu à un membre
de la famille, et donc, l'indemnisation pour perte de revenu
ne peut être payée qu'à la personne infectée
et non à la mère de la personne.
19. En outre, l'Administrateur soutient qu'en vertu du paragraphe
4.03, la victime a déjà été remboursée
pour perte de services et qu'en vertu du paragraphe 4.03(3),
une personne infectée ne peut pas réclamer à
la fois une indemnisation pour perte de revenu et une indemnisation
pour perte de services durant la même période.
20. Rien dans le Régime ne me semble justifier l'indemnisation
de la perte de revenu de la mère du réclamant.
S'il y a d'autres réclamations pour perte de services
liés à la victime lors d'années antérieures,
je n'ai pas de preuve en mains et ne peux donc traiter de
cette question.
3. INDEXATION
21. Le réclamant a soutenu que la formule d'indexation
du Régime n'avait pas été correctement
appliquée dans le présent cas, et que de toute
manière, le réclamant n'avait pas reçu
son chèque en temps opportun et que cela lui avait
donc porté préjudice et il avait perdu de l'intérêt
sur son argent.
22. L'Administrateur soutient que la formule d'indexation
est correcte et a présenté un calcul à
cet effet.
23. Je ne trouve aucune preuve à l'effet que l'indexation
tel que calculée par l'Administrateur était
incorrecte, et que tout au plus, il semble y avoir eu confusion
au sujet de la livraison d'un chèque qui, bien que
regrettable, n'est pas indemnisable.
4. AUTRES ENJEUX
24. L'Administrateur a soulevé la question quant à
savoir si les services psychologiques avaient été
rendus à la victime ou à la mère ou aux
parents de la victime dans certaines circonstances. La mère
du réclamant a témoigné que les réclamations
avaient toujours été payées dans le passé
et qu'elle avait toujours accompagné le réclamant
aux séances chez le psychologue. En outre, le psychologue
a fourni une autre lettre après l'audition confirmant
que les services avaient toujours été fournis
à la personne infectée. Dans ces circonstances,
l'Administrateur a indiqué qu'il ne contesterait pas
d'autres paiements au réclamant et qu'il effectuerait
les paiements appropriés. Si cela ne s'est pas produit,
on peut m'en aviser et j'ordonnerai comme il convient à
l'Administrateur d'effectuer ces paiements.
Cela met fin à toutes les questions soulevées
durant le renvoi.
FAIT à Toronto ce 16e jour de novembre 2003
_____________________________________
C. Michael Mitchell
Juge arbitre
|