Renvois : Décisions
homologuées par le juge arbitre : #86 - Le 23 mai
2003
Décision du tribunal compétent en matière de recours collectifs - le 25 mai 2004
D É C I S I O N
1. Le 9 décembre 2002, l'Administrateur a refusé
la demande d'indemnisation comme personne directement infectée
en vertu du Régime à l'intention des transfusés
infectés par le VHC. La réclamation a été
refusée en raison du fait que la personne décédée,
au nom de qui la réclamation a été présentée,
n'avait pas été " infectée pour
la première fois " par une transfusion de sang
reçue au cours de la période visée par
les recours collectifs.
2. Le réclamant a demandé qu'un juge arbitre
soit saisi de la décision du refus de l'Administrateur.
Suite à un échange d'une importante correspondance
entre les représentants des parties et une série
de conférences téléphoniques, le réclamant
a demandé le renvoi en audition du refus de la réclamation
par l'Administrateur. Cette audition a eu lieu à Kamloops
en Colombie-Britannique le 14 mai 2003.
3. Les faits pertinents ne sont pas mis en cause et peuvent
se résumer comme suit :
a) Le réclamant et sa conjointe décédée
vivaient à Kamloops en Colombie-Britannique. La conjointe
du réclamant est décédée le 5
octobre 1999.
b) Au moment de son décès, elle était
atteinte d'hépatite C.
c) Son conjoint, le réclamant, a présenté
une réclamation au nom de la succession de sa conjointe,
en vertu du Régime à l'intention des transfusés
infectés par le VHC, à titre de représentant
personnel d'une personne directement infectée.
d) Lors de la présentation de la demande d'indemnisation,
on a entrepris une procédure d'enquête qui a
révélé que la personne décédée
avait reçu des transfusions de sang avant et durant
la période visée par les recours collectifs
de donneurs reconnus comme étant VHC positifs.
e) Avant son décès, la personne décédée
avait subi des interventions chirurgicales importantes à
diverses occasions qui ont exigé des transfusions de
sang.
f) La procédure d'enquête a révélé
que la personne décédée avait reçu
dix transfusions de sang au Royal Inland Hospital de Kamloops
en janvier 1982, et qu'en mars 1982, elle avait reçu
une transfusion de sang au même hôpital. En janvier
1985, elle a reçu quatre transfusions de sang au Royal
Jubilee Hospital de Victoria, et en mars 1988, elle a reçu
six transfusions de sang au même hôpital.
g) Dans une lettre en date du 9 janvier 2001, la Société
canadienne du sang a résumé les résultats
de la procédure d'enquête relativement à
toutes les transfusions de sang mentionnées plus haut.
Les résultats indiquaient que deux des donneurs étaient
VHC positifs, un au cours de la période précédant
celle des recours collectifs et l'autre, durant la période
visée par les recours collectifs.
h) La Société canadienne du sang a fourni à
l'Administrateur des documents complets concernant les dossiers
fournis par les hôpitaux appropriés, qui incluaient
des renseignements sur les deux donneurs en question et suite
à des demandes d'information du réclamant concernant
certaines incompatibilités dans les dossiers d'hospitalisation.
L'effet de ces écarts n'a aucune conséquence
importante sur la présente procédure.
i) Après avoir examiné les autres renseignements
fournis par la Société canadienne du sang concernant
la procédure d'enquête et après avoir
examiné tous les dossiers d'hospitalisation, l'Administrateur
a indiqué qu'il refusait la réclamation parce
que la personne décédée avait reçu
une transfusion de sang avant la période visée
par les recours collectifs dont le donneur s'était
avéré VHC positif.
4. Lors de l'audition, le représentant du réclamant
a fourni une certaine preuve sous forme de ouï-dire que
le Conseiller de l'Administrateur n'a pas contesté,
soit que le style de vie et le dossier personnel de la personne
décédée étaient tels qu'elle n'avait
pu avoir été atteinte de l'hépatite C
avant le début de la période visée par
les recours collectifs. En outre, il semble qu'il n'y avait
pas eu de manifestation ou d'indication extérieure
des symptômes de l'hépatite C avant qu'elle n'ait
subi des tests pour déceler la présence des
anticorps du VHC au cours de la période visée
par les recours collectifs. Dans sa soumission, le représentant
du réclamant m'a prié de concéder qu'il
n'y avait aucune preuve claire et contraignante qu'elle avait
été infectée avant le début de
la période visée par les recours collectifs
et que, par conséquent, je devrais conclure qu'elle
avait été directement infectée au cours
de la période visée par les recours collectifs.
5. Je sympathise beaucoup avec la position du réclamant.
Je dois toutefois conclure que, pour les raisons indiquées
plus loin, il faut maintenir le refus de la demande d'indemnisation
par l'Administrateur.
6. La Convention de règlement relative à l'hépatite
C (1986-1990) définit la " période visée
par les recours collectifs " tel que le sous-entend le
titre comme étant la période " du 1er janvier
1986 au 1er juillet inclusivement ". Les paragraphes
3.04(1) et (2) de la Convention, c'est-à-dire les dispositions
déterminantes de la question examinée, se lisent
comme suit :
(1) Malgré toute autre disposition du présent
régime, si les résultats d'une procédure
d'enquête démontrent que l'un des donneurs ou
l'une des unités de sang reçues par une personne
infectée par le VHC ou une personne infectée
par le VHC qui s'exclut avant le 1er janvier 1986 est ou était
anti-VHC positif ou qu'aucun des donneurs ou des unités
de sang reçues par une personne directement infectée
ou une personne directement infectée qui s'exclut au
cours de la période visée par les recours collectifs
n'est ou n'était anti-VHC positif, sous réserve
des dispositions du paragraphe 3.04(2), l'administrateur
doit rejeter la réclamation de cette personne infectée
par le VHC et toutes les réclamations ayant trait à
cette personne infectée par le VHC ou à cette
personne infectée par le VHC qui s'exclut, y compris
les réclamations des personnes indirectement infectées,
des représentants personnels au titre du VHC, des personnes
à charge et des membres de la famille. . [c'est nous
qui soulignons]
(2) Le réclamant peut prouver que la personne directement
infectée ou la personne directement infectée
qui s'exclut concernée a été infectée
pour la première fois par le VHC par suite d'une transfusion
de sang reçue au Canada au cours de la période
visée par les recours collectifs ou que la personne
indirectement infectée ou la personne indirectement
infectée concernée qui s'est exclue du recours
collectif dans le cadre duquel elle serait autrement un membre
des recours collectifs a été infectée
pour la première fois par le VHC par son conjoint qui
est une personne directement infectée ou une personne
directement infectée qui s'exclut ou un parent qui
est une personne infectée par le VHC ou une personne
infectée par le VHC qui s'exclut, en dépit
des résultats de la procédure d'enquête.
Il est précisé pour plus de certitude que les
frais d'obtention de la preuve visant à réfuter
les résultats d'une procédure d'enquête
sont à la charge du réclamant, sauf décision
contraire d'un juge arbitre, d'un arbitre ou d'un tribunal.
[c'est nous qui soulignons]
7. Dans le cas présent, on ne conteste pas que la
personne décédée a reçu des transfusions
de sang au cours de la période avant et au cours de
celle visée par les recours collectifs. La vraie question
sous examen porte sur l'application du paragraphe 3.04(2)
dans les circonstances de la présente réclamation.
En d'autres mots, il s'agit de savoir si les faits justifient
la conclusion à savoir que l'exception prévue
au paragraphe 3.04(2) s'applique, nonobstant le résultat
de la procédure d'enquête qui, dans le cours
normal des choses, exige que l'Administrateur - et un juge
arbitre - rejettent la réclamation.
8. J'ai eu l'occasion d'examiner les raisons de jugement
de M. le juge Pitfield par rapport à la réclamation
numéro 1300593. Dans ce cas, la situation était
semblable à celle devant moi, en ce sens que le réclamant
visait à invoquer l'exception prévue au paragraphe
3.04(2). Les paragraphes les plus utiles à la décision
se lisent comme suit :
[9] Le paragraphe 3.04(1) s'applique, nonobstant toute autre
disposition de la Convention de règlement, sauf en
ce qui a trait au paragraphe 3.04(2). Le paragraphe 3.04(1)
stipule que l'Administrateur doit rejeter une demande d'indemnisation
si l'une ou l'autre de deux conditions suivantes est satisfaite
: le réclamant a reçu du sang avant le 1er janvier
1986 et l'enquête de retraçage relative à
cette transfusion indique que le donneur de sang était
infecté par l'anticorps du VHC ou que le réclamant
avait reçu une transfusion ou des transfusions au cours
de la période visée par les recours collectifs
et que l'enquête de retraçage relative à
cette transfusion ou ces transfusions indiquaient que ni le(les)
donneur(s) du sang transfusé au cours de la période
visée par les recours collectifs s'étaient avérés
anti-VHC positifs.
[10] Le paragraphe 3.04(2) prévoit une exception au
paragraphe 3.04(1). Nonobstant les résultats du retraçage,
un réclamant peut prouver qu'il a été
infecté pour la première fois par le VHC par
suite d'une transfusion de sang reçue au cours de la
période visée par les recours collectifs. La
Convention de règlement ne dit rien quant à
la charge de la preuve applicable et à la nature de
la preuve qui pourrait réfuter les résultats
de l'enquête de retraçage.
...
[15] La preuve que le réclamant aurait à présenter
lors d'un renvoi comprendrait au moins les dossiers médicaux
personnels et familiaux complets et des preuves détaillées
sur tous les aspects de son mode de vie, y compris des preuves
d'absence de possibilités d'être infecté
par des seringues ou des injections, peu importe la manière
et le but de sa réception. Les genres de preuves que
j'ai décrits ne visent pas à être exhaustifs.
Ils visent plutôt à indiquer le processus à
suivre lorsqu'on tente de réfuter le résultat
de l'enquête de retraçage.
[16] La simple négation par un réclamant de
son passé ou de ses activités personnelles présentées
comme sources possibles de non transfusion d'une infection
par le VHC ne suffirait pas. Il faudrait que la fiabilité
de l'affirmation subjective de nature soit vérifiée
par un renvoi à toutes les preuves objectives connues.
Une des pièces comme preuve objective comprend les
résultats de l'enquête de retraçage qui
s'appuie sur l'application du protocole d'enquête approuvé
et / ou conforme à celui-ci. Il faudrait que des preuves
objectives contradictoires soient très persuasives
si le résultat de l'enquête devait être
réfuté.
9. Je suis d'accord avec cette analyse. La question de savoir
si l'exception prévue au paragraphe 3.04(2) s'applique
est essentiellement une question factuelle dont la décision
dépend d'un examen de la preuve objective et des renseignements
pertinents présentés dans le cas spécifique.
Il n'y a pas lieu d'appliquer un principe générique
ou abstrait à chaque cas. La question à laquelle
le juge arbitre ou l'arbitre nommé en vertu de la Convention
de règlement doit répondre est la suivante :
existe-t-il une preuve suffisamment convaincante pour renverser
le résultat de la procédure d'enquête?
10. Le réclamant a soumis que les antécédents
personnels de la personne décédée étaient
tels qu'elle n'avait pu être infectée en dehors
de la période visée par les recours collectifs.
On ne conteste pas qu'elle menait une vie personnelle très
saine. En même temps, on ne conteste pas non plus qu'elle
a subi d'importantes interventions chirurgicales qui ont requis
un certain nombre de transfusions de sang avant le début
de la période visée par les recours collectifs.
Le fait important est que la preuve sur laquelle le plaignant
s'appuie ne nous convainc pas quant à un résultat
particulier. Tout au mieux, elle peut permettre de conclure
que, si elle n'avait pas subi d'interventions chirurgicales
ou reçu des transfusions, elle n'aurait peut-être
jamais été infectée. Les faits objectifs
sont que les interventions chirurgicales ont eu lieu, des
transfusions de sang étaient requises, et que les tests
ont révélé que les deux donneurs du sang
concerné se sont avérés VHC positifs,
un, avant le début de la période visée
par les recours collectifs, l'autre, au cours de la période
visée par les recours collectifs.
11. Après avoir examiné les faits présentés,
je ne peux pas conclure que la preuve atteint " le niveau
requis permettant de réfuter le résultat de
la procédure d'enquête " (voir le paragraphe
17 des raisons de M. le juge Pitfield). Selon mon interprétation
des paragraphes 3.04(1) et (2), il doit y avoir devant moi
une preuve objective suffisante me persuadant que, selon la
prépondérance des probabilités, le résultat
de la procédure d'enquête ne devrait pas dicter
ma décision. Comme je l'ai déjà mentionné,
le réclamant a présenté toute l'information
pertinente disponible, mais cette information n'a pas de valeur
objective suffisante me convainquant de conclure que le sous-paragraphe
(2) du paragraphe 3.04 s'applique plutôt que le sous-paragraphe(1).
Par conséquent, je dois déclarer que la demande
d'indemnisation ne comprend pas de preuve suffisante et que
compte tenu du résultat de la procédure d'enquête,
la décision du refus de l'Administrateur doit être
maintenue.
Fait à Vancouver, Colombie-Britannique, ce 23e jour
de mai 2003.
John P. Sanderson, c.r.
Juge arbitre
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