| Renvois : Décisions 
                    homologuées par le juge arbitre : #122 - Le 16 janvier 
                    2004  Décision du tribunal compétent en matière de recours collectifs - le 15 décembre 2004  D É C I S I O NLa présente décision découle d'une demande 
                    de renvoi qui a procédé devant moi le 31 juillet 
                    2003, puis lors d'une deuxième journée d'audition, 
                    le 7 novembre 2003. À l'ouverture de l'audition, la réclamante 
                    (et sa sur, laquelle était partie prenante de 
                    toutes les décisions et de toutes les explications) 
                    a choisi de modifier sa demande de renvoi, voulant maintenant 
                    que la décision de l'administrateur soit révisée 
                    par un juge-arbitre plutôt que par un arbitre tel que 
                    demandé à l'origine. Le procureur du Fonds a 
                    consenti à tel amendement et le soussigné a 
                    donc procédé à l'audition du 31 juillet 
                    2003 et à l'audition subséquente à titre 
                    de juge-arbitre, et c'est à ce titre que je rends la 
                    présente décision. La réclamante, fille d'un transfusé décédé 
                    en janvier 2001, poursuit, avec sa sur, des démarches 
                    pour faire reconnaître par l'administrateur du Fonds 
                    que feu monsieur leur père a bel et bien contracté 
                    l'hépatite C suite à une transfusion de sang 
                    reçue en 1989.  Ne laissant rien au hasard, la réclamante a fait, 
                    avec sa sur, un travail colossal de préparation, 
                    d'étude et d'analyse et je leur en suis reconnaissant 
                    puisque ces démarches, sans nécessairement rendre 
                    ma tâche plus facile, permettent tout au moins que je 
                    puisse rendre ma décision, malgré le passage 
                    des ans, sur la base de documents les plus complets possible. Né en 1917, le père de la réclamante 
                    mène ce qu'elle décrit comme étant une 
                    vie tranquille. Il n'y a aucune évidence que le père 
                    de la réclamante se soit soumis à des tatouages 
                    ou du "piercing", qu'il ait pris des drogues 
                    intraveineuses sans prescription ou encore, qu'il ait fait 
                    des voyages en des pays lointains. Il a toutefois du se soumettre 
                    au cours des années à certaines interventions 
                    chirurgicales sur lesquelles je reviendrai plus tard dans 
                    la présente. Alors qu'il est admis que le père de la réclamante 
                    a reçu deux unités de sang durant la période 
                    visée par les recours collectifs (mars 1989), il n'y 
                    a par ailleurs aucune évidence qu'il ait reçu 
                    quelque autre transfusion en dehors de telle période. 
                   Il est aussi admis que le père de la réclamante 
                    a été infecté par le VHC, qu'il a été 
                    atteint d'une hépatite C chronique avec cirrhose compensée, 
                    et que son décès a été causé 
                    par son infection au VHC. Que vient faire, dans cette vie apparemment sans tache, une 
                    maladie aussi terrible que l'hépatite C? Quelle en 
                    est la source? Et même face à une enquête 
                    sur le sang transfusé qui s'avère négative, 
                    y a t-il suffisamment d'éléments pour se satisfaire 
                    que le VHC provient de l'une ou l'autre des transfusions de 
                    1989?  L'on a fait devant moi un long débat, d'abord appuyé 
                    par lettres de l'hépatologue-traitant du père 
                    de la réclamante (pièces A-7 et A-8), à 
                    l'effet que les tests de dépistage effectués 
                    par la Croix-Rouge à l'époque ou par Héma-Québec 
                    ne sont pas nécessairement fiables; le donneur, positif 
                    pour l'hépatite C en 1989, pouvait avoir guéri 
                    de son hépatite C et ne plus avoir de marqueur lorsque 
                    testé quelque douze (12) ans plus tard. Pour m'assurer d'avoir accès à toute la preuve 
                    pertinente, j'ai invité la réclamante, après 
                    l'audition du 31 juillet 2003, à compléter sa 
                    preuve en faisant entendre son ou ses experts, tout comme 
                    j'ai invité le conseiller juridique du Fonds à 
                    faire entendre un ou des experts pour expliciter encore plus 
                    la position défendue par le Fonds. Il y a donc eu reprise 
                    de l'audition le 7 novembre 2003 et j'ai alors entendu le 
                    Dr Jean-Pierre Villeneuve, gastro-entérologue et hépatologue 
                    de grand renom, ce médecin étant appelé 
                    à témoigner par la réclamante. Le conseiller 
                    juridique du Fonds a choisi de ne pas faire entendre d'expert, 
                    s'en remettant plutôt à la documentation déjà 
                    produite. Selon le Dr Villeneuve, l'histoire clinique du père 
                    de la réclamante est compatible avec une hépatite 
                    C contractée lors de l'une des transfusions de 1989. Dr Villeneuve remet en question l'enquête faite par 
                    Héma-Québec en soulevant deux hypothèses 
                    pour expliquer comment l'un ou l'autre des donneurs a pu se 
                    révéler négatif lorsque testé, 
                    mais que par ailleurs, il ou elle a pu néanmoins transmettre 
                    l'hépatite C au père de la réclamante. 
                   Selon la première hypothèse, un donneur est 
                    affecté de l'hépatite C au moment où 
                    il donne du sang, mais il guérit par la suite et perd 
                    les anticorps. Selon cet expert, environ 25% des personnes 
                    qui acquièrent l'hépatite C guérissent, 
                    et de ce 25% environ un tiers perdent les anticorps dans les 
                    dix à vingt ans après avoir fait l'infection 
                    aiguë. Le donneur tomberait donc possiblement dans ce 
                    ± 8%. L'autre hypothèse suggère que l'un des donneurs 
                    soit positif pour le virus sans pour autant avoir d'anticorps. 
                    Il appert que la possibilité d'une telle situation 
                    serait inférieure, dans notre contexte, à 1%. Dr Villeneuve reconnaît par ailleurs que le père 
                    de la réclamante aurait pu contracter l'hépatite 
                    C de d'autres sources, lors de l'une ou l'autre de ses chirurgies 
                    par exemple, mais il estime que la "prépondérance 
                    de la preuve" est plutôt en faveur des transfusions. Dr Villeneuve reconnaît aussi que le fait que le père 
                    de la réclamante ait eu, déjà en 1996, 
                    donc sept (7) ans après ses transfusions, une cirrhose 
                    était quelque peu surprenant puisqu'il faut en moyenne 
                    environ vingt (20) ans pour développer une cirrhose. 
                    Il explique que le fait que le père de la réclamante 
                    ait été âgé, que certaines études 
                    démontrent que la maladie évolue généralement 
                    plus rapidement chez les hommes que chez les femmes et que 
                    les gens contaminés par transfusion peuvent évoluer 
                    plus rapidement que les autres personnes contaminées 
                    sont, autant de facteurs pouvant expliquer une cirrhose acquise 
                    de façon aussi précoce. Tel que mentionné ci-haut, je retrouve chez le père 
                    de la réclamante, avant la découverte des premiers 
                    problèmes pouvant être reliés à 
                    l'hépatite C, plusieurs séjours en milieu hospitalier 
                    et au moins cinq (5) interventions chirurgicales, soit une 
                    appendicectomie en 1943, une cholécystectomie en 1962, 
                    une chirurgie au niveau de l'intestin en 1975, une chirurgie 
                    suite à la rupture d'un anévrisme en 1989 et 
                    l'implantation d'un pacemaker en 1991. Il y a eu, de plus, 
                    durant la même période, certains examens invasifs 
                    tels une colonoscopie. Faisant l'analyse de toute cette preuve et de toute cette 
                    documentation, j'en conclus qu'il est possible que 
                    l'hépatite C ait été acquise par le père 
                    de la réclamante lors de l'une des transfusions de 
                    mars 1989. Malheureusement, je ne puis m'en convaincre suffisamment 
                    pour passer outre au texte de l'article 3.04(1). L'article 
                    3.04(1) du régime mis en place à l'intention 
                    des transfusés infectés par le VHC (1986-1990) 
                    prévoit que si les résultats d'une procédure 
                    d'enquête démontrent qu'aucun des donneurs n'est 
                    ou n'était anti-VHC positif, "l'administrateur 
                    doit rejeter la réclamation de cette personne infectée 
                    par le VHC". C'est sur cette base que l'administrateur 
                    a donc refusé la demande d'indemnisation. L'article 3.04(2) prévoit par ailleurs que le réclamant 
                    peut prouver avoir été infecté pour la 
                    première fois par suite d'une transfusion en dépit 
                    des résultats de la procédure d'enquête. L'avocate du Fonds et moi avons eu de longs échanges 
                    lors de l'audition de cette demande de renvoi sur le sens 
                    à donner à l'article 3.04(2) et sur le fardeau 
                    imposé aux réclamants. Si l'on veut donner un 
                    sens à l'article 3.04(2), il faut qu'un réclamant 
                    puisse réussir, dans certaines circonstances, même 
                    sans avoir accès aux dossiers personnels des donneurs, 
                    à rencontrer ce fardeau. Ainsi, je ne crois pas qu'il 
                    soit suffisant, pour le Fonds, de dire que l'on ne retrouve 
                    pas de cause connue d'infection chez dix, quinze ou vingt 
                    pour cent des personnes infectées et que ce soit là 
                    une réponse à tout argument contraire, ni un 
                    argument dirimant à l'encontre de toute réclamation. 
                   J'ai lu avec grand intérêt la décision 
                    de mon confrère le juge-arbitre Robert S. Montgomery, 
                    c.r., décision du 16 avril 2003 (numéro 93) 
                    où il a choisi d'accueillir le renvoi, estimant qu'il 
                    n'y avait aucune explication de la présence de l'hépatite 
                    C autre que la transfusion. En partie à cause du vécu 
                    médical et chirurgical du père de la réclamante, 
                    en partie à cause de la preuve offerte de part et autre, 
                    je suis incapable d'en arriver à la même conclusion 
                    dans le présent cas, tout comme je suis incapable de 
                    me satisfaire que la réclamante a rempli le fardeau 
                    qui était le sien sous l'article 3.04(2). Je me permets de reproduire ici un long passage d'une décision 
                    de monsieur le juge I.H. Pitfield concernant la réclamation 
                    no. 1300773, décision du 9 octobre 2003: "[8] J'ai discuté des exigences du renvoi et 
                    de l'appel en rapport avec la Convention de règlement 
                    (1986-1990) dans Réf. Réclamation no. 1300593, 
                    [2003] B.C.J. no. 1088 (QL), 2003 BCSC 739. Aux paragraphes 
                    15 et 16, j'ai établi une liste non exhaustive des 
                    sortes de preuves qu'un réclamant devrait invoquer 
                    afin de réfuter le résultat négatif d'une 
                    procédure de retraçage:
 
                     
                      | [15]  | comprendrait au moins les dossiers 
                        médicaux personnels et familiaux complets et des 
                        preuves détaillées sur tous les aspects 
                        de son mode de vie, y compris des preuves d'absence de 
                        possibilités d'être infecté par des 
                        seringues ou des injections, peu importe la manière 
                        et le but de sa réception |  
                      | [16]  | La simple négation par un réclamant 
                        de son passé ou de ses activités personnelles 
                        présentées comme sources possibles de non 
                        transfusion d'une infection par le VHC ne suffirait pas. 
                        Il faudrait que la fiabilité de l'affirmation subjective 
                        de nature soit vérifiée par un renvoi à 
                        toutes les preuves objectives connues. Une des pièces 
                        comme preuve objective comprend les résultats de 
                        l'enquête de retraçage qui s'appuie sur l'application 
                        du protocole d'enquête approuvé et/ou conforme 
                        à celui-ci. Il faudrait que des preuves objectives 
                        contradictoires soient très persuasives si le résultat 
                        de l'enquête devait être réfuté. 
                        [C'est nous ( M. le Juge Pitfield) qui soulignons]. |  [9] En somme, le réclamant doit fournir un certain 
                    élément probant convaincant pour établir 
                    que selon la prépondérance des probabilités, 
                    la source de l'infection provenait des produits sanguins reçus 
                    au cours de la période visée par les recours 
                    collectifs." Tout comme le juge-arbitre et monsieur le juge Pitfield, 
                    tous deux dans l'affaire 1300773, je n'ai pas trouvé 
                    de preuve pouvant démontrer, selon la prépondérance 
                    des probabilités ou autrement, que le père de 
                    la réclamante avait été infecté 
                    pour la première fois par le VHC suite à une 
                    transfusion de sang reçue durant la période 
                    visée par les recours collectifs. En particulier, je 
                    ne puis trouver dans les explications par ailleurs fort bien 
                    présentées par le Dr Villeneuve les éléments 
                    qui me satisfassent que la réclamante a pu prouver, 
                    malgré les résultats de la procédure 
                    d'enquête, que son père a été infecté 
                    pour la première fois par le VHC par suite de l'une 
                    des transfusions de sang reçue en 1989. Je me dois de rappeler à la réclamante et à 
                    sa sur que la convention de règlement ne peut 
                    nécessairement couvrir tous les cas, qu'il s'agit d'un 
                    compromis, avec ses forces et faiblesses, convenu pour indemniser 
                    ceux qui rencontrent les dispositions et termes de l'entente. 
                    Cette entente cherche à indemniser les réclamants 
                    qui y ont droit, mais aussi à protéger les actifs 
                    du Fonds contre les réclamants qui n'ont pas droit 
                    à quelque indemnité.  C'est donc dans ce contexte que je maintiens la décision 
                    de l'administrateur et que je rejette la demande de renvoi. 
                   Montréal, le 16 janvier 2004
 (S) Jacques Nols Jacques NolsJuge-arbitre
 D É C I S I O N  du tribunal compétent en matière de recours collectifs - le 15 décembre 2004 
  
                    
						
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